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Quel est niveau de conscience politique et sociale de Philippe Couillard?

Comme Philippe Couillard aspire à devenir premier ministre du Québec, les citoyens sont en droit d'être rassurés quant à son intégrité et son jugement, et d'obtenir des garanties qu'il a toujours agi de façon avisée, consciencieuse et responsable. L'intéressé ne se gêne pas pour mettre en doute la probité de ses adversaires. Or, il devrait montrer plus de réserve...
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Comme Philippe Couillard aspire à devenir premier ministre du Québec, les citoyens sont en droit d'être rassurés quant à son intégrité et son jugement, et d'obtenir des garanties qu'il a toujours agi de façon avisée, consciencieuse et responsable. De son côté, il ne se gêne pas pour mettre en doute la probité de ses adversaires et pour exiger des comptes en proclamant qu'il est lui-même sans reproche. Or, il devrait montrer plus de réserve, car, ainsi que l'ont déploré maints observateurs, son passé comporte bien des zones d'ombre.

Il n'a jamais clarifié sa relation d'amitié et de partenariat avec Arthur Porter, ex-directeur du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) mêlé à un gigantesque scandale et accusé pour fraude et abus de confiance. Il a effectué également des démarches plutôt douteuses durant les derniers mois qui ont précédé sa démission comme ministre de la Santé afin de se négocier un nouvel emploi. Ces faits troublants sont exposés en détail sur le site dossiercouillard.com. Jusqu'à maintenant, le chef du Parti libéral du Québec s'est plutôt esquivé en se rabattant sur des faux-fuyants ou en jouant à l'offusqué.

Par ailleurs, Philippe Couillard a entretenu des liens avec l'Arabie saoudite. Ses relations avec un pays si peu respectueux des droits humains soulèvent de sérieuses questions comme l'a rappelé encore tout récemment Jean-Pierre Gagnon dans Le Devoir. Pour ma part, je voudrais en soulever de nouvelles concernant son niveau de conscience politique et de conscience sociale.

Qu'en est-il de son degré de conscience politique?

L'Arabie saoudite est une monarchie islamique où le pouvoir de la famille royale est absolu. Cet État correspond dans les faits à un régime dictatorial où les libertés fondamentales d'opinion, d'expression, de religion et d'association sont continuellement bafouées. La constitution est fondée sur le Coran et le droit du pays repose sur la loi islamique de la charia, qui y est strictement appliquée; les châtiments corporels et les exécutions publiques y sont pratiqués comme au Moyen Âge. Les religions autres que l'islam y sont formellement interdites; l'intolérance religieuse y est telle que les personnes qui critiquent l'islam sont passibles de la peine de mort. La situation de la femme y est dramatique. Les femmes ne possèdent aucun droit et vivent sous la tutelle des hommes. Il leur est interdit de conduire, de travailler dans un même lieu que les hommes, de faire du sport en public, de se baigner dans une piscine ou à la mer, de porter autre chose que le voile intégral, de voyager sans leur tuteur, etc. Ultra-religieux, le royaume de l'Arabie saoudite finance à coups de milliards de dollars les groupes islamistes à travers le monde pour répandre le wahhabisme, mouvement politico-religieux prônant un islamisme radical.

Philippe Couillard a travaillé, de 1992 à 1996, comme neurochirurgien à Dhahran en Arabie saoudite, pour un hôpital de la société pétrolière Aramco, propriété de la famille royale. Cette expérience n'a rien à voir avec une mission humanitaire de Médecins sans frontières. Comme le rapporte la journaliste Martine Turenne (cf.L'Actualité, vol. 28, no 16, octobre 2003), le Dr Couillard y a gagné beaucoup d'argent et y a mené un train de vie somptueux (logement gratuit, frais d'entretien pris en charge, collèges privés payés pour ses enfants, nombreux voyages à travers le monde). Il a été en plus conseiller du ministre de la Santé, le prince Abdulallah bin Abdulazizz Al-Rabeeah.

Il faut signaler que les autorités saoudiennes exercent des pressions sur les hôpitaux du pays pour que les médecins participent à l'application de la charia en pratiquant des amputations ou des paralysies. Comment, en tant que démocrate qu'il clame être, le chef du parti libéral a-t-il pu consentir à travailler pour une telle dictature? Comment, en tant que féministe qu'il prétend être, a-t-il pu constater sans s'indigner le traitement odieux réservé aux Saoudiennes? Comme l'a écrit Lysiane Gagnon dans La Presse du 29 janvier 2013, «[u]n pareil choix dégage un malaise réel. Qu'aurait-on dit d'un médecin québécois devenant conseiller auprès des gouvernements de Franco, Mussolini ou Staline? Or, la dictature saoudienne n'a rien à envier à ces régimes-là en termes de cruauté et d'abus contre les droits de l'homme.»

Qu'en est-il de son degré de conscience sociale?

Les citoyens du Québec fournissent des ressources financières énormes pour la formation des médecins. Le financement de nos universités est assumé par l'État dans une proportion d'environ 70%. Il faut savoir de plus que les facultés de médecine bénéficient de subventions supplémentaires du gouvernement et qu'elles reçoivent ainsi davantage que les autres facultés (droit, éducation, lettres, etc.). En raison de la grande générosité que manifeste la société à leur égard pour subvenir à leur formation coûteuse, les médecins ne devraient-ils pas en retour faire preuve de solidarité sociale et s'efforcer de témoigner leur reconnaissance en rendant les meilleurs services de santé à leurs concitoyens?

Que penser d'un médecin spécialiste dont la formation a demandé une dizaine d'années d'investissement à l'État et qui abandonne la pratique médicale dans son pays seulement sept ans après avoir obtenu son diplôme en neurochirurgie pour aller s'enrichir dans un pays étranger, qui est de surcroît une des tyrannies les plus oppressives du monde? Quel est son réel engagement vis-à-vis de ses concitoyens?

Il faut espérer que, durant le reste de la campagne électorale, les journalistes s'appliqueront justement à questionner le candidat Couillard à propos de sa conscience politique et de sa conscience sociale. Autrement, les électeurs et les électrices devront faire aveuglément confiance à un homme qui n'a pas hésité à collaborer avec une des pires dictatures actuelles.

>Élections 2014: les nouvelles et les blogues du HuffPost sur la campagne.

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