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Polars: le meilleur et le pire

Ah! Un Lawrence Block. Enfin un rayon de soleil sulfureux dans le paysage du polar américain. Keller est le tueur à gages principal de l'agence de placement gérée par Dorothea (Dot). Homme au sang-froid remarquable, il exécute les contrats à la lettre (morts naturelles, accidentelles, violentes, tout est bon) et il est capable de tout faire jusqu'au jour où lors d'un contrat il se sent épié.
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Ah! Un Lawrence Block. Enfin un rayon de soleil sulfureux dans le paysage du polar américain.

Le célèbre écrivain est né en 1938 à Buffalo. Nommé Grand Maître du roman policier en 1994, il est notamment l'auteur des aventures du privé Matt Scudder (16 romans en français); la série du libraire-cambrioleur Bernie Rhodenbarr (10 romans en français); la série mettant en scène l'agent secret Evan Tanner (6 titres) et celle qui nous occupe aujourd'hui la série du philatéliste-tueur à gages Keller dont il s'agit de la quatrième aventure.

Keller est le tueur à gages principal de l'agence de placement gérée par Dorothea (Dot). Homme au sang-froid remarquable, il exécute les contrats à la lettre (morts naturelles, accidentelles, violentes, tout est bon) et il est capable de tout faire jusqu'au jour où lors d'un contrat il se sent épié. Il change de chambre au motel et le couple qui a pris sa place meurt la nuit même. Le doute s'installe. Il exécute le contrat suivant et se fait voler son imperméable au restaurant, lequel contenait l'arme de son crime. Le pauvre voleur est retrouvé assassiné. Keller n'a plus de doute, quelqu'un cherche à lui nuire. Il s'ouvre à sa patronne qui commence à faire des recherches et découvre alors que son second homme de main est mort. Elle devine qu'un dangereux individu est en train d'abattre la concurrence afin de s'approprier tous les contrats de tueur et faire monter les prix. Assisté de Keller, Dot va tendre à l'assassin un piège mortel dont Keller sera l'instrument.

Lawrence Block nous sert ici un polar mené rondement, proprement. Les multiples morts sont esquissées à grands traits, voire éclipsées, laissant libre cours à l'imagination des lecteurs. Le spectaculaire et le sanglant intéressent peu l'auteur qui s'attache davantage à mettre l'accent sur les personnages et leurs relations. Dialoguiste de grand talent, Block s'amuse avec un humour grinçant et sarcastique à travers les discussions entre Keller et Dot. Au comble de l'ironie et affichant toute l'étendue de son talent, Lawrence Block marche sur le fil littéraire en exécutant une mise en abyme de l'éthique de travail d'un tueur (oui, oui), ici défendu par Keller. Un roman à la construction exemplaire, sans effort, sans effet de cape. Juste des mots qui finissent par construire un univers. Une lecture qui fait plaisir. Le Monsieur a du métier.

Lucifer Code de Charles Brokaw

Un petit avis au départ : je ne voulais pas faire de chronique sur ce roman. Je n'aime pas faire des critiques entièrement négatives. Ici, cependant, je ne trouve rien de positif auquel m'accrocher. Nulle part sur le web, vous ne trouverez de chroniques sur Lucifer Code, de Charles Brokaw, ce qui me pousse à faire paraître celle-ci en guise d'avertissement avant achat, si jamais vous étiez tenté...

Allons-y donc et tant pis pour vos prudes prunelles!

Après le Da Vinci Code, le Atlantis Code (du même Brokaw), le Code Salamandre, voici maintenant le Lucifer Code (à paraître prochainement : le Code Code!).

Premier constat, le polar est si mal écrit que la traduction ne saurait être en cause. Les descriptions présentent de brusques changements de ton, des niveaux de langages différents, concourant à donner l'impression que le texte a été écrit par plusieurs mains, chacun sa phrase. Les dialogues sont un comble d'inepties et les tentatives d'humour viennent seulement entraver davantage la lecture. Des dialogues aberrants donc, empruntant une forme de politesse exquise mêlée de cynisme cependant que les méchants canardent comme si les armes se rechargeaient seules. Le cynisme et l'ironie mal placés, c'est surtout d'une impardonnable maladresse.

Le contenant est déficient, l'histoire emberlificotée.

La CIA veut s'emparer du professeur Thomas Lourds (oh! qu'il mérite son nom). Les agents attendent qu'il atterrisse à Istanbul, mais, au sortir de l'aéroport, le linguiste est kidnappé par un groupe de terroristes local mené par une Irlandaise. La CIA est court-circuitée. S'ensuit une poursuite infernale à travers la ville. Des coups de feu sont échangés, des collisions, l'explosion d'un hélicoptère, mais rien n'y fait: Les agents assistent impuissants au rapt.

Lourds est amené vers les catacombes de la ville où on va le forcer à déchiffrer un vieux texte biblique. C'est alors qu'un nouveau groupe intervient pour libérer le professeur et l'Irlandaise. De retour à son hôtel, c'est maintenant au tour de la police turc de s'intéresser au professeur. On apprend ensuite que la belle Irlandaise a changé d'allégeance et qu'elle joue les agents doubles pour la CIA. Si seulement nous étions dans un vaudeville, une comédie de situation, un festival du quiproquo...

Et bien sûr, ces détenteurs du secret ultime, des Turcs, possèdent le document biblique depuis des centaines d'années, écrit par Jean de Patmos dans un idiome indéchiffrable. Incapable de le décoder ou de former quelqu'un pour apprendre ce langage ancien, ils doivent s'en remettre à un maître linguiste tout droit sorti de Harvard. Le sauveur américain. Thomas Lourds! Nombriliste à souhait. Ethnocentrique, dites-vous?

Conspiration, rapt, coups de feu, poursuite, opération secrète. Tous les ingrédients sont présents mais ça goûte le médiocre! La faute incombe au départ à ce personnage invraisemblable du professeur Thomas Lourds, un linguiste en pleine crise de la quarantaine, un vieux beau qui croit bien pouvoir encore séduire toutes les nubiles qui passent sous ses yeux. Sexiste, misogyne et imbu de lui-même. Une laborieux mélange de James Bond et Indiana Jones, sans recul, sans subtilité ni clin d'œil.

Et il y a aussi ce placement de produit insensé et honteux auquel l'auteur se prête à tout propos, nous rappelant les aventures précédentes de Thomas Lourds. Une fois peut toujours aller, mais ce renvoi constant est irritant à l'extrême.

Quand je pense qu'un excellent auteur de suspenses comme l'anglais Tom Bale (Coupés du monde, 2011) a perdu son éditeur français et se trouve sans contrat et que d'un autre côté, je lis de pareilles insignifiances...

Lawrence Block, Le Pouce de l'assassin, Calmann-Levy, 9 avril 2012. Traduit par Vincent Delezoide (Hit List, 2000).

Charles Brokaw, Lucifer Code, Calmann-Levy, 9 mars 2012. Traduit par Marie Boudewyn (Lucifer Code, 2010).

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