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«Cartel», de Don Winslow: coketail!

«Cartel» est une saga au souffle euphorisant. On pense à «Guerre et paix», au «Parrain». C'est le grand roman de Don Winslow au cœur de la lutte contre la drogue. Un narco polar hurlant de vérité.
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Cartel est une saga au souffle euphorisant. On pense à Guerre et paix, au Parrain. C'est le grand roman de Don Winslow au cœur de la lutte contre la drogue. Un narco polar hurlant de vérité.

Grâce à une évasion spectaculaire, Adán Barrera, le caïd du cartel de Sinaloa est libre! Ses motivations sont à la mesure de sa fortune. D'abord, il lance une vendetta sur la tête de l'agent du DEA, Art Keller, responsable de son emprisonnement, et il compte bien devenir le parrain de tous les cartels de drogue du Mexique. Ce ne sont plus des escarmouches avec quelques décès ici et là, mais la guerre, totale, absolue, sanglante, comme on ne l'a jamais vue. Keller, devenu apiculteur dans un monastère, délaisse alors les abeilles pour reprendre du service. De bataille en bataille, cette guerre du narcotique ne fera en fin de compte qu'un seul gagnant, et ce n'est pas du tout celui que l'on croit!

Toute la narration est au ras des pâquerettes, dans le petit monde sordide et angoissant des cartels. Corrompus, enrôlés de force, ces narcos travailleurs forment une société complète, qui remplace l'autre monde, celui des travailleurs honnêtes et des petits commerçants. Il n'y a plus de vie, dirait-on, que du trafic. Un univers désolant qui se répète de cartel en cartel, d'État en État. Un péplum du narcotique au cœur des États-Unis du Mexique.

Les frontières de chacun des États cèdent leur place aux cartels qui contrôlent l'ensemble du pays. Ils s'allient, se trahissent sans cesse, échangent des pouvoirs contre un accès aux États-Unis d'Amérique, les consommateurs principaux des produits. La production est immense et rapporte des millions de dollars, au point où les forces politiques et judiciaires ont les mains liées. Les choix sont peu nombreux. La résistance mène aux meurtres. Reste l'ignorance volontaire, la corruption ou l'abandon du pouvoir. Certains États sont tellement touchés par la terreur que plus personne n'occupe les postes de maire, de juge, de simples policiers. Ils deviennent des États libres! Le cartel se donne ainsi tous les pouvoirs pour exproprier les terres et les maisons, muselant la presse et enrôlant les soldats.

Cartel présente une vision apocalyptique, anarchique, d'un monde redevenu jungle où seuls les plus riches, les plus féroces l'emportent. Dans ces conditions, les narcos dollars viennent dissoudre toute forme de civilisation. On espère que cette vision affolante de notre contemporanéité n'est que dystopie.

Si la série Narcos adoptait un angle plutôt romantique dans sa représentation du caïd Escobar, presque sympathique, il n'y a rien de tel dans Cartel!

Don Winslow déshabille le Mexique et rejette quasi entièrement la faute sur le reste de l'Amérique du Nord et sur un système économique qui engendre la pauvreté et la consommation de psychotropes.

Les guerres mènent au nettoyage ethnique, celle-ci, à coups d'exaction, mène à l'extinction de toutes les formes d'honnêteté.

Je n'ai pas lu grand-chose d'aussi puissant ces dernières années (il me faut remonter à Zulu de Caryl Férey, mais je suis sûr que vous avez tous un titre en tête). Il n'en reste pas moins que Cartel est dans cette veine-là, dans la lignée des meilleurs polars que vous lirez.

À la conclusion du roman, j'ai poussé un soupir de soulagement. Il est vrai que les bons gagnent toujours! Un grand ouf! Une chance que c'est une fiction et que ces Mexicains ordinaires, les vous, les moi, ne subissent pas pour vrai ces massacres, ces injustices, ces ignominies.

Ingénument, j'allais les plaindre, mais c'est une fiction, un polar en plus.

Sur les tablettes : Sur les hauteurs du mont Crève-Cœur

«Qu'allait faire Kelli sur le mont Crève-Cœur ce jour-là? Qu'allait-elle chercher, seule dans la profondeur de ces bois?» Trente ans après le drame, Ben demeure obsédé par l'image du corps de Kelli tel qu'il a été découvert sur la hauteur de ce mont où, jadis, l'on organisait une course de Noirs avant les enchères du marché aux esclaves.

Dans un de ces flash-back troublants que Thomas H. Cook maîtrise à merveille, le lecteur revisite avec Ben, ancien condisciple de la victime devenu médecin de campagne, les événements qui ont bouleversé la petite communauté blanche et conservatrice de Choctaw, Alabama, au mois de mai 1962.

Le meilleur ami de Ben le soupçonne toujours d'en savoir plus qu'il ne l'admet sur l'agression de la jeune beauté venue de Baltimore : Kelli a-t-elle été tuée parce que Todd, le bourreau des cœurs local, avait plaqué sa petite copine pour elle ou parce qu'elle soutenait la cause des Noirs dans le journal du Lycée?

Don Winslow, Cartel, Éditions Seuil. Traduit de l'anglais par Jean Esch (Cartel, 2015). Octobre 2016. 716 pages.

Thomas H. Cook, Sur les hauteurs du mont Crève-Cœur (Éditions Seuil policiers).

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Mai 2017

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