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«Millénium 4» de David Lagercrantz: mille regrets!

Le seul mérite de ce requiem aura été de démontrer qu'il n'est pas si facile d'écrire un bon polar. En cela, il s'agit d'un involontaire hommage à l'œuvre de Stieg Larsson.
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Comme bien des amateurs de romans policiers, j'ai lu la série Millénium, celle de Stieg Larsson, auteur suédois décédé après la parution du troisième livre d'une série qui devait en compter une dizaine. Il y a donc autant de surprise, de stupeur que d'appréhension à entamer Millénium 4, ce qui ne me tue pas de David Lagercrantz, qui a repris les personnages de Larsson pour poursuivre l'œuvre.

Je ne crois pas qu'on accepterait Les Fleurs du mal 2 ou encore la suite de Germinal, mais oui, c'est possible d'écrire la suite de Millénium, si Lisbeth Salander en fait partie. Nous sommes ici et maintenant au 21e siècle et David Lagercrantz devient ainsi l'un des premiers auteurs-interprètes en littérature. Toute l'entreprise semble sulfureuse? Elle l'est! Mais ce ne sont que des a priori, et si le roman en question est bon, eh bien il est bon. Alors qu'en est-il vraiment?

La revue Millénium est en difficulté financière. Elle est sur le point de perdre son indépendance. Mikael Blomqvist n'a pas sorti de grandes enquêtes depuis longtemps et on chuchote qu'il est fini. Lorsqu'il reçoit l'appel du savant chercheur suédois Frans Balder, il est persuadé d'être sur une importante piste qui va ramener son acolyte d'antan, Lisbeth Salander, dans un reportage au cœur des recherches sur l'intelligence artificielle, de l'espionnage industriel et de la NSA qui fait de l'écoute illégale.

Ce qui ne me tue pas... me rend nostalgique. Le succès de la série Millénium première mouture reposait sur des personnages de premier plan, Blomqvist et Salander, mais également sur une structure aussi étanche que vraisemblable et des retournements de situations variés et souvent imprévisibles.

Millénium 4 ramène les deux personnages chéris et des situations qui semblent en accord avec l'esprit de Stieg Larsson.

Blomqvist est aussi fade et rigide qu'auparavant. Il est acharné et téméraire. C'est le personnage central par qui tout arrive, mais c'est aussi le protagoniste le plus vraisemblable qui permet de teinter la série de réalisme. Par contre, Lisbeth Salander est une figurine. On aimait son caractère rebelle, sa fragilité, ses doutes et ses secrets. Dans Millénium 4, elle est riche jusqu'à l'arrogance, elle est devenue la plus talentueuse hackeuse du milieu de l'informatique, sans compter sa soudaine grande beauté et une force physique qu'on ne lui devinait pas. L'un dans l'autre, c'est une femme bionique. La caricature du personnage tant apprécié. Un imposteur qui n'a de Salander que le nom.

La structure du roman et les situations sont crédibles jusqu'à la moitié du livre. David Lagercrantz bâtit son intrigue sur des sujets aussi pointus que l'intelligence artificielle, les mathématiques avancées et les écoutes électroniques sans trop perdre le lectorat. Lorsque la mise en place est complétée et qu'il faut enfin relier tous les fils, comme si l'auteur-interprète ne savait plus quelle tangente adopter, il s'emmêle et pousse de plus en plus loin les invraisemblances, de récidives en répétitions, pour aboutir à un immonde imbroglio.

À partir de ce moment, l'intrigue fait naufrage. L'histoire est perdue et le lecteur égaré ne peut s'en remettre.

Le seul mérite de ce requiem aura été de démontrer qu'il n'est pas si facile d'écrire un bon polar. En cela, il s'agit d'un involontaire hommage à l'œuvre de Stieg Larsson. Ce qui ne me tue pas, à tous points de vue, est l'un des plus médiocres romans lus ces dernières années. On ne m'y reprendra pas. L'âme Millénium n'aura pas survécu à son créateur.

David Lagercrantz, Millénium 4: Ce qui ne me tue pas, Éditions Actes Sud, Actes noirs. Traduit du suédois par Hege Roel-Rousson (Det som inte Dödar oss). Août 2015. 482 pages.

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