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Les grandes métropoles servent souvent de toile de fond aux auteurs de polars. Dansde David Montrose, Montréal devient presque un personnage. C'est tout aussi vrai pour le dernier Martin Michaud,.
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Les grandes métropoles servent souvent de toile de fond aux auteurs de polars. Dans Meurtre à Westmount de David Montrose, Montréal devient presque un personnage. C'est tout aussi vrai pour le dernier Martin Michaud, Violence à l'origine.

Après une escapade (l'excellent suspense Sous la surface) loin de ses personnages fétiches, Martin Michaud revient avec Violence à l'origine, la quatrième aventure de Victor Lessard et Jacinthe Taillon.

Le tandem du Service de police de la ville de Montréal est confronté à une violente énigme ayant pour seuls points de repère un graffiti et, de la bouche des cadavres, les noms des victimes et l'heure des décès. L'assassin se pose en juge et bourreau. En apparence, les dépouilles n'ont rien en commun. Victor Lessard et Jacinthe Taillon, opiniâtres, vont faire jouer toutes les ficelles, jusqu'au chantage, pour obtenir des indices. Ce qu'ils parviennent à mettre à jour sera plus monstrueux que tout ce à quoi ils s'attendaient : un trafic d'humains bien camouflé sous l'interface du web.

Ce roman de l'auteur québécois s'inscrit dans la longue lignée des polars ayant pour thème la vengeance. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Un jeune garçon enlevé dans les années 80 refait soudainement surface pour se venger de ce qu'on lui a fait subir : un endoctrinement, entre autres, dont la dernière victime annoncée sera le père Noël.

Ce qui surprend dans Violence à l'origine n'est pas tant l'histoire que la maîtrise avec laquelle Martin Michaud la raconte. Il y va allègrement dans ce que l'on pourrait nommer une narration en trompe-l'œil. Le tueur va abattre ses victimes soigneusement choisies en utilisant une méthode très distinctive, en suivant un ordre qui répond à un besoin obsessionnel. De l'autre côté du miroir, le policier Lessard, qui mène l'enquête, souffre lui-même d'un sérieux toc; il cherche l'ordre à tout prix dans ce qui semble un chaos organisé. Lessard est pratiquement en harmonie avec le désordre bien agencé de l'assassin.

«Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté.» - Charles Baudelaire

Par contre, l'évolution de Lessard me rend perplexe. On a droit à un Victor qui s'éloigne de la bouteille et de la dépression, devenu tempéré et presque trop parfait. En tant que lecteur, je m'identifie davantage à un enquêteur plein de défauts qu'à un héros trop vertueux. Il me semble, ici, qu'il joue le faire-valoir pour son acolyte, Jacinthe Taillon, plutôt que d'incarner un personnage d'avant-plan.

Cela dit, Martin Michaud est réellement notre auteur de romans policiers le plus exportable. Violence à l'origine est un solide polar, aussi bien écrit qu'il est construit.

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Virée dans le monde interlope des années 40

Vous saviez que le Québec avait déjà produit des polars noirs dans la grande tradition et au même moment que les plus grands des auteurs américains? Moi je viens de l'apprendre! David Montrose a écrit Meurtre à Westmount à la fin des années 40. C'était en anglais, jusqu'à ce que les Éditions Hurtubise exhument le récit...

J'ai hésité longuement. Par crainte, d'abord, que ça soit mauvais. Peur ensuite que la présence (surtout l'absence) francophone donne libre cours à un ramassis de clichés et de mépris. Dans les années qui précèdent la Révolution tranquille, outre un large poids démographique et quelques institutions religieuses, on ne s'imposait guère.

Je me suis tout de même laissé séduire et voici ce que j'ai découvert.

Un détective privé du nom de Russel Teed est engagé par une riche dame de Westmount pour prouver que le mariage de sa fille chérie doit être invalidé parce que le mari, dont la richesse provient du milieu interlope, est soupçonné de bigamie.

À partir de cette simple assertion, David Montrose nous emporte dans le « Red Light » montréalais. Nous sommes à la fin des années 40. Les souteneurs et les contrebandiers font fortune. Les salons de jeux et les lupanars du centre-ville sont en plein essor. C'est l'âge d'or de Montréal, ville ouverte.

Meurtre à Westmount est un polar noir d'une grande efficacité, extrêmement plaisant à lire. Le point de vue adopté est celui de la minorité anglophone et les liens de cette communauté se tissent avec l'Ontario et les É.-U. parce qu'il n'y a pas grand-chose à faire avec cette majorité francophone pauvre, mais honnête!

Russel Teed est un personnage tout à fait incorruptible et se pose en véritable Eliot Ness. Naviguant entre les nababs et leurs sbires, fréquentant les plus jolies femmes, sans jamais, ou presque, succomber à leur charme! Surtout, il ne perd pas de vue son enquête et parvient à démêler tous les fils, enfouis sous quelques cadavres et visages patibulaires.

Plus de soixante ans après sa parution originale, Meurtre à Westmount n'a, pour ainsi dire, pris aucune ride et se déguste avec délice!

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Martin Michaud, Violence à l'origine, Éditions Goélette. Novembre 2014. 443 pages.

David Montrose, Meurtre à Westmount, Éditions Hurtubise. Traduction de Sophie Cardinal-Corriveau (The crime on Cote des Neiges, 1951, 2010). Octobre 2014. 261 pages.

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