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Réélection d'Evo Morales: nouveau souffle pour la démocratie?

Malgré le troisième mandat consécutif que vient de briguer Evo Morales, celui-ci continue de jouir d'une bonne légitimité démocratique.
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32 ans après le retour à la démocratie, la Bolivie a enregistré de nombreuses avancées dans les domaines politiques, économiques et socioculturels. Avec les résultats des récentes élections générales qui ont consacré pour la troisième fois consécutive la victoire du président Evo Morales, le pays semble résolument engagé vers de nouvelles pratiques démocratiques. Retour sur le scrutin d'octobre 2014 ainsi que sur ses implications en matière de démocratie.

Un aperçu des élections générales

À l'occasion des élections générales qui se sont déroulées le 12 octobre 2014 en Bolivie, cinq millions et demi de Boliviens se sont rendus aux urnes pour élire un président, un vice-président, 130 députés ainsi que 36 sénateurs. Cinq candidats étaient en lice pour briguer la fonction de chef d'État. Les deux principaux aspirants étaient Evo Morales, président sortant et candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS) ainsi que Samuel Doria Medina, candidat de l'Unité démocratique (UT). Juan del Granado, ancien maire de La Paz et candidat du Mouvement sans peur (MSM), Jorge Quiroga Ramírez, président de la Bolivie de 2001 à 2002 et candidat du Parti démocrate-chrétien (PDC), de même que Fernando Vargas, candidat du Parti vert bolivien (PVB), ont eux aussi pris part à ces élections.

Selon les résultats annoncés par le Tribunal suprême électoral (TSE), Evo Morales a été réélu dès le premier tour avec 61,36 % des suffrages exprimés. Il a été suivi par M. Doria Medina, qui a obtenu 24,23 % des voix, alors que Jorge Quiroga en a recueilli 9,07 %. Quant à Juan del Granado et Fernando Vargas, ils ont respectivement obtenu 2,72 % et 2,69 % des voix. Les résultats des élections législatives font également état de la victoire écrasante du MAS, qui a réussi à obtenir 88 sièges sur les 130 que compte l'Assemblée nationale ainsi que 25 des 36 sièges du Sénat. Comme l'explique Mme Paniagua Humeres dans une chronique récemment publiée par l'Observatoire des Amériques de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), ces résultats démontrent que le MAS a réussi à s'imposer comme véritable force hégémonique sur toute l'étendue du territoire bolivien au détriment de l'opposition de gauche et de droite qui n'a pas su convaincre la population.

Un processus électoral crédible

Contrairement aux élections présidentielles de mars 2014 au Salvador, au terme desquelles la principale force d'opposition, l'Alliance républicaine nationaliste (ARENA), a décrié de nombreuses irrégularités ayant entaché le second tour du scrutin, et contrairement au Brésil, où une frange de la population a récemment réclamé la destitution de la présidente Dilma Rousseff pour des motifs similaires, la victoire du MAS a été reconnue publiquement par toutes les forces vives de la nation bolivienne. À l'exception de quelques problèmes liés au financement des partis politiques ainsi qu'à la lenteur du processus de comptage des votes, le déroulement des élections générales en Bolivie a été jugé satisfaisant par la communauté internationale.

Plusieurs missions d'observation électorale ayant été mobilisées pour le scrutin - notamment par l'Union des Nations sud-américaines (UNASUR), l'Organisation des États américains (OÉA), le Parlement andin ainsi que par le Parlement européen - ont d'ailleurs salué la transparence et la diligence des autorités boliviennes tout au long du processus électoral. Le coordonnateur général de la mission électorale de l'UNASUR, Alejandro Tulio, a même indiqué que de nouvelles pratiques démocratiques avaient été initiées par les autorités locales en vue de consolider et de renforcer la légitimité du processus électoral. Pour n'en citer que quelques-unes, on notera que c'était la première fois que le principe de parité homme/femme s'appliquait sur les listes électorales; près de 52 % des candidats aux élections législatives étaient des femmes. Aussi, les Boliviens résidant à l'étranger étaient autorisés à prendre part au vote, ce qui constituait une autre première pour le pays. Enfin, la loi électorale de 2010, dont l'objectif principal est de promouvoir le renforcement de la démocratie en Bolivie, a été appliquée pour une première fois. Cette reconnaissance nationale et internationale de la victoire du MAS donne ainsi la possibilité à Evo Morales d'assumer de façon légale et légitime la fonction de chef d'État jusqu'en 2020.

Quelles implications pour la démocratie?

Considérant le bon déroulement des opérations de vote ainsi que la troisième victoire éclatante consécutive du MAS, on peut désormais douter de voir la Bolivie renouer dans un avenir prévisible avec la notion d'alternance politique, laquelle renvoie généralement à la permutation au pouvoir de deux ou plusieurs partis appartenant à des courants politiques différents. Si au cours du XXe siècle, de nombreux États démocratiques, notamment l'Espagne de Felipe Gonzalez, l'Angleterre de Margaret Thatcher ou la France de François Mitterrand n'ont pas pratiqué d'alternance politique au sens strict du terme pendant de nombreuses années, plusieurs pays occidentaux la considèrent de plus en plus comme étant une condition nécessaire à la démocratie, bien qu'elle n'en soit pas une condition suffisante. Pour ne prendre que l'exemple des États-Unis, dans un discours qu'il a prononcé à Washington en août 2014 à l'occasion du Sommet États-Unis-Afrique, le président Barack Obama a invité ses homologues africains à accorder une plus grande importance au renouvellement des élites au pouvoir. Pour M. Obama, l'alternance au pouvoir évite la personnalisation du pouvoir de même que plusieurs autres dérives managériales, car « un dirigeant qui s'accroche longtemps au pouvoir finit par agir non pas pour les intérêts de son peuple, mais pour ses intérêts personnels [et ce], très souvent en raison de son illégitimité politique ».

Pourtant, la situation en Bolivie semble s'inscrire en faux avec cette affirmation du président Obama. Malgré le troisième mandat consécutif que vient de briguer Evo Morales, celui-ci continue de jouir d'une bonne légitimité démocratique, tout au moins si l'on s'en tient aux résultats des dernières élections générales. La confiance du peuple bolivien à son endroit est d'autant plus impressionnante que même les oligarchies sécessionnistes de Santa Cruz ainsi que le département de Pando, qui constituaient jusque-là de véritables foyers d'opposition au MAS, adhèrent désormais à son programme de développement.

En plus des réformes démocratiques, sociales et économiques qu'il a entreprises depuis son arrivée au pouvoir en 2006 et qui ont contribué à améliorer les conditions de vie des Boliviens, Evo Morales bénéficie d'une grande popularité dans son pays. Il a la réputation d'être un président dynamique qui travaille pour son peuple et qui reste à l'écoute de celui-ci. Atilio Borón, qui est professeur de sciences politiques à l'Université de Buenos Aires, croit même que cette bonne réputation de M. Morales pourrait inciter la population bolivienne à voter de nouveau pour lui aux élections de 2020, étant entendu que son parti, qui possède plus des deux tiers des sièges au Congrès, pourrait facilement modifier la constitution en ce sens. Or, conclut-il, même en l'absence d'alternance politique, la démocratie resterait toujours effective en Bolivie, puisque c'est le peuple bolivien qui aura choisi de maintenir Evo Morales au pouvoir.

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