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Hérétiques de Leonardo Padura: vivre la liberté!

Quelque part entre Dante et Nietzsche, Leonardo Padura a trempé son roman dans une encre désespérée d'une densité telle qu'il touche au sublime! À la fois jongleur de mots et poète au puissant souffle, Padura raconte une histoire passionnante, colorée, bruyante, servie avec une profondeur de pensées qui donne le vertige.
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Hérétiques, de Leonardo Padura, ramène cette bande de joyeux lurons menés par Conde, héros récurrent de l'auteur. Ces marginaux cubains vivent de ce qu'ils peuvent, plus ou moins légalement, mais sans jamais faire de mal à quiconque, telle une bande d'anarchistes tranquilles qui n'imposent aucune philosophie, mais se contentent de vivre pleinement avec tout ce que cela comporte de malheurs, petits et grands. C'est de la grande débrouille à l'abri des pressions sociales, de la consommation outrancière et de l'argent. Tant qu'il y aura à manger, du rhum et des amis.

Tout commence avec un tableau du peintre hollandais Rembrandt, une toile ayant longtemps appartenue à une famille juive. À la veille de l'holocauste, la famille Kaminsky tente de la monnayer pour s'acheter un droit de séjour à Cuba. Leur demande est refusée et le bateau doit repartir en Europe avec, croit-on, la fameuse illustration. En 2007, un survivant de cette famille engage l'ex-policier devenu chasseur de livres rares, Mario Conde, afin de déterminer comment cette toile a pu atterrir malgré tout à La Havane et y rester cachée avant de se retrouver dans un encan à Londres. Une partie de l'histoire déferle, de l'Amsterdam de Rembrandt à Cuba, de 1643 à 2009.

Le roman se déroule en deux parties et sur trois périodes de l'histoire: à Cuba juste avant la Seconde Guerre mondiale, à Amsterdam au 17e siècle puis dans la Havane contemporaine. Les personnages sont confrontés à des situations difficiles. Bien que l'on traverse la Révolte des Gueux (Hollande contre Espagne), le massacre des juifs en Pologne, l'Holocauste, et la dictature de Batista à Cuba, ce ne sont pas ces éléments historiques qui interpellent Leonardo Padura, mais bien la réaction des personnages face à ces événements. L'auteur met en scène l'homme libre dans toute sa dignité et son ignominie, avec, entre les deux, toute la panoplie de nuances.

« ...sans liberté, il n'y a pas d'art... »

Les personnages sont esquissés dans un quotidien touchant de pauvreté et de dénuement. Mais ce qui frappe l'imaginaire est qu'ils sont d'une telle dignité qu'on aimerait la faire nôtre.

Hérétiques introduit également la jeunesse cubaine contemporaine qui s'ennuie, gosses de riches comme de pauvres, dans un pays qui s'étiole. Cette jeunesse en pleine désillusion ne croit plus à rien, pas même au « ni dieu ni maître », tellement elle se sent leurrée par des dirigeants jamais nommés, par toute la classe dominante corrompue et fière de l'être... La piste du tableau de Rembrandt est d'ailleurs retrouvée dans le sillage sanguinolent d'une jeune fille perdue dans des pensées trop grandes pour elle.

Roman-fleuve, Hérétiques de Leonardo Padura explore avec subtilité les travers des hommes - la recherche du pouvoir, l'amour, la foi, l'argent, la vie et la liberté. C'est une histoire qui oscille entre le roman historique, le polar noir et le conte philosophique.

Quelque part entre Dante et Nietzsche, Leonardo Padura a trempé son roman dans une encre désespérée d'une densité telle qu'il touche au sublime! À la fois jongleur de mots et poète au puissant souffle, Padura raconte une histoire passionnante, colorée, bruyante, servie avec une profondeur de pensées qui donne le vertige. Il y a tellement de vie entre ces lignes. Brisez vos schèmes, détruisez vos chaînes!

Une explosion de finesse!

Leonardo Padura, Hérétiques, Éditions Métailié. Traduit de l'espagnol par Elena Zayas (Herejes, 2013). Septembre 2014. 603 pages. Livre et Ebook.

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