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Rapport Ménard: tablette ou déchiqueteuse?

Mise sur pied pour blâmer le gouvernement Charest, la commission Ménard réussit parfaitement la mission qui lui a été confiée. En revanche, elle n'a pas jugé bon de commenter sérieusement les excès de certains étudiants...
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Dans son rapport rendu public la semaine dernière par un gouvernement désireux de s'en distancer le plus rapidement possible, la Commission spéciale d'examen des événements du printemps 2012 rend sans surprise le gouvernement libéral de l'époque seul responsable de la crise, absout totalement les étudiants, critique l'encadrement légal des manifestations et blâme sévèrement et sans nuances le travail des policiers à qui elle reproche la quasi-totalité des dérapages. Le tout, en distribuant généreusement (et non pas gratuitement, l'exercice ayant coûté plus de 800 000 $) des recommandations qui vont, je l'ai écrit mardi, du délire à l'inutile.

Le gouvernement Charest responsable

Mise sur pied pour blâmer le gouvernement Charest, la Commission réussit parfaitement la mission qui lui a été confiée. Ce qui n'était guère difficile, une majorité de Québécois ayant sanctionné l'équipe libérale en septembre 2012, tant sur cette question que sur quelques autres. Si l'analyse comporte des faiblesses et plusieurs raccourcis, la recommandation des commissaires d'introduire la notion de médiation laisse songeur. Ce n'est pas par ce que cette méthode connait du succès dans les relations de travail et en matière matrimoniale, par exemple, qu'elle peut s'appliquer dans des conflits de nature purement politique. Rien ne remplace la volonté politique de trouver une solution politique et de la rechercher avec rigueur et détermination. Un gouvernement élu démocratiquement a le droit absolu de gouverner. Plus encore, il en a le devoir. Et gouverner, c'est choisir.

L'absolution pour les étudiants

On comprend pourquoi les étudiants ont accueilli si favorablement le rapport de la commission Ménard. Cette dernière, en effet, n'a pas jugé bon de commenter sérieusement les excès de plusieurs d'entre eux, pas plus d'ailleurs que la lenteur de certains de leurs leaders à dénoncer les actes de violence commis par leurs membres. Cette bienveillante indulgence, ce parti pris manifeste, cette absolution surprennent-ils? Pas vraiment, quand on réalise que le gouvernement du PQ était leur plus fidèle allié alors qu'il formait l'Opposition officielle au printemps 2012. Ingratitude surprenante (et quant à moi, bienvenue) des commissaires : les voilà qui recommandent, avec raison, que tout vote de grève étudiante doive faire l'objet d'un scrutin secret après débat dans une assemblée où tous auront été convoqués. Ce qui ne fait évidemment pas l'affaire de certains leaders étudiants qui n'ont pas manqué de le faire savoir à la première occasion. Mais bon, on ne peut plaire à tout le monde tout le temps.

Les manifestations trop encadrées

Les commissaires se sont penchés sur l'encadrement légal des manifestations, particulièrement sur le règlement P6 portant sur l'obligation de fournir un itinéraire préalable à toute manifestation et l'interdiction du port du masque. Ils se disent prêts à recommander qu'un préavis puisse être exigé par le règlement municipal s'il exclut les manifestations spontanées et respecte l'esprit et la lettre du droit international. Assez curieusement, ils n'en font cependant pas la recommandation formelle. Manque de courage? Prudence excessive dans l'attente du jugement des tribunaux sur le port du masque? On ne sait trop. Quoi qu'il en soit, la trentaine de pages consacrées à la question ne cassent rien et ne présentent rien de terriblement révolutionnaire ou de réellement utile. Cela aura au moins permis aux commissaires de nous dire tout le mal qu'ils pensaient de P6. Ce qui n'a pas semblé ébranler la Ville outre mesure, elle qui n'a toujours pas réagi au rapport.

Les vrais coupables: les (méchants) policiers

Le gouvernement blâmé, les étudiants épargnés, la Ville tapée sur les doigts, la commission s'est alors retournée vers les véritables coupables qu'elle a prestement exécutés et à qui elle a dédié 23 de ses 28 recommandations.

En ne reconnaissant que du bout des lèvres (ou de la plume), comme si cela leur faisait mal, les conditions difficiles dans lesquelles les policiers devaient œuvrer jour après jour, soir après soir, sans un mot ou presque sur les casseurs infiltrés chez les étudiants, sur le Black Block et oui, osons le dire, sur plus d'un étudiant complètement hystérique et violent, révolutionnaire d'un jour ou d'un soir qui s'est adonné à la violence, la commission a tranché.

Nous revoici au temps heureux des cow-boys où tout était simple : d'un côté, les bons étudiants, ces incompris; de l'autre, les méchants, les policiers, des brutes pour la plupart, seuls responsables, évidemment, de la casse. Les Associations de policiers ont raison de dénoncer ce rapport, même dans le langage très vert de l'ineffable président de la Fraternité des policiers du SPVM. Son chef, Marc Parent est, comme il sied, nettement plus nuancé quand il défend et louange le travail de ses hommes, tout en admettant certains dérapages, inévitables dans les circonstances.

Plutôt techniques dans l'ensemble, quand elles ne sont pas simplement farfelues (ou délirantes), dépassée parce que déjà réalisées (ce que la commission devait savoir) ou en voie de l'être, quelquefois réalistes, les recommandations des commissaires n'impressionnent personne, au premier chef les policiers. On les comprend.

Peut- on, en effet, prendre au sérieux celle qui suggère de dicter sur place les circonstances des tirs qu'ils doivent exécuter dans le feu de l'action? Ou encore, celles qui visent à rendre plus difficile, voire à éliminer le recours aux armes intermédiaires, retournant les affrontements non plus, cette fois, au temps des cow-boys, mais aux corps-à-corps du Moyen-âge! Beau progrès. Mais on n'a encore rien lu. Ce qui représente le mieux le mépris entretenu par les commissaires à l'endroit des policiers (quand même étonnant dans le cas de Me Ménard, leur ancien patron à Québec) se retrouve dans l'intitulé même de leur toute dernière recommandation : recommandation concernant la lutte contre le mépris. Encore ici, pas de nuance. Tous dans le même panier.Les policiers ne respectent pas le droit de manifester pacifiquement et ne comprennent pas l'importance de l'enjeu. Tous des brutes dénuées de jugement et de conscience sociale à qui il est nécessaire et urgent d'enseigner le BA BA de la démocratie.

Ce rapport ne mérite manifestement pas de survivre tant il est biaisé. Fort bien, on s'en débarrasse rapidement. La tablette ou la déchiqueteuse? La solution est simple. Un rapport tabletté accumule la poussière. La déchiqueteuse est tellement plus écolo.

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