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Paris n'est plus une fête

Plutôt que d'entreprendre un examen de conscience, nos gouvernements ont tendance à adopter des mesures de surveillance et de répression empiétant sur nos droits.
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Le récit autobiographique d'Ernest Hemingway Paris est une fête est devenu l'un des plus grands succès de librairie en France aux lendemains des attentats terroristes du 13 novembre. De ces histoires nostalgiques du grand écrivain américain, le public a surtout retenu le titre qui les rassemble. Paris est une ville superbe, vivante, éblouissante. Pour ceux qui l'aiment passionnément, elle entretient bel et bien une fête perpétuelle. Et ce ne sont pas quelques terroristes qui la changeront, aussi violents soient-ils.

Pourtant, celles et ceux qui y séjournent aujourd'hui ont quelques difficultés à retrouver la ville émancipée qui avait séduit Hemingway.

La présence envahissante de policiers et de militaires, avec leur lourd et terrifiant armement, rappelle que la mort veille, que tout peut exploser à nouveau. L'état d'urgence prolongé, adopté par le gouvernement, ne contribue en rien à améliorer le climat. Pas plus que ce «Patriot Act» à la française qui permet désormais une surveillance massive, au grand dam des défenseurs du droit à la vie privée.

La ligne dure et la répression est sans aucun doute la solution la plus facile pour combattre le terrorisme. D'autant plus qu'elle obtient un soutien d'une partie importante d'une population traumatisée et qui réagit inévitablement sous le coup de l'émotion. Mais une action vraiment efficace demande une analyse plus globale de la situation.

Il va de soi que le terrorisme est un problème d'une grande complexité et qu'il n'existe pas de solution simple pour en venir à bout. Mais celui-ci est largement accentué par les guerres et les alliances douteuses, auxquelles les pays occidentaux ont contribué et contribuent encore, en grande partie pour satisfaire leur puissante dépendance au pétrole.

De plus, il ne faut pas oublier que les crimes terroristes dans ces pays ont été le fait de jeunes de la deuxième génération d'immigrants ayant un profil de délinquant. Peut-être faut-il alors se poser davantage de sérieuses questions sur la façon dont ils ont été intégrés dans nos sociétés?

Plutôt que d'entreprendre un examen de conscience, nos gouvernements ont tendance à adopter des mesures de surveillance et de répression empiétant sur nos droits. Le Canada ne fait pas exception: on y a voté une loi antiterroriste qui transforme tout le monde en victime potentielle d'un profilage politique.

Pourtant, selon le criminologue Stéphane Leman-Langlois, interviewé par Radio-Canada, «les actes terroristes dans le monde occidental sont aussi proches de zéro qu'on peut l'espérer.» Nous vivons dans une large sphère particulièrement épargnée qui n'a subi que 4,4 % des attentats et 2,6 % des morts dues au terrorisme depuis les 15 dernières années.

Les autres types de criminalité provoquent énormément plus de morts et de misère. Mais la routine de la violence ordinaire s'efface devant les actions spectaculaires et hyper-médiatisées des terroristes, qui alimentent les préjugés et la crainte. La terreur justifie l'oppression, ce qui convient à la fois aux terroristes et aux tendances autoritaristes de nos gouvernements. Ce qui nous oblige à vivre dans un monde où l'espace du droit et de la démocratie rétrécit.

Les statistiques évoquées plus haut signifient que ce sont les régions les plus pauvres qui écopent encore une fois, principalement l'Afrique et le Moyen-Orient. Pourtant, les incidents terroristes si nombreux dans ces pays sont évoqués de façon distante par les médias, comme s'il s'agissait d'une fatalité ou d'un sujet sans trop d'intérêt. Jusqu'à ce que le problème se rapproche de nous et éclate une seconde fois de façon spectaculaire à Paris...

Le principal défi lancé par le terrorisme dans les pays occidentaux consiste d'abord et avant tout à prendre la juste mesure du problème, à le considérer avec tact, à éviter les amalgames, commodes pour ceux qui se méfient de la démocratie, et qui associent le terrorisme à la résistance pacifique et l'expression de la pensée libre.

Les lecteurs et les lectrices qui se sont précipités sur le récit autobiographique d'Hemingway ont envoyé le message qu'il faut aussi combattre la terreur par l'esprit de la fête, malgré les difficultés bien réelles à adopter et préserver une telle attitude dans de pareilles circonstances. Et bien qu'elle ait été plus durement atteinte, Paris est une ville qui s'y prête particulièrement bien, nous rappelle Hemingway dans ses récits.

«Paris valait toujours la peine, et vous receviez toujours quelque chose en retour de ce que vous lui donniez», avançait Hemingway. Et cela «peu importe qui nous étions, chaque fois, ou comment il avait changé, ou avec quelles difficultés -- ou quelles commodités -- nous pouvions nous y rendre.» Ce qui vaut aussi, dans une certaine mesure, pour la très grande majorité des villes du monde.

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