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Les nouveaux défis du président Obama

Cette nouvelle configuration du Congrès réduit davantage la marge de manœuvre du président Obama.
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Au terme des élections de mi-mandat qui se sont déroulées le 4 novembre dernier aux États-Unis, le Parti républicain a repris le contrôle du Congrès, une première depuis 2006. Cette victoire a été d'autant plus saillante qu'elle a laissé l'impression qu'il s'agissait d'un vote sanction à l'encontre de l'administration Obama. Avec la nouvelle configuration du Congrès américain, il est possible que de nouveaux obstacles d'ordre politique et institutionnel se dressent sur le chemin du président Obama, ce qui pourrait compromettre l'avenir de certaines de ses ambitions d'envergure nationale et internationale.

Les élections de mi-mandat : de quoi s'agit-il?

Tous les deux ans, les Américains se rendent aux urnes pour renouveler le Congrès, soit 435 sièges de la Chambre des représentants ainsi qu'un tiers des 100 sièges que compte le Sénat. Ces élections, qu'on qualifie de mi-mandat puisqu'elles surviennent au milieu d'un mandat présidentiel, constituent l'occasion privilégiée pour la population d'approuver ou de sanctionner à mi-parcours les politiques gouvernementales.

Les élections législatives influencent également la configuration des rapports de force entre le président américain et le Congrès, selon que celui-ci est constitué majoritairement ou non d'adversaires politiques du président. Concrètement, il peut arriver qu'un Congrès majoritairement composé d'adversaires du président s'oppose systématiquement aux réformes entreprises par ce dernier, ce qui peut provoquer une forme de paralysie de l'action gouvernementale. Dès lors, ces élections constituent une sorte de catalyseur de la vie politique nationale, puisque ce sont elles qui déterminent, dans une certaine mesure, le comportement de l'État à l'échelle nationale et internationale.

Les élections de novembre 2014 : un vote sanction contre M. Obama?

Le 4 novembre 2014, les républicains sont passés de 45 à 54 sièges sur 100 au Sénat. En remportant la victoire dans plusieurs États qui étaient jusque-là la chasse gardée des démocrates, notamment l'Iowa, la Caroline du Nord, l'Arkansas, le Colorado ou le Montana, les républicains se sont emparés de la majorité précédemment détenue par le Parti démocrate. Les républicains conservent également leur majorité à la Chambre des représentants, avec 246 sièges contre 188 pour les démocrates. Cette nouvelle législature entrera officiellement en fonction le 3 janvier 2015.

Le résultat de ces élections de mi-mandat a toutes les apparences d'un vote sanction de la part de la population américaine à l'endroit de l'administration Obama et de la formation politique du président. Selon les sondages de sortie des urnes publiés par Fox News, plus de 80% de la population américaine désapprouverait le travail du Parti démocrate au Congrès alors que moins de deux Américains sur trois se disent satisfaits de l'administration Obama. Plus intéressant encore, ces sondages indiquent que ni la croissance du PIB que le pays a enregistrée au cours du troisième trimestre de l'année 2014 (+3,5%), ni la baisse du taux de chômage, qui est évalué actuellement à 5,9% (le plus bas depuis 2008), ne semblent avoir convaincu les Américains d'apporter leur soutien au parti du président. Aussi, le programme de couverture santé surnommé Obamacare, qui est entré en vigueur en janvier 2014, n'a peut-être pas eu l'impact positif espéré par les démocrates, du moins sur le plan électoral.

Quoi qu'il en soit, le président Obama semble avoir pris la mesure des attentes de la population, puisqu'au cours d'une conférence de presse qu'il a tenue au lendemain des élections de mi-mandat, il a affirmé avoir compris le message ainsi que le désarroi des Américains, en plus de reconnaître qu'il était de sa responsabilité de faire en sorte que les choses fonctionnent mieux. Cependant, en présence d'un Congrès sous domination républicaine avec lequel il devra composer jusqu'à la fin de son mandat en 2016, Barack Obama parviendra-t-il à réaliser ses objectifs de politique interne et internationale comme il l'aurait initialement souhaité ?

Quelle sera la dynamique des relations entre le président et le Congrès?

S'il existe des sujets sensibles en matière de politique interne ou internationale, traditionnellement bloqués par les démocrates au Congrès, mais qu'un Sénat républicain pourrait soutenir, il en existe d'autres qui pourraient être systématiquement rejetés par les républicains. La possibilité que les républicains soutiennent certaines initiatives du président apparaît d'autant plus probable qu'au cours de son discours d'après-victoire électorale, le nouveau chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a insisté sur le fait qu'il encouragerait les politiques qui stimulent la création d'emplois. Il a également promis l'adoption d'une loi sur l'énergie, laquelle intégrera le projet d'oléoduc Keystone XL, dont la réalisation permettrait entre autres de relier les gisements de sables bitumineux du Canada aux raffineries du golfe du Mexique. Ces déclarations ont notamment amené le ministre canadien de l'Emploi et du Développement social, Jason Kenney, à saluer la victoire des républicains au Congrès, puisque selon lui, un Congrès dominé par les républicains facilitera la tâche au président Obama, particulièrement au sujet des négociations en vue de la signature du Partenariat transpacifique auquel le Canada voudrait être membre.

Néanmoins, cette nouvelle configuration du Congrès réduit davantage la marge de manœuvre du président Obama et pourrait constituer un véritable obstacle à l'opérationnalisation de certains de ses projets politiques. Pour n'en citer que quelques-uns, on mentionnera son projet de régularisation de quelque 11 millions d'immigrants clandestins résidant aux États-Unis et auquel les républicains se sont opposés vigoureusement avant même la tenue des élections de mi-mandat. On peut également penser à son projet de fermeture définitive de la prison de Guantanamo, dont la réalisation nécessite un transfèrement de détenus sur le territoire américain et auquel s'opposent bon nombre de républicains en prétendant qu'il s'agit d'une menace à la sécurité nationale. On pourrait aussi citer son projet de réforme de l'assurance maladie de même que sa stratégie de lutte contre l'État islamique, qui ne semblent pas être endossés par les républicains.

Un tel portrait des relations entre le président Obama et les républicains illustre déjà quelque peu les nouveaux défis auxquels sera confronté M. Obama jusqu'à la fin de son mandat. Or, comme le souligne Laure Mandeville, qui est journaliste au quotidien français Le Figaro, pour parvenir à relever tous ces défis, le président américain devra choisir entre deux stratégies. La première, celle dite de la triangulation et qui consiste à faire des concessions à l'adversaire politique afin d'avancer ensemble sur certains dossiers, pourrait permettre à Barack Obama et aux républicains de procéder entre autres à la réforme du code fiscal dans les meilleurs délais. Une telle stratégie pourrait également jouer en faveur des démocrates pour les prochaines élections présidentielles dans la mesure où elle permettrait aux électeurs de constater que malgré les dissensions politiques, les démocrates sont prêts à travailler avec les républicains dans l'intérêt national. Quant à la deuxième stratégie, elle pourrait reposer sur la confrontation politique. Le président Obama pourrait alors refuser de promulguer les lois votées par le Congrès. Il pourrait également gouverner par décret dans les domaines où l'opposition du Congrès est plutôt catégorique. Cette stratégie semble d'ailleurs avoir été envisagée par M. Obama, puisqu'au cours de la conférence de presse qu'il a donnée au lendemain des élections de mi-mandat, il a affirmé qu'«en tant que président, [il a] une responsabilité unique; celle de faire en sorte que la Capitale fonctionne». C'est notamment dans ce contexte que M. McConnell a mis la population en garde contre les conséquences d'une gouvernance par décret.

Ce faisant, une telle stratégie pourrait se révéler être beaucoup plus onéreuse pour le président Obama, tant elle donnerait l'occasion à ses adversaires d'envisager le déclenchement de la procédure d'impeachment. Cette idée a d'ailleurs été défendue par la nouvelle sénatrice de l'Iowa, Joni Ernst, qui en réaction à la volonté du président Obama d'agir par décret sur le dossier de l'immigration, avait laissé entendre qu'un impeachment serait souhaitable, avant de revenir sur ses propos quelque temps après. Bien qu'il soit prématuré d'envisager sérieusement pareil scénario, le déclenchement d'une telle procédure demeure plausible, d'autant plus qu'à la suite de l'annonce du rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba, plusieurs républicains opposés à ce projet ont promis au président Obama une véritable bataille au Congrès. Or, cette éventualité pourrait considérablement affecter la légitimité démocratique de Barack Obama. Il devra donc rester prudent jusqu'à la fin de son mandat.

Cyprien Bassamagne Mougnok est candidat au doctorat en études internationales et auxiliaire de recherche au Centre d'études interaméricaines

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