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Devoir d'indignation et d'autrocritique: les musulmans face à la violence islamiste

Au cours des dernières semaines, après des mois d'atrocités commises au nom de l'islam, des voix venant de la communauté musulmane se sont fait entendre pour se dissocier publiquement du terrorisme islamiste
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Au cours des dernières semaines, après des mois d'atrocités commises au nom de l'islam, des voix venant de la communauté musulmane se sont fait entendre pour se dissocier publiquement du terrorisme islamiste. Cette campagne antiterroriste a été surtout illustrée par le mouvement Not in My Name (Pas en mon nom) qui a été lancé par de jeunes musulmans britanniques et qui a fait le tour de la planète sur les réseaux sociaux.

Au Québec et ailleurs, des personnes bien pensantes, comme Rima Elkouri dans La Presse et Lise Ravary dans Le Journal de Montréal, se sont demandé si cette campagne de dénonciation était juste et si les musulmans devaient publiquement condamner les actes de violence que les djihadistes commettent en invoquant Allah. Ces âmes sensibles sont allées jusqu'à soutenir qu'attendre de la part des musulmans ce genre de dénonciation découlerait d'un sentiment malsain de suspicion à leur égard et aurait même des relents d'islamophobie, car les musulmans ne pourraient qu'être horrifiés eux aussi par une pareille cruauté étant donné que l'islam, le «vrai» islam, prêcherait l'amour et la paix à l'instar de toutes les autres religions.

L'islamophobie a décidément le dos large. Le moindre tort reproché à l'islam ou à ses fidèles est vite interprété par les musulmans ou par leurs défenseurs comme un acte de discrimination honteuse. Or, force est de constater qu'une violence menaçante, née de l'islamisme radical, se répand de plus en plus dans le monde. Que les musulmans s'inquiètent eux aussi de cette montée de l'extrémisme issu de leur propre religion et qu'ils s'y opposent publiquement et la combattent avec énergie est tout à fait fondé, voire nécessaire. Et ils n'ont pas à le faire sous quelque pression extérieure que ce soit. C'est un devoir impérieux pour tout être humain que de s'indigner devant l'intolérable, à plus forte raison quand l'injustice et la violence proviennent de sa propre communauté.

Les musulmans auraient tout intérêt à cultiver davantage leur sens de l'indignation devant les multiples abus commis par leurs coreligionnaires fondamentalistes. Aujourd'hui, le point de mire de l'actualité est la barbarie instaurée en Iraq et en Syrie par l'État islamique. Mais il y a bien d'autres foyers de violence islamiste que les musulmans devraient tout autant condamner. Pensons aux crimes abjects du groupe Boko Haram au Nigéria ou aux tueries des Shebab en Somalie et au Kenya. D'autre part, la violence d'origine musulmane n'est pas l'apanage exclusif de groupes extrémistes. Elle est aussi répandue dans les États qui, même s'ils appliquent la charia, jouissent d'une reconnaissance internationale, le plus important étant l'Arabie saoudite, pays qui est le gardien des lieux saints de La Mecque et de Médine.

Comment les musulmans peuvent-ils garder le silence devant les violations constantes des droits humains perpétrées dans ce royaume féodal, qui est le principal promoteur et bailleur de fonds de l'idéologie rigoriste du wahhabisme à l'origine des mouvements islamistes? Chaque année, Amnistie internationale dénonce cette monarchie dictatoriale pour les centaines de châtiments cruels (flagellations, amputations, décapitations) qui y sont infligés en place publique après des jugements expéditifs. Les musulmans devraient aussi dénoncer l'intolérance de l'Arabie saoudite où les manifestations des cultes autres que l'islam sont formellement interdites et où la liberté religieuse de la population non musulmane est restreinte à la sphère privée. En cela, l'Arabie saoudite, berceau de l'islam, applique strictement la dualité établie par Mahomet entre le monde musulman et le monde des «infidèles», désignés en arabe par le terme péjoratif de kouffar (ou kafir au singulier).

Les musulmans devraient prendre acte que la barbarie associée à l'islam n'est pas le simple fait de fous extrémistes, mais qu'elle dérive directement de leur propre religion, de ses textes fondateurs souvent violents et sectaires que sont le Coran, la Sunna et la Charia, ainsi que de son passéisme, de son dogmatisme et de son autoritarisme qui anéantissent toute liberté et tout esprit critique. Si les musulmans veulent sincèrement que leur foi devienne une véritable religion de paix, ils doivent sans tarder réformer l'islam en l'expurgeant de tout ce qui le mine de l'intérieur.

Récemment, Hassan Jamali (Le Devoir, 14 septembre 2014) a énoncé quatre conditions minimales pour un islam moderne et pacifique: détruire tout lien entre politique et religion; désacraliser le texte coranique; déclarer inopérants les versets violents; déclarer caduques les lois de la charia. D'autres conditions pourraient y être ajoutées, à commencer par les suivantes: respecter intégralement les droits humains; éradiquer tout sexisme en abolissant entre autres le voile islamique sous toutes ses formes; faire preuve d'ouverture et de tolérance à l'égard des personnes qui pratiquent une autre religion, qui ont abandonné la religion musulmane ou qui ne professent aucune religion.

C'est seulement au prix de tous ces changements que le monde musulman pourra s'extirper du contexte historique révolu dans lequel il est né pour accéder enfin à la modernité et qu'il pourra espérer participer à l'émancipation de l'humanité plutôt que de représenter le nouveau totalitarisme du XXIe siècle.

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