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Commission Charbonneau: tout ça pour ça?

La population en a-t-elle eu pour son argent, comme on dit ? Sans doute pas si elle cherchait des coupables à châtier. Pas certain, non plus, si elle souhaitait plus que des constatations, au demeurant assez justes.
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Des réputations brisées, des commissaires qui ne s'entendent pas, des recommandations évaluées à 750 000 $ chacune. Telles sont les conclusions préliminaires que je tire du rapport de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. Une lecture et, dans certains cas, une relecture de l'ensemble de l'œuvre devraient, j'ose l'espérer, m'apporter un éclairage différent.

Des réputations brisées

On s'attendait à une volée de blâmes à l'endroit des personnages principaux, dont quelques bouffons et fous du roi.

Si les dirigeants de la FTQ-construction en prennent pour leur rhume, si l'ex-maire Gérald Tremblay est pointé du doigt pour l'insouciance qu'il a manifestée aux yeux des commissaires, si Gilles Vaillancourt se fait vertement ramasser pour sa gestion des deniers publics lavallois, si, enfin, les ex-ministres Nathalie Normandeau et Julie Boulet se font plutôt gentiment taper sur les doigts, la Commission a fait preuve d'une grande réserve en ce domaine. Déplacée, considérant les réputations qu'elle a ternies dans l'exercice de son interminable mandat.

On se serait attendu à des mises au point, à des nuances, à un souci de rétablir un équilibre nécessaire dans les témoignages qu'elle a entendus. En d'autres mots, les commissaires auraient dû faire la part des choses entre allégations et preuves solides. Ils ne l'ont pas fait, s'en sont allés, laissant sur le carreau plusieurs personnages publics et privés qui sont autant de victimes collatérales qui n'auront jamais plus l'occasion de rétablir leur réputation. Et quelques minables organisateurs politiques s'en sortiront indemnes malgré la grosseur de leurs exagérations et pour certains, de leurs mensonges éhontés.

On se rappelle que Gérald Tremblay a démissionné à la suite du témoignage mensonger et contredit quelques semaines plus tard du «témoin» Martin Dumont. On n'oublie pas non plus le malaise créé par la divulgation du nom des «invités» du 357C, dont l'immense majorité n'avait rien à voir avec les travaux de la Commission. Les commissaires ont souligné avec raison le courage de certains témoins. On se serait attendu à ce qu'ils démontrent la même sollicitude envers ceux qui ont été injustement traités et dont le nom a été associé à des événements sans rapport avec leurs activités personnelles et privées.

Le courage du commissaire Lachance

Je salue ici le courage du très rigoureux commissaire Lachance qui n'a pas hésité à coucher sur papier sa dissidence sur la relation de cause à effet entre le financement politique et l'octroi des contrats publics, défendue par sa présidente et les procureurs de la Commission. Cette mésentente sérieuse sur une question fondamentale affecte grandement la crédibilité de la Commission.

Des recommandations à 750 000 $

Rigoureuse sous certains aspects, la Commission l'est nettement moins sous certains autres, notamment en matière d'appels d'offres en milieu municipal où elle aborde timidement les demandes traditionnelles pour modifier les règles du jeu.

Dans la même veine, sa recommandation d'étudier la possibilité de limiter le nombre de mandats des maires est totalement antidémocratique et doit être rejetée. À moins, bien sûr, que dans la veine Trudeau, le gouvernement soit prêt à revoir l'ensemble de son système électoral.

Enfin, un oubli inexplicable doit être souligné : l'absence de toute recommandation en matière de financement des partis politiques municipaux, pourtant objet de toutes les attentions des commissaires pendant de nombreux mois.

La population en a-t-elle eu pour son argent, comme on dit ? Sans doute pas si elle cherchait des coupables à châtier. Pas certain, non plus, si elle souhaitait plus que des constatations, au demeurant assez justes. Elle peut se consoler, cependant, à la lecture des plusieurs des 60 recommandations, en se disant que le portrait qu'elle obtient est lucide. On peut toujours penser que 60 recommandations pour 45 millions de $ c'est cher payer... Chacune des recommandations des commissaires nous coûte 750 000 $. C'est beaucoup, considérant la relative banalité de plusieurs d'entre elles.

Cela dit, il faut reconnaître que la Commission a fait œuvre utile en suscitant le débat public sur le financement des partis politiques, en soulignant le rôle vicieux joué par la mafia et en mettant au grand jour les turpitudes du monde de la construction; une première au Québec depuis la Commission Cliche en 1975. À quand la suivante?

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Tony Accurso

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