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Accès aux services médicaux de base: si ça marchait, ça se saurait

À 15 minutes par visite, 250 000 heures additionnelles de services en première ligne seraient nécessaires pour éviter à des centaines de milliers de Québécois de tous âges et de toutes conditions d’attendre chaque année de trop longues heures à l’urgence.
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Cecilie_Arcurs via Getty Images

Le débat sur les heures d'ouverture des groupes de médecine de famille (GMF) nous donne l'occasion de réfléchir sur l'efficacité des moyens privilégiés jusqu'à présent pour améliorer l'accessibilité aux services médicaux de base.

Si les 300 GMF, les 50 super-cliniques, l'organisation optimale des plages horaires des médecins et le milliard de dollars ajouté aux 2,5 milliards déjà versés annuellement aux 9000 médecins de famille avaient eu un impact significatif sur l'amélioration de l'accès aux services ça se saurait et nous aurions observé une chute drastique du nombre de visites aux urgences pour des problèmes de santé traitables à l'extérieur de celles-ci.

Mais quelle devrait être l'ampleur de la diminution de ces visites pour que nous puissions affirmer que l'accessibilité s'est nettement améliorée? C'est une question subjective en apparence complexe, à laquelle il est possible de répondre en utilisant quelques données publiques et le gros bon sens.

Un grand nombre des 2,1 millions de visites annuelles de faible niveau de priorité (P 4 et P5) ont été traitées aux urgences faute de disponibilité dans les GMF et dans les cabinets des médecins de famille selon, feu, le Commissaire à la Santé et au bien-être (CSBE) sur la base des données 2012-2013.

Estimons raisonnablement que le grand nombre auquel réfère l'étude du CSBE correspond à 50 % de ces 2,1 millions de visites. Le nombre de visites évitables aux urgences et transférables en GMF ou en cabinet serait alors d'environ 1 million.

Or, à 15 minutes par visite, 250 000 heures additionnelles de services en première ligne seraient nécessaires pour éviter à des centaines de milliers de Québécois de tous âges et de toutes conditions d'attendre chaque année de trop longues heures à l'urgence.

À 50 $ par visite, le coût annuel pour la rémunération de ces heures additionnelles serait de 50 M$ en comparaison des 175 M$ par année dépensés pour soutenir le modèle de dispensation des services dans les GMF en incluant les primes versées aux médecins qui y exercent.

Les 250 000 heures additionnelles représentent en moyenne environ 3,5 jours supplémentaires de travail en première ligne par année pour chaque médecin

Les 250 000 heures additionnelles représentent en moyenne environ 3,5 jours supplémentaires de travail en première ligne par année pour chaque médecin. Mais, puisqu'une majorité de médecins de famille (60 %) travaille déjà 200 jours ou plus par année, convenons que leur offre de services est adéquate eu égard aux besoins de la population.

Conséquemment, 40 % des 9 000 médecins de famille facturant à la RAMQ travaillent moins de 200 jours par année et pourraient donc potentiellement augmenter leur prestation de services. Mais, puisque parmi eux il y a des médecins par exemple en fin de carrière, faisons l'hypothèse conservatrice que le quart de ces 3600 médecins ne pourrait pas en faire plus et devrait continuer à travailler à temps partiel. Il reste donc 2 700 médecins potentiellement disponibles pour offrir les 250 000 heures de travail additionnelles requises pour rediriger 1 million de visites par année des urgences vers les GMF et les cabinets.

La question qui tue, comment motiver ces 2 700 médecins de famille, tous apte à le faire, à travailler davantage?

Cette contribution additionnelle concentrée chez les médecins de famille travaillant par choix à temps partiel représente en moyenne 12 jours supplémentaires de travail en première ligne par année pour chaque médecin. La question qui tue, comment motiver ces 2 700 médecins de famille, tous apte à le faire, à travailler davantage?

Certainement pas en ajoutant des primes à la productivité totalement inefficace dans le cas présent. Quant au soutien à l'organisation des services, les investissements dans les GMF et les super-cliniques sont déjà colossaux. Depuis trop longtemps ce sont des centaines de milliers de Québécois qui supportent injustement chaque année d'interminables heures d'attente aux urgences parce que de trop nombreux médecins de famille ont choisi de travailler à temps partiel.

La solution économiquement responsable serait d'inciter fortement ce groupe de médecins à augmenter leur contribution au bien-être des Québécois en introduisant une pénalité financière lorsqu'ils travaillent moins de 200 jours par année. Celle-ci serait inversement proportionnelle au pourcentage d'atteinte de l'objectif visé. Par exemple, le médecin bien portant qui ne travaille que 80 jours par année est à 40 % de l'objectif de 200 jours et sa rémunération serait réduite de 60 % alors que celui qui travaille 150 jours par année est à 75 % de l'objectif et sa rémunération serait réduite de 25 %.

Cette approche rigoureuse et efficiente ne sera jamais négociée ou décrétée par le gouvernement.

Toutefois, si la détermination passée de nos gouvernements est garante de leurs futures actions, le syndicat des médecins de famille n'a pas à s'inquiéter. Cette approche rigoureuse et efficiente ne sera jamais négociée ou décrétée par le gouvernement.

C'est dommage, car sans une augmentation ciblée de l'offre de services médicaux en première ligne, oublions la diminution significative des visites non prioritaires des patients ambulatoires aux urgences, symptôme d'un manque flagrant d'accessibilité aux services médicaux de base et oublions la diminution des temps d'attente infligés à ceux et celles qui en trop grand nombre se rendent par défaut et en dernier recours à l'urgence.

On ne veut pas le savoir, qu'on a un médecin de famille, on veut le voir! Et à défaut d'y arriver, comme le disait l'un de nos grands humoristes, vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade.

Avril 2018

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