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Le crucifix de CHU de Québec: nouvelle victoire des intégristes

Le fait que certains considèrent le crucifix de l'hôpital du Saint-Sacrement comme patrimonial ne lui enlève en rien son caractère religieux. Soutenir le contraire est une insulte aux catholiques.
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La direction du Centre hospitalier universitaire de Québec est revenue sur sa décision et a réinstallé le crucifix de l'hôpital du Saint-Sacrement qu'elle avait retiré suite à une plainte d'un patient.

Ce revirement fait suite aux pressions exercées par la droite catholique et l'arrière-garde identitaire qui manifestement ne comprennent rien à la laïcité de l'État et n'ont pas hésité à recourir à la menace terroriste pour atteindre leur fin. Autant il fallait saluer la décision éclairée de donner suite à la plainte, autant le revirement est déplorable et constitue une capitulation devant l'intégrisme religieux.

La décision de retirer le crucifix était fondée en droit. L'administration du CHU l'avait en effet justifiée par un avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse soulignant que « la présence dans une institution publique d'un symbole religieux, tel qu'un crucifix ou une croix » peut revêtir « un caractère coercitif [...] lorsque la clientèle de l'institution est vulnérable, parce que captive [...] ». Le CHU de Québec considérait avec raison que ceci s'applique à un hôpital étant donné le caractère captif de la clientèle.

Mais ce caractère particulier de la clientèle n'est pas nullement nécessaire pour réclamer le respect de la liberté de conscience et la liberté de religion des usagers. L'administration aurait pu s'en remettre au jugement du Tribunal des droits de la personne dans l'affaire de la prière municipale à la ville de Saguenay dans lequel il considérait que la présence d'un crucifix conférait un caractère religieux à l'enceinte où il était exposé et ordonnait son retrait. (Cet aspect du jugement n'a pas été considéré par la Cour suprême, mais uniquement à cause d'un point technique de l'enquête et non sur le fond du jugement.)

Dans cette même affaire de Saguenay, la Cour suprême déclarait : « La neutralité de l'État [...] impose à celui-ci de ne pas encourager ni décourager quelque forme de conviction religieuse que ce soit. Si, sous le couvert d'une réalité culturelle, historique ou patrimoniale, l'État adhère à une forme d'expression religieuse, il ne respecte pas son obligation de neutralité. »

Le fait que certains considèrent le crucifix de l'hôpital du Saint-Sacrement comme patrimonial ne lui enlève en rien son caractère religieux.

Le fait que certains considèrent le crucifix de l'hôpital du Saint-Sacrement comme patrimonial ne lui enlève en rien son caractère religieux. Soutenir le contraire est une insulte aux catholiques. Le retirer ne brime par ailleurs aucunement la liberté de religion et respecte la liberté de conscience de tout un chacun. Tous les patients peuvent par ailleurs apposer des symboles religieux dans leur chambre qui constitue un espace semi-privé et recevoir la visite des conseillers ou officiants religieux de leur choix.

Le caractère patrimonial de l'hôpital du Saint-Sacrement fondé par les Sœurs de la Charité est fort bien préservé par le maintien de son nom d'origine malgré son intégration à un centre universitaire et par la présence d'une plaque commémorative dans le hall d'entrée.

Il est fortement déplorable que, dans les circonstances, les politiciens se soient avérés incapables de jouer le rôle attendu d'eux, soit d'expliquer à la population que la liberté de conscience et l'égalité des religions exigent la neutralité religieuse des institutions publiques et que cette laïcité ne porte aucunement atteinte au patrimoine religieux ou historique identitaire du peuple québécois ni à la liberté de religion. On ne pouvait évidemment pas s'attendre à une telle intervention de la part du gouvernement anti-laïcité de Philippe Couillard pour qui le mot «patrimoine» est désormais le faux-fuyant pour contourner la laïcité. Sa pitoyable intervention n'a causé aucune surprise.

Le plus renversant est plutôt la position prise par l'ex-ministre Bernard Drainville qui a invité, sur sa page Facebook, à signer la pétition pour la remise en place du crucifix. De trois choses l'une : ou bien il fait preuve d'une contradiction fondamentale dont il serait inconscient (ce qui m'étonnerait), ou bien il a changé de position, ou bien il a toujours logé à l'enseigne de la catho-laïcité. J'incline maintenant à penser en faveur de la troisième hypothèse.

En passant, combien de ceux qui ont signé cette pétition ou qui se sont indignés ont un crucifix chez eux?

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