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Paris Polar: les gendarmes et les malfrats

Dis, si on jouait aux policiers et aux voleurs? Le second polar d'Ingrid Astier,, commence par un violent braquage au Parc de la Villette et se transforme rapidement en chasse à l'homme à travers Paris. En guet-apens autour du parc, les policiers assistent impuissants à la mort du convoyeur, tué à coups de batte de baseball.
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Dis, si on jouait aux policiers et aux voleurs? Le second polar d'Ingrid Astier, Angle mort, commence par un violent braquage au Parc de la Villette et se transforme rapidement en chasse à l'homme à travers Paris.

En guet-apens autour du parc, les policiers assistent impuissants à la mort du convoyeur, tué à coups de batte de baseball. Les malfaiteurs déjouent le piège et s'enfuient à moto. Cette scène va mettre toute la police sur le qui-vive. Gendarmes et enquêteurs, de la criminelle à la police judiciaire, en passant par la brigade fluviale, toutes les forces de l'ordre vont collaborer pour traquer les criminels.

Le jeu du chat et de la souris peut commencer.

Le lieutenant Marc Valparisis de la police judiciaire, le commandant Michel Duchesne, chef de section à la criminelle et Joe Desprez, commandant de la brigade criminelle vont unir leurs efforts pour retrouver les tueurs. Ils font jouer leurs indicateurs, interrogent des témoins, bousculent un peu tout le monde jusqu'à ce que le hasard les rapproche des malfrats. Alors que les forces de l'ordre collaborent du mieux qu'elles peuvent, les caïds, eux, ne se font pas de cadeaux. Ils se nomment Sess Sylla, Moussa, Souleymane Traoré, des Africains, et surtout Diego, un personnage complexe, violent, sournois, organisé jusqu'à la paranoïa. L'insaisissable Diego a cependant une faiblesse, sa sœur, la petite mésange, Adriana, qui fait de la haute voltige au cirque Diana Moreno.

La première impression qui reste de cette lecture est douce et amère. J'ai adoré ce polar haut en couleur et vertigineux. L'attachant personnage d'Adriana, y est pour beaucoup. Ces flics en chasse qui ne mangent plus, ne dorment plus, en viennent à attirer la sympathie tant leur volonté est rivée sur l'enquête. Cette manière d'opposer la liberté d'Adriana qui s'envole de son trapèze alors que son frère cherche sa liberté dans les armes et le fric. Deux façons de voir l'existence, deux destins croisés.

Mais les clichés qui remplissent ces pages servent de « repousse-polar ». Entre les deux, mon cœur balance.

Deux clans s'affrontent. Les stéréotypes coulent à flots. Les gangsters sont des voyous par profession. Ils préparent des cambriolages et font des vols à main armée. Ils vivent en banlieue de Paris et ne sont pas Français d'origine. De l'autre côté, les policiers sont aussi des professionnels (de l'ordre), ils n'ont aucun défaut notable, aucune prise pour les faire chanter. Leur vie consiste à courir après les vilains. Aucune famille, aucune progéniture, pas de maison, que le travail, jour et nuit, 24 heures sur 24. Fatigués, usés, affamés, nauséabonds. Travaille. Cherche. Piste. Des robots du bien contre des automates du mal.

Angle mort est écrit avec une minutie maniaque. Empli de détails et d'anecdotes. Comme si Ingrid Astier écrivait avec une loupe. C'est pratiquement la création du polar naturaliste. Touffu, complexe, mais manichéen. L'auteure parvient, avec la thématique surannée du chat et de la souris, à livrer un roman au souffle immense. Une merveilleuse mécanique qui se laisse lire et appréciée malgré des défauts évidents.

Mais on ne peut tout simplement pas ignorer le message sibyllin sous-jacent. Les voleurs sont tous des immigrants, sans papiers (Diego est Espagnol). De la banlieue de Paris, Aubervilliers principalement. Les (bons) policiers sont Français de souche, probablement blancs. Cette confrontation a peut-être une prise dans la réalité parisienne, mais il y a une petite odeur fétide qui s'en dégage...

Autrement, je vous le dis, il s'agit d'un polar d'une grande envergure, doté d'un très grand souffle littéraire. Une puissante force de développement qui le distingue. Il y a de la vie entre les pages de ce roman et dans ces personnages marqués. Et puis ce profond tour d'horizon d'un côté à l'autre de la Seine. Ce va-et-vient par-dessus et par-dessous les nombreux ponts et passerelles de la Ville lumière est un voyage à l'abri des touristes.

Un polar très français et trop manichéen pour crier à la grande œuvre, mais particulièrement effervescent! La série noire de Gallimard a raison de croire en cette jeune auteure. Plaisir coupable et bonheur accablant, des polars comme Angle mort, moi, j'en prends toute l'année sans jamais me rassasier.

Ingrid Astier, Angle mort, Éditions Gallimard, série noire, janvier 2013. 510 pages.

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