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Remplacement du Bourbon: un manque cruel de vision

Avec son projet, tel qu'il a été présenté le 9 février 2017, le promoteur MSC Investissements Canada Inc. rate une occasion incroyable de se distinguer en apportant un édifice à la fois novateur et visuellement intégré au quartier du Village.
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Avec son projet, tel qu'il a été présenté le 9 février 2017, le très mystérieux promoteur MSC Investissements Canada Inc. rate une occasion incroyable de se distinguer en apportant un édifice à la fois novateur et visuellement intégré au quartier du Village. Pire, mise à part une promesse de contribution au logement social et abordable, c'est un échec visuel inexplicable de neuf étages.

Une architecture de très faible intérêt

Il suffit de passer à travers la transcription de la séance d'information organisée par l'Office de Consultation publique de Montréal pour comprendre ce qui nous attend. Je vous épargne les 108 pages (aux lignes numérotées de 5 en 5 à la gauche du texte) avec ce florilège des meilleurs moments qui pourraient transformer les ruines de l'îlot du Complexe Bourbon en Îlot Voyageur bis. Ceci dit, Montréal a besoin d'audace avec de nouvelles constructions qui la valoriseraient. Or la maquette du projet ne suscite en rien l'admiration. À moins qu'une barre d'immeuble de 95 logements vous plonge dans l'extase la plus complète.

Ce qui est tout d'abord étonnant c'est que l'architecte Christian Thiffault commence par opposer des bâtisses du quartier parmi les plus hautes comme étant «de grande valeur architecturale» à d'autres immeubles plus bas «qui sont moins intéressants en termes de valeur patrimoniale et en termes urbains» (ligne 367). Histoire de nous faire avaler que la taille est un gage de beauté. Dommage qu'il ait totalement oublié, par exemple, d'inclure le 1380 de la rue St-Catherine Est que certains reconnaîtront peut-être plus facilement en l'identifiant à «L'Oasis». On sourira même lorsqu'il affirme sans sourciller en parlant des immeubles, que «les plus beaux sont tous en pierre, les plus moches sont tout en brique» (l. 1500).

Aussi, dès la ligne 371 l'architecte nous avoue que le parc adjacent Charles-Campbell, en arrière du Bourbon, les «intéresse beaucoup». Il les intéresse d'ailleurs tellement que dans leur dépliant où l'immeuble en projet est tout en couleurs, tous les autres bâtiments aux alentours sont d'un blanc fantomatique, mais, ô miracle, le parc collé à l'immeuble est lui aussi tout en couleurs, d'un vert tranchant. Le concepteur s'est donc visuellement approprié un jardin public déjà existant en l'intégrant à ses plans. Du beau verdissement qui ne coûtera pas un seul arbre à planter. Imaginez juste deux secondes à quoi pourrait ressembler le nouvel édifice si on blanchissait également le parc. Un simple bloc d'habitations sans esthétisme particulier.

Des priorités qui passent au second plan

La période des questions s'avère très révélatrice des multiples lacunes du projet. Tout d'abord au sujet de la hauteur de la bâtisse, de loin la principale préoccupation de la soirée. Plutôt que de préserver les niveaux caractéristiques de la majorité des habitations du quartier, on préfère s'aligner sur les exceptions, telle que l'édifice de TVA, pour créer d'autres cicatrices architecturales. Encore heureux qu'ils n'aient pas pris la Tour de Radio-Canada comme référence. Encore que certaines erreurs du passé sont là pour en témoigner.

Plutôt que de préserver les niveaux caractéristiques de la majorité des habitations du quartier, on préfère s'aligner sur les exceptions, telle que l'édifice de TVA, pour créer d'autres cicatrices architecturales.

On peut d'ailleurs s'étonner d'à quel point M. Bruno Collin, Conseiller en aménagement et Chef d'équipe au sein de l'Arrondissement de Ville-Marie, semble vouloir défendre le projet. À la ligne 1233, il nous explique que l'objectif n'est pas de favoriser des constructions plus hautes dans le quartier sauf à cet endroit-là parce qu'il s'y prête... sans plus d'explication rationnelle. Ligne 1624, M. Collin s'enhardit d'un: «on pourra dire ce qu'on voudra, mais les matériaux qui sont proposés sont d'assez grande qualité», pour ensuite nous fournir une description digne d'un orfèvre. Plus tard dans la soirée M. Collin est encore plus dithyrambique pour ce "projet qui va contribuer énormément à redorer en quelque sorte ce parc-là à tous points de vue" (l. 2407). Le tout sera malicieusement souligné par une «belle complicité entre la Ville et monsieur le promoteur» lancée par le dernier intervenant (l. 2947). Cela n'aura échappé à personne dans l'assistance.

Du point de vue environnemental, lorsque l'on a un projet qui part de zéro, puisqu'il est bien évidemment question de raser l'insalubre Bourbon, on a la chance extraordinaire de pouvoir concevoir toutes les structures requises par un toit vert, qui en général constitue une fierté pour les occupants, à l'opposé des contraintes pour adapter un toit vert à un édifice existant. Or, pour l'architecte Christian Thiffault, un toit vert ça se résumerait à du gazon, et comme «le gazon ça brûle» (l. 2105) et bien ce n'est pas faisable pour ce projet-là ! Pour ce qui est des problèmes de vents plus forts liés aux bâtisses plus élevées et de réduction d'ensoleillement on repassera également. On pourra d'ailleurs apprécier l'ombrage que la bâtisse génèrera sur la rue juste en visualisant le dessin principal du projet. L'architecte admet quand même qu'il y aurait un impact de l'ombre «...plus important que celui de l'immeuble existant présentement...» (l.138). Sans blague.

Un compromis s'impose

On peut s'interroger sur la pertinence d'un projet résidentiel de cette taille aux abords directs de cette partie animée de la rue Sainte-Catherine. Certains locataires sont plus tolérants au bruit que d'autres : soit, ils seront prévenus ! Ceci étant dit, afin de ne pas défigurer davantage le quartier, la hauteur devrait être revue à 5 étages au lieu de 9. Le Comité Jacques-Viger a d'ailleurs émis un avis défavorable à la demande de modification du Plan d'urbanisme nécessaire au projet. Ironiquement, l'architecte Thiffault doit avouer qu'il a lui-même fait partie du comité au moment où le projet a été présenté ! (l. 2987)

Également, le parc Campbell à l'arrière de l'édifice sera encore plus caché aux promeneurs de la rue Sainte-Catherine qu'il ne l'est déjà. Or un des intervenants de la soirée proposait de faire une ouverture similaire à celle d'un immeuble torontois (l. 2003) qui permet d'apercevoir la verdure depuis le trottoir, comme au 38 avenue Road par exemple. En passant vous remarquerez qu'il y a même quelques arbres sur le toit ! Ça change du gazon... Et plutôt qu'un bloc, on pourrait adoucir les lignes de l'édifice avec un toit vert en paliers.

En fait pas la peine de demander beaucoup : juste une bâtisse harmonieuse qui s'incorpore au quartier tout en lui apportant une originalité de qualité. Surtout parce que son positionnement dans un tronçon de rue particulièrement achalandé en été, entre la communauté gaie du monde entier et les festivals de feux d'artifice qui attirent aussi les familles, est déterminant. Pour ce qui est des erreurs et de fautes de goût, Montréal a eu son lot entre immeubles patrimoniaux détruits et nouveaux blocs hasardeux.

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