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L'action meurtrière commise contre l'équipe de Charlie Hebdo a été accomplie par des fanatiques endoctrinés et extrémistes dans leurs actions. Ils sont les représentants d'un courant archi minoritaire dans nos pays.
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On ne peut que se sentir abattu par le drame vécu la semaine dernière dans l'attentat contre Charlie Hebdo. Et on ne peut qu'éprouver de la tristesse, une immense désolation, devant la mort d'individus qui ont cru passionnément en la liberté d'expression. Mais comme si ce chagrin n'était pas suffisant, il faudra apprendre à vivre avec les après-coups d'un tel évènement. Et ceux-ci risquent d'être eux aussi éprouvants.

L'action meurtrière commise contre l'équipe de Charlie Hebdo a été accomplie par des fanatiques endoctrinés et extrémistes dans leurs actions. Ils sont les représentants d'un courant archi minoritaire dans nos pays. La violence extrême de leurs actions leur donne non seulement une place centrale que jamais ils ne se mériteraient, mais parvient aussi à créer une importante désorganisation sociale à long terme. Comme à chaque fois, l'action violente radicalisée ouvre une boîte de Pandore.

Ainsi, il est déjà possible de prévoir quels seront les importants reculs que nous subirons. Dans un climat de tension considérable, où des manifestations anti-musulmanes se sont déroulées, par exemple, en Allemagne, il devient évident que les musulmans, dont l'immense majorité n'a strictement rien à voir avec les déferlements de haine des extrémistes islamistes, subiront à leur tour de lourds préjugés, des menaces, un rejet qui ne fera qu'accentuer ce qu'ils vivent déjà.

Tout cela renforcera les partis d'extrême droite qui sévissent dans différents pays européens, surtout le Front national, en France, qui dans ses visées d'accession au pouvoir, trouvera dans les derniers évènements une confirmation de ses propos alarmistes. Il s'ensuivra une querelle des extrêmes : musulmans radicalisés et extrême droite occuperont une place incontournable dans les débats publics, polariseront les discussions, faisant dévier certaines délibérations posées et rationnelles, nécessaires pour venir à bouts des conflits déchirants, les transformant en controverses mal orientées, simplistes, dont personne ne profitera.

Les questions identitaires occuperont une fois de plus le centre du débat politique, comme on l'a trop souvent vu, notamment pendant les dernières élections au Québec. Des sujets tout aussi importants, et touchant une proportion beaucoup plus élevée de la population, tels les politiques d'austérité et la pauvreté, n'occuperont plus la place qui leur revient. Les citoyens les plus aisés profiteront de cette importante diversion pour continuer à se donner des privilèges, sur lesquels il sera par la suite difficile de revenir.

Qu'on le veuille ou non, et malgré de bonnes intentions formulées un peu partout, l'autocensure deviendra encore plus présente chez les journalistes. Tous n'auront pas le courage de défier les extrémistes de tout acabit. La violence meurtrière reste malheureusement dissuasive et plusieurs n'auront pas envie de se transformer en héros.

Le danger de nouvelles actions terroristes entraînera les gouvernements à développer encore plus leurs mécanismes de surveillance. Les droits de la personne en subiront les conséquences. On l'a vu dans le passé, notamment avec l'affaire Snowden : traquer les terroristes permet en même temps de suivre tout groupe d'opposants, y compris les plus pacifistes, les plus réfractaires à toute action violente.

Beaucoup de ceci s'est produit dans le passé, au lendemain du 11-Septembre, par exemple. Il faut souhaiter que la conséquence la plus extrême de cet évènement ne donne pas des idées aux gouvernements des pays les plus riches : combattre le terrorisme par la guerre - une guerre basée sur des prétextes en réalité - qui crée davantage de haine, de violence, de ressentiments, et permet de former des adversaires habiles avec les armes, bien entraînés, haineux et en mal d'action. Ce qu'on a constaté à diverses reprises, avec l'engagement militaire de plusieurs pays occidentaux en Irak, en Syrie, en Libye.

Bref la mort de rédacteurs de Charlie Hebdo, de policiers, de citoyennes et citoyens, victimes des balles de tueurs fanatisés, aura des conséquences qui nous affecteront longtemps encore, même de ce côté-ci de l'Atlantique.

Mais il se pourrait que les choses se déroulent autrement. Que tous retiennent les véritables leçons de ce drame, et qu'on mette en place les changements nécessaires. Que les journalistes cessent vraiment de s'autocensurer, et pas seulement en ce qui concerne les religions. Il faudrait d'abord se rappeler que la haine attise la haine, et que le meilleur moyen de combattre un extrémisme n'est pas d'en stimuler un autre. Plutôt que d'exclure et nourrir les préjugés, peut-être faudrait-il par tous les moyens multiplier les dialogues, ne plus confiner les immigrants dans des ghettos, limiter leur stigmatisation. L'intégration de l'immigration va à l'encontre de l'austérité : pour assurer la paix sociale, il faut plus de programmes d'aide, de travailleurs sociaux, de ressources sur le terrain, etc.

Il faut aussi que les grandes puissances cessent de jouer avec le feu, de s'appuyer sur des islamistes quand ça leur convient, puis les laisser armés jusqu'aux dents et remplis de colère. Il faut mettre fin aux opérations de guerre, comme l'intervention des Américains en Irak, qui ne créent que le chaos, préférer la diplomatie. Il faut dénoncer cette situation absurde selon laquelle les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU sont aussi les cinq plus grands vendeurs d'armes. Avec le discours schizophrène qui s'ensuit, alors que les appels à la paix se font pendant que la vente d'armes rapporte des milliards de dollars.

Tout cela reste intrinsèquement relié, et les répercussions considérables de cette tragédie dans les grands médias du monde montrent bien qu'elle laissera longtemps sa marque. Souhaitons malgré tout que l'on parvienne, à tête reposée, à mieux apprendre de nos erreurs.

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