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«Une église pour les oiseaux»: polar en Estrie

Tant mieux si le lecteur est désarçonné parde Maureen Martineau, ce court polar complètement déchaîné qui laisse sans voix.
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Monsieur Parizeau vient de décéder et j'ai une pensée pour sa première épouse, Alice, l'auteure de Côte-des-Neiges. Un roman publié à une époque où l'affirmation de ce que nous sommes (« quelque chose comme un grand peuple! ») avait encore un sens... Aujourd'hui, on semble plutôt être de retour devant l'impasse du colonisé. Et pourtant la qualité des œuvres de nos auteurs ne cessent de s'améliorer. En voici une preuve.

Dans le village de Ham-Sud, en Estrie, des oiseaux se transforment en sonneurs d'alertes. Ils ne peuvent migrer parce qu'une substance mystérieuse les menace. Il y a dans l'air quelque chose qui va rendre cinglé tout le paisible village en quelques jours. Voici Une église pour les oiseaux, le plus récent roman de Maureen Martineau.

À Ham-Sud, en Estrie, dans la foulée des scandales de corruption municipale, c'est à Roxanne Pépin, une retraitée au-dessus de tout soupçon, que la mairie a été confiée. Elle entend faire respecter tous les règlements, comme il se doit, mais c'est sans compter les conseillers, qui sont parvenus à passer à travers les mailles du filet mais n'en sont pas moins croches pour autant. La mairesse s'oppose, entre autres, à un certain Hermann Fiesch qui tente de transformer l'église abandonnée en arche de Noé pour en faire une sorte de zoo. Celui-ci est sur le point de se venger lorsque l'escorte qu'il emploie, Jessica Acteau, décide, pour changer sa vie, de dénoncer la rudesse de son client. Soudainement, le roman qui semblait suivre les traces d'un petit quotidien sordide bascule dans l'horreur et le carnage.

«Tuer est le plus tranchant des couteaux. Il te coupe de ta propre espèce.»

Il y a dans ce polar deux ambiances bien distinctes. La première partie présente une vie ordinaire, bien que les éléments perturbateurs soient déjà en place. Un petit village avec une escorte un peu déséquilibrée. Une mairesse aux prises avec un vieil adolescent médicamenté. Des conseillers corrompus qui ont accepté des pots-de-vin d'une multinationale qui teste une variante d'insecticide. Un entrepreneur qui essaie de transformer une église décatie en refuge pour animaux. Aucun de ces éléments à lui seul ne laisse alors présager le tour que prendra le récit.

L'ambiance change dramatiquement en seconde partie. Une rupture d'autant plus dramatique qu'elle est inattendue. La structure du récit adopte le même schème que l'irruption de violence. Maureen Martineau démonte en seconde partie les mécanismes de cette folie furieuse. Elle établit un parallèle troublant entre une communauté sociale, Ham-Sud, qui n'arrive plus à s'autogérer et dont les règles sont bafouées; et des individus qui font passer leurs désirs, besoins et envies devant tout. Quelques éléments perturbateurs et le milieu social devient hors de contrôle. Si l'église est transformée en zoo, le village se change en jungle!

On pourrait reprocher à l'auteure québécoise ce changement abrupt d'ambiance, mais ce serait faire fi de la courte période dans le temps de cette «novella». Pour ma part, je vois plutôt cette scissure comme une tentative réussie pour représenter l'irruption de violence autant dans le propos que dans la narration.

Tant mieux si le lecteur est désarçonné par Une église pour les oiseaux de Maureen Martineau, ce court polar complètement déchaîné qui laisse sans voix.

Maureen Martineau, Une église pour les oiseaux, Éditions Héliotrope. Avril 2015. 179 pages.

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