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Le projet de loi sur l'aide médicale à mourir donne trop de pouvoir aux médecins

Je considère que le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir, présentement sous étude à Ottawa, donne trop de pouvoir aux médecins dans l'évaluation de ce qu'est la «mort naturelle devenue raisonnablement prévisible».
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Comme avocate et présidente de l'Institut de planification des soins, je considère que le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir, présentement sous étude à Ottawa, donne trop de pouvoir aux médecins dans l'évaluation de ce qu'est la «mort naturelle devenue raisonnablement prévisible».

En effet, telle que formulée, cette condition est vague et imprécise. Elle n'apporte rien de bien utile et pourrait être aisément retirée. À défaut, il est de la responsabilité du législateur de définir clairement les critères de l'application de cette disposition, car il est impératif de s'assurer que la démarche d'interprétation juridique ait été faite et bien comprise par les médecins. Cela permettra d'éviter les décisions aléatoires qui pourraient engendrer de la discrimination et priver des Canadiens de leur droit à l'aide médicale à mourir.

Il est aussi extrêmement important qu'il apparaisse clairement que l'intention du législateur est de respecter les principes de l'arrêt Carter et que cette interprétation se retrouve dans le préambule de la Loi, ou dans les définitions. Cela est certes primordial pour les médecins, mais aussi pour la population en général qui a le droit de savoir à quoi s'attendre.

L'importance de pouvoir demander l'aide médicale à mourir à l'avance

Les Canadiens devraient pouvoir demander l'aide médicale à mourir à l'avance, dès la réception d'un diagnostic de maladie grave et irrémédiable. Cette possibilité devrait aussi être incluse dans le projet de loi C-14. Il serait discriminatoire de ne pas le faire pour les personnes ayant demandé l'aide médicale à mourir de façon claire et sans équivoque, qui respectent les conditions d'accès, mais qui ont développé une incapacité mentale. Pourtant, il ne s'agirait que d'ajouter quelques conditions additionnelles, tel que l'Institut de planification des soins l'a souligné dans son mémoire adressé au Comité de la Chambre des communes qui a siégé sur la question, et tel que cela s'est fait dans la plupart des pays qui ont légiféré sur l'aide médicale à mourir. Il est à souligner que la population canadienne est fortement en faveur de la demande anticipée. Un récent sondage IPSOS chiffre à 80% cet appui, y compris au Québec.

Désaccord avec la position du Barreau du Québec

Des membres du conseil d'administration de l'Institut de planification des soins et membres du Barreau du Québec, dont Me Denise Boulet, Me Louise Boyd et moi-même, sont en désaccord avec la récente prise de position du Barreau à l'effet que la condition du «déclin avancé des capacités», contenue dans le projet de loi C-14, serait inconstitutionnelle. Selon nous, cette disposition doit se lire en tenant compte de l'affirmation réitérée de la Cour suprême que les paramètres établis se rapportent aux situations de fait des requérantes, Mme Gloria Taylor et Mme Kay Carter, qui présentaient toutes deux un déclin avancé de leurs capacités. La disposition nous semble donc tout à fait conforme aux principes émis dans Carter. Cette notion n'a rien à voir avec celle de la fin de vie ou mort imminente, telle qu'elle apparaît à la loi québécoise.

Si le législateur retirait cette condition, cela équivaudrait presque à offrir l'aide médicale à mourir à la demande, et ce, dès qu'une maladie incurable est diagnostiquée. En effet, le

«caractère intolérable» de la souffrance s'apprécie par la personne elle-même.

Bien que cette condition d'accès n'apparaisse pas dans les paramètres établis par la Cour suprême, cela ne veut pas dire que le législateur ne puisse établir un régime raisonnable et proportionnel, dont l'objectif légitime est de protéger les personnes vulnérables.

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