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«On ne joue pas avec la mort» d'Emily St. John Mandel : mystification!

C'est très rare que je n'aime pas un roman paru aux éditions Rivages. Mais cette fois... Bienvenue à Tocville, là où le faux circule librement...
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Si vous avez aimé Dernière nuit à Montréal et que vous attendiez fébrilement le nouveau polar d'Emily St. John Mandel, On ne joue pas avec la mort, arrêtez de lire ceci... immédiatement. Vous risquez la déception...

C'est très rare que je n'aime pas un roman paru aux éditions Rivages. Mais cette fois... Bienvenue à Tocville, là où le faux circule librement...

Anton Waker est un jeune New-yorkais écartelé entre ses désirs et sa destinée. Il voudrait être un employé-cadre de bureau, mais le commerce illicite est une pratique familiale héréditaire. Ses parents gagnent leurs vies en vendant de la marchandise volée. Sa cousine Aria fabrique de fausses pièces d'identité et importe des conteneurs de clandestins. Anton est paresseux, faible et influençable. Il se procure un faux diplôme qui va lui permettre, un temps, d'occuper un bureau. Lorsqu'en plein voyage de noces, Aria parvient à le convaincre de lui refiler un coup de main, le dérapage n'en est que plus dramatique...

Ce second polar de la jeune Canadienne est construit avec une lenteur aussi intrigante qu'exaspérante. C'est un thriller psychologique duquel toutes les scènes spectaculaires ou violentes ont été retirées. Un pari plutôt risqué, aussi jouable que louable. L'auteur va donc faire jouer ses talents d'écriture, d'analyse psychologique, mais surtout sa capacité à créer des ambiances feutrées, troubles et mélancoliques. Elle parvient à maintenir à bout de bras ce récit tout en trompe-l'œil qui, bien que basé essentiellement sur l'attente, n'aligne pas vraiment de longueur. Mais il s'agit d'un exercice de style appliqué, voire léché, qui introduit la thématique de l'imposture chez tous les protagonistes à toutes les situations, une mécanique qui, je l'admets sans réserve, m'est devenu horripilante. Cette quasi unique thématique relève plus d'un poème en prose que d'un roman.

L'usurpation commence avec Anton qui veut être cadre et se fait engager avec un faux diplôme. Puis il engage une secrétaire, Elena, celle-là même à qui il a vendu des faux papiers d'identité. Elle devient sa maîtresse, mais le trahit au FBI qui enquête sur l'immigration clandestine. La future épouse d'Anton retarde deux fois son mariage puis le quitte lors du voyage de noces pour entreprendre une carrière de violoncelliste dans un autre État. Anton accepte de rendre un dernier service à sa cousine, soit de remettre un paquet à de supposés trafiquants. Il engage un double pour exécuter le contrat.

Tout tourne donc autour des faux semblants, usurpation, imposture... Des éléments polluants qui viennent faire déraper la vie entière d'Anton, une vie construite sous de faux airs. Mais la lecture dérive lorsqu'on réalise que la psychologie des personnages est plaquée et qu'ils ressemblent à des pantins en bois.

«C'est comme si elle était sortie d'elle-même et observait la scène de loin. »

Des protagonistes exsangues, vidés de leur contenu et amorphes. Ce qui laisse cette vague impression d'une visite touristique organisée qui manque de senti. Une sorte de bric-à-brac qui s'apparente à du collage, du «scrapbooking».

Certes, il y a des qualités d'écriture. Mais à tenter, tant bien que mal, de camoufler le manque d'originalité de l'intrigue, on en vient à se demander si la thématique de la falsification ne s'appliquerait pas aussi à l'ensemble de l'œuvre, ce qui, il faut bien l'admettre, pousserait l'imposture un peu loin!

Emily St. John Mandel, On ne joue pas avec la mort. Éditions Rivages/Thriller

Traduit de l'anglais par Gérard de Chergé (The Singer's gun, 2010).

Août 2013, 300 pages. Disponibilité papier, Epub.

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