Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le jour où j'ai décidé de démissionner

Nous avons tous des souvenirs très nets des grands tournants dans notre vie : notre mariage, la naissance de nos enfants, le jour où on a compris qu'on allait devoir démissionner. Ah bon? Pas vous?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Nous avons tous des souvenirs très nets des grands tournants dans notre vie : notre mariage, la naissance de nos enfants, le jour où on a compris qu'on allait devoir démissionner. Ah bon? Pas vous?

Je me rappelle du SMS que j'ai envoyé à mon mari pour lui dire que j'avais eu une grosse journée et que je ne pourrais pas rentrer de sitôt. Le problème, c'était que c'était le dernier jour avant les vacances scolaires, c'est-à-dire un moment où toute l'équipe pédagogique est généralement très pressée de partir. Je suis rentrée plus tard que prévu et, à peine arrivée dans la cuisine, j'ai fondu en larmes. C'était malheureusement devenu une habitude : je pleurais au travail, chez moi, dans la voiture. La pression psychologique à laquelle j'étais soumise me débordait sans arrêt. Dans la cuisine, ce soir-là, mon mari m'a dit que ce que je ferais l'année prochaine importait peu. Ce qui comptait, c'est que j'arrête d'être psychologue scolaire.

En juin 2015, cela faisait quatorze ans que j'exerçais ce métier (mis à part mes deux congés maternité). En sortant de mes études, je débordais de passion pour ce métier. J'avais fait ce choix en raison de mon amour de l'enseignement et de mon envie d'aider les jeunes à trouver le chemin du succès. Avec le temps, cette passion s'est affaiblie. Entre la pression des attentes pédagogiques, les tests cruciaux imposés aux élèves par la loi et les demandes de plus en plus fortes des parents dans le secteur où j'exerçais, mon investissement n'a fait que décroître, tandis que mon niveau de stress décollait. Après la naissance de ma deuxième fille, j'ai pris une année de congé. J'avais déjà commencé à remarquer un changement dans ma manière de ressentir mon travail. Au cours de ce congé, mon mari et moi avons décidé que le mieux serait que je travaille à mi-temps. Le problème, c'est que j'étais sur le point de recevoir une augmentation de salaire substantielle. D'autre part, comme nous n'avions pas prévu que je démissionne, nous n'avions pas fait d'économies pour pouvoir nous le permettre. Mais nous avions un plan.

Pendant les trois années qui ont suivi, mon travail s'est borné à n'être qu'un travail. Une corvée, même. J'ai changé d'établissement et, même si j'adorais mes collègues, je n'ai pas retrouvé la même ambiance. Je me suis aperçue que je mettais de plus en plus ma vie sociale entre parenthèses. En parallèle, les besoins des élèves, du personnel et des parents ne faisaient qu'augmenter, et ma masse de travail avec. Je passais davantage de temps en réunion et à gérer de l'administratif, et moins avec les élèves et le personnel pour trouver des solutions créatives aux problèmes qui se posaient. Les besoins de ma petite famille augmentaient aussi, et l'équilibre entre ma vie personnelle et professionnelle m'apparaissait de plus en plus précaire. Je n'étais jamais au bon endroit au bon moment. Je passais tous mes dimanches après-midi à rédiger des rapports à la bibliothèque pendant que ma famille menait sa vie sans moi. Mes filles ne me disaient plus : «Maman, pourquoi tu ne viens pas avec nous?», mais : «Maman, pourquoi tu VIENS avec nous?»

Je n'avais plus hâte d'arriver au travail, et mon niveau de stress s'est mis à augmenter. Je passais des heures sur Internet au lieu de travailler parce que j'étais trop submergée pour me concentrer. Quand je travaillais, c'était en jonglant avec tellement de choses que je ne me donnais à fond dans rien. Je me suis mise à me contenter du strict minimum. Je n'avais jamais voulu être le genre d'éducatrice qui négligeait de s'investir par pure paresse. Le fait de savoir que c'était ce que je devenais me rendait la situation encore plus difficile à supporter. Même si je n'ai jamais employé le terme «burn-out», je savais que, mentalement, émotionnellement et physiquement, j'étais à bout. Je m'entendais dire que je ne pouvais plus continuer comme ça.

Voilà qui nous ramène à cette soirée, dans ma cuisine. On a commencé à faire les comptes, et on s'est aperçu que je pouvais me permettre de démissionner. C'était un très gros risque, mais je pense qu'il a porté ses fruits. Je ne suis pas sûre de m'être encore remise de mon burn-out. C'est difficile à dire, étant donné que je ne travaille plus. J'ai eu le temps de réfléchir, et de constater que mon niveau de stress à l'époque était vraiment dangereux. Sans travail, j'ai découvert en moi une personne plus calme, plus patiente, moins anxieuse. Je dors mieux, et j'ai davantage d'énergie. Je suis heureuse. Récemment, j'ai entendu ma mère et mon mari dire à quel point j'avais changé, y compris le son de ma voix! Ça m'a fait un choc.

L'an prochain, je reprendrai le travail à mi-temps. Malheureusement, nous n'avons pas prévu que je reste à la maison très longtemps. J'espère que je n'atteindrai plus jamais le niveau de surmenage de l'an dernier. Si c'est néanmoins le cas, j'espère l'anticiper et procéder aux changements qui s'imposent avant d'en arriver à faire un autre choix brutal dans la cuisine.

VOIR AUSSI :

18 façons inusitées de quitter son emploi

Ce blogue initialement publié sur le Huffington Post États-Unis a été traduit de l'anglais.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.