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Fusion Québec solidaire - Option nationale: la dérive idéologique

Une union à la hussarde qui va à l'encontre de tout ce que Québec solidaire prétend représenter jusqu'à présent.
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La direction de QS n'a pas permis à ses associations locales d'intervenir dans la genèse de cet accord de fusion.
THE CANADIAN PRESS
La direction de QS n'a pas permis à ses associations locales d'intervenir dans la genèse de cet accord de fusion.

Les directions d'Option nationale et de Québec solidaire invitent leurs membres début décembre à ratifier une entente fusionnant les deux formations. Aucun indépendantiste ne peut être contre l'addition de ces deux forces, mais les termes du projet de fusion rendent peu probable la stabilité d'un tel mariage. L'entente de principe négociée préserve en effet le maintien d'Option nationale comme organisation au sein de Québec solidaire. Elle lui octroie en outre un droit de préemption sur tout ce qui touche à la question nationale et prévoit le remplacement du programme indépendantiste de QS par celui d'ON.

Très pointilleux sur la question de l'égalité des sexes, QS n'a pas de « chef », mais une porte-parole féminine et un porte-parole masculin. Sans égard aux statuts et sans élection, le projet d'entente ajoute un troisième porte-parole en la personne de Sol Zanetti : « 18. Le parti unifié mettra de l'avant le chef actuel d'ON dans les communications publiques et les activités du parti unifié sur les enjeux entourant l'indépendance du Québec ». Zanetti se voit également garantir sa candidature dans un comté « gagnable » en 2018, une hérésie pour une formation qui critique régulièrement les partis traditionnels pour leur recours au parachutage de candidats.

Option nationale deviendrait un véritable parti dans le parti.

Option nationale deviendrait un véritable parti dans le parti. Il existe bien à QS des « collectifs » (écosocialisme, laïcité, jeunesse, etc.), mais ces collectifs n'ont ni budget ni pouvoirs particuliers. En pratique, ce sont de simples cercles de discussion. Il est par contre prévu qu'Option nationale deviendra un collectif avec budget autonome. Dans les faits, il sera le dépositaire de l'orthodoxie souverainiste au sein de QS. Ce collectif ON contrôlera la conception et la production de matériel sur l'indépendance, organisera une université annuelle sur le sujet et fera réimprimer aux frais de QS son ouvrage leLivre qui fait dire oui. Le thème de l'indépendance serait omniprésent, sur les communiqués, sur le logo, sur les affiches.

Option nationale obtient l'abandon du programme de Québec solidaire sur l'indépendance et son remplacement par le sien. QS a toujours refusé de hiérarchiser ses valeurs fondamentales, écologie, féminisme, justice et solidarité sociale, indépendance, démocratie, respect des droits des minorités et des autochtones, etc. Pour les solidaires, la souveraineté n'a aucun sens sans projet de société. Ce que disaient d'ailleurs les souverainistes de la première heure dans le programme du Parti québécois de 1969. L'entente, elle, hiérarchise. Elle édicte que la lutte contre le « régime colonial canadien » devra avoir une importance au moins égale à celle contre le néolibéralisme, sans aucune mention des autres principes. Le Québec, colonie du Canada ? Derrière cet absurde raccourci historique se profile l'illusion que le Québec peut proclamer unilatéralement son indépendance en invoquant un statut de colonie, une position intenable en droit international.

Le débat durerait de longs mois et ce serait aux indépendantistes de convaincre la majorité que leur option est la meilleure.

Depuis sa création, QS veut sortir le Québec de l'impasse qui dure depuis 1995 et rompre avec la stratégie référendaire classique où un gouvernement souverainiste rédige une question alambiquée et demande à l'électorat de répondre par oui ou par non. QS se réclame plutôt de la démocratie participative où c'est le peuple qui exerce sa souveraineté et décide de son avenir, par le biais d'une Assemblée constituante élue au suffrage universel qui rédigera un projet de constitution, à ratifier lors d'un référendum. Cette approche a l'avantage de permettre la participation de ceux qui ne favorisent pas l'indépendance (68 % des Québécois selon le sondage CROP du mois d'août) et de briser 35 ans de dialogue de sourds où le camp fédéraliste se contente de dire non sans préciser ses propres solutions quant à l'avenir de la nation. Le débat durerait de longs mois et ce serait aux indépendantistes de convaincre la majorité que leur option est la meilleure.

Cette vision démocratique disparaît dans l'entente proposée. Il est dit que l'Assemblée constituante « aura pour mandat d'élaborer un projet de constitution d'un Québec indépendant ». C'est là le programme d'Option nationale. Il appartiendrait ainsi à une minorité agissante de définir l'issue du débat avant même qu'il n'ait commencé, la rédaction de la constitution d'un pays indépendant. Autre symptôme d'une dérive sectaire, l'entente prévoit que Québec solidaire sera tenu de dénoncer à tous les tournants le « Quebec bashing ». Comme si les relations avec le Canada se résumaient à un combat simpliste entre bons et méchants.

Tout ceci culmine dans la théorie oniste de la gouvernance souverainiste. Les négociateurs solidaires l'ont reprise à leur compte : « Un gouvernement de Québec solidaire appliquera les mesures prévues à son programme, qu'elles soient compatibles ou non avec le cadre constitutionnel canadien ». Ceci contredit carrément le programme de QS qui a toujours fait la distinction entre ce qui est réalisable avant l'indépendance et ce qui le sera après. ON a au contraire la prétention de pouvoir gouverner comme si Ottawa n'existait pas. Sur la base de quel mandat ? Aucun, sauf la conviction de posséder la vérité. Car, ne l'oublions pas, aucun gouvernement québécois n'a gouverné avec plus de 50 % des suffrages depuis Robert Bourassa en 1989. Le dernier gouvernement Charest et celui de Philippe Couillard aujourd'hui étaient majoritaires, mais ils n'ont obtenu tous deux que 42 % des voix. Une telle confusion entre mandat de gouvernement et mandat de sécession est foncièrement antidémocratique. Sans compter qu'elle ne résisterait pas à l'examen des tribunaux.

La direction de QS n'a pas permis à ses associations locales d'intervenir dans la genèse de cet accord de fusion. De plus, elle a décrété que le texte ne sera pas amendable lors du congrès de décembre, écartant ainsi toute possibilité de compromis que pourrait suggérer sa base. Les membres de QS sont maintenant confrontés à un choix non démocratique, une sorte de bill omnibus à la Stephen Harper. S'ils veulent accueillir ON en leur sein, ils devront adopter en bloc tout ce que contient l'entente. Une union à la hussarde qui va à l'encontre de tout ce que Québec solidaire prétend représenter jusqu'à présent.

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