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L'Amérique latine face à la crise des réfugiés syriens

Si cet élan de solidarité est à saluer, la question de l'intégration des réfugiés syriens dans les pays de la région demeure incertaine.
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Cinq ans après le début des manifestations en faveur des réformes démocratiques en Syrie, la guerre entre les différentes factions locales ainsi que l'offensive armée contre le groupe État islamique continuent de faire des ravages dans le pays. Au moins 240 000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit, alors que sur les quelque 11 millions qui fuient la guerre, plus de 4 millions ont traversé la frontière, créant ce qu'il est convenu d'appeler la crise des réfugiés syriens.

Alors que plusieurs pays semblent faire la sourde oreille à l'appel lancé par l'ONU relativement à la question de l'accueil des réfugiés syriens, de nombreux pays d'Amérique latine ont annoncé une politique volontariste en la matière. Si cet élan de solidarité est à saluer, la question de l'intégration des réfugiés syriens dans les pays de la région demeure incertaine.

Quand l'Amérique latine ouvre ses portes aux réfugiés syriens

Au-delà de l'attention particulière qu'on lui prête depuis quelque temps, la crise des réfugiés syriens n'est pas en tant que tel un phénomène nouveau. Selon une étude menée par le Migration Policy Centre de l'Institut universitaire européen, entre mars 2011 (début de la guerre civile en Syrie) et janvier 2013, environ trois millions de Syriens fuyant la guerre ont été contraints de quitter leur foyer pour tenter de trouver refuge ailleurs dans le monde.

Cependant, la situation est devenue beaucoup plus préoccupante depuis 2014, le nombre des réfugiés syriens ayant dépassé la barre des 4 millions, une première pour ce pays du Moyen-Orient dont la population fuyant le même conflit est ainsi devenue la plus importante population de réfugiés à travers le monde, selon l'ONU. C'est d'ailleurs cette situation qui a conduit le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, à affirmer le 29 août 2014 que «la crise des réfugiés syriens est devenue la plus importante situation d'urgence humanitaire de notre ère», et que «la gestion de cette crise nécessite la participation de tous les États».

Comme dans la plupart des situations d'urgence humanitaire, l'Amérique latine n'est pas restée en marge des efforts de la communauté internationale. Face à l'ampleur du drame des réfugiés syriens, plusieurs dirigeants d'Amérique latine ont annoncé que leurs pays accueilleraient davantage de réfugiés syriens. C'est le cas de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, qui a confirmé en septembre 2015, au plus fort de la crise, que son pays était prêt à accueillir à bras ouverts les réfugiés syriens qui souhaitent aller vivre et travailler au Brésil.

Félicitant l'équipage de la corvette Barroso - le navire brésilien qui a secouru en 2015 plus de 200 réfugiés au large de la Méditerranée - la présidente Rousseff a indiqué par ailleurs que depuis 2013, son pays délivrait des visas humanitaires aux réfugiés syriens avant même qu'ils ne quittent leur pays, ce qui leur évite entre autres de tenter une traversée dangereuse de la Méditerranée. Avec plus de 2 000 réfugiés syriens, le Brésil est le pays d'Amérique latine qui a accueilli jusqu'à maintenant le plus de ressortissants de cette nationalité depuis le début de la guerre civile en 2011.

Un autre dirigeant de la région, le Vénézuélien Nicolás Maduro, a exprimé la volonté de son pays de venir en aide aux familles des réfugiés syriens. Fidèle allié du président de la Syrie, Bashar Al-Assad, l'homme fort de Caracas a invité sa ministre des Affaires étrangères, Delcy Rodríguez, à organiser l'accueil de 20 000 réfugiés.

Une réaction similaire a été observée du côté du Chili, où la présidente Michelle Bachelet s'est dite consternée par les horreurs associées à cette crise et a déclaré que son gouvernement travaillait à faciliter l'accueil d'un nombre important de réfugiés syriens, le pays en ayant déjà accueilli près d'une centaine.

En Argentine, un programme d'accueil destiné spécifiquement aux réfugiés syriens a été mis en place en 2014 et au moins 90 personnes en ont déjà bénéficié.

Enfin, plusieurs autres États de la région, dont l'Uruguay, le Panama et le Paraguay, ont aussi offert leur hospitalité à des réfugiés syriens.

Au-delà de la «solidarité» latino-américaine

Si la décision des dirigeants latino-américains d'accueillir un plus grand nombre de réfugiés a été saluée à travers le monde par plusieurs organismes de défense des droits de la personne, elle a toutefois suscité des inquiétudes quant aux réelles capacités des États de la région à remplir convenablement leurs engagements internationaux en la matière.

En effet, certains des pays de la région sont actuellement frappés par d'importantes crises socio-économiques qui menacent leur propre stabilité et dont les conséquences pourraient affecter à court ou à moyen terme les politiques d'accueil et d'intégration des réfugiés.

C'est notamment le cas du Brésil et du Venezuela, les deux pays les plus touchés par la crise économique qui frappe l'Amérique latine. Selon les prévisions de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), ces deux pays devraient connaître les pires performances économiques de la région en 2016 avec une chute attendue du PIB de 7 % pour le Venezuela et de 2 % pour le Brésil.

Or, en se référant notamment à l'histoire des réfugiés syriens qui ont demandé à quitter l'Uruguay - l'un des premiers pays d'Amérique latine à leur avoir offert l'hospitalité en 2014 - au motif qu'ils y rencontraient des difficultés économiques et d'intégration, on peut s'interroger ultimement sur l'avenir des réfugiés syriens dans les différents pays de la région.

Sans affirmer que l'accueil et l'intégration des réfugiés ne seront pas possibles dans ces pays, il importe de souligner l'étendue des défis que devront relever les pays volontaires d'Amérique latine afin de faciliter l'accueil et l'intégration des réfugiés syriens dans la région.

Sur un tout autre plan, et en dehors des difficultés liées à la langue que pourraient rencontrer les réfugiés dans la région, la question des réelles motivations des dirigeants latino-américains relativement à la crise des réfugiés syriens a également été soulevée. Plusieurs analystes pensent en effet que l'élan de solidarité qu'on a observé ces derniers mois de la part de certains de ces dirigeants relève davantage d'un calcul stratégique que d'un simple acte de générosité. C'est notamment le cas d'Elsa Cardozo, professeure de Relations internationales à l'Université de Caracas, qui soutient que l'annonce du président Maduro d'accueillir 20 000 réfugiés syriens au Venezuela obéit avant tout à une logique d'ordre politique. Selon elle, les autorités vénézuéliennes chercheraient à masquer les dégâts provoqués par les expulsions massives de Colombiens, y compris ceux bénéficiant du statut de réfugié. Lesdites expulsions, qui sont survenues en septembre 2015 à la frontière commune avec la Colombie, ont contribué à raviver les tensions politiques entre les deux pays.

En définitive, en attendant qu'on trouve une solution de sortie de crise en Syrie, l'Amérique latine aura manifesté sa volonté de venir en aide aux réfugiés, ceci malgré les diverses crises politiques et socio-économiques qu'elle traverse. La question qui demeure est de savoir si les États de la région arriveront à remplir leur engagement à l'égard de ces réfugiés.

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