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Les paroles de Jean-Martin Aussant m'apparaissent de plus en plus emblématiques de notre longue et fatigante traversée de l'histoire. Comme si l'exil était à la fois l'origine et la destination d'un destin collectif qui n'en finit pas de ne pas arriver, de notre improbable Odyssée nationale.
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Il existe des moments dans l'histoire d'un peuple durant lesquels des personnes se détachent des autres pour marquer leur époque parce qu'ils la représentent, tout simplement.

Mardi, le sociologue Jacques Beauchemin lançait son livre La souveraineté en héritage, un essai qui tente de réactiver notre fibre patrimoniale, déclassée ces temps-ci par la fibre optique. Il nous y décrit comme les héritiers d'une longue survivance placés au carrefour de l'histoire, hésitant à embrasser leur destin.

La même journée, on apprend le retour de Gilles Duceppe, patriarche de la souveraineté, aux rênes du Bloc québécois.

La conjoncture n'aurait pas été complète sans la résurgence inattendue de l'enfant prodigue, dont le nom est maintenant sur toutes les lèvres, et dont le témoignage m'a fait l'effet d'une véritable épiphanie, redéfinissant soudainement la perspective à travers laquelle j'envisageais la destinée du Québec. Comme si, subitement, certaines mailles se remettaient en ordre dans la trame que lui ont patiemment tissée les Parques.

« Et maintenant quoi ? S'il y a une chose que son départ devrait amener, c'est la fin des exils. De tous les exils. Qu'ils soient géographiques ou intellectuels. »

Les paroles de Jean-Matin Aussant, qui firent frémir l'église Saint-Germain d'Outremont et toute l'unifolerie du Québec, déjà prête à danser sur la tombe de la souveraineté, ces paroles donc, équivoques et fondamentales comme un mythe grec, m'apparaissent de plus en plus emblématiques de notre longue et fatigante traversée de l'histoire. Comme si l'exil était à la fois l'origine et la destination d'un destin collectif qui n'en finit pas de ne pas arriver, de notre improbable Odyssée nationale.

D'abord, l'exil forcé de Champlain à Londres en 1629 avec dans les bras une Nouvelle-France mort-née. Ensuite les premiers colons, expulsés du paradis originel, la France Mère. Les Acadiens déportés massivement en Louisiane et auxquels il ne reste plus qu'à chanter « No french no more ». Puis les descendants des premiers colons, abandonnés par la France de Louis XV et cédés à une nation concurrente alors qu'ils venaient à peine de se fonder un chez-soi.

Les Canadiens devenus French Canadians sur un mot et par le sceau du Roi. Les Patriotes de 37-38 pendus ou exilés en Australie. L'exclusion de la balance du pouvoir par « l'Acte d'Union », culminant avec la provincialisation de 1867. L'appauvrissement artificiel dans les camps de concentration des compagnies forestières. L'exode de quelque 400 000 affamés vers les États-Unis entre 1840 et 1930. La sortie de la « Constitoucheun » à grands coups de couteaux dans le dos, et le Québec jeté de facto hors d'un pays auquel il entendait sincèrement donner une chance. Parizeau, l'homme de toutes les Révolutions, qui démissionne après la défaite de 95. Aussant qui claque la porte du PQ, puis son exil résigné à... (tiens!) Londres.

Et le pays qui manque toujours à ce grand peuple français d'Amérique du Nord, dont celui-ci a perdu la trace quelque part dans les brumes fluviales de sa naissance, charmé par des sirènes chauves aux langues fourchues et aux belles dents blanches, qui entraînèrent son vaisseau d'or sur des récifs où il inclina sa carène et sur lesquels il coule des jours insouciants dans un oubli ouaté. Oh, parfois résonne bien du plus profond de ses os l'appel impérieux du Retour, mais quelles douleurs sur les routes crevées de cette vieille Amérique française! Quelle épouse aux seins flétris au bout, tout au bout de la nuit? Et ses rivaux qui conspirent sa perte! Que l'on dorme une dernière fois, et que le limon de l'histoire ensevelisse enfin au fond des eaux les fantômes bleus du passé! Ah! - que ne me laisse-t-on à ma juste mort? « Berceau, que n'as-tu fait pour moi tes bras funèbres? » Qu'est-ce encore que le spasme de vivre?

N'es-tu donc pas écœuré de mourir, Ulysse?

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