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Et si le port de Montréal était le véritable enjeu de la commission Charbonneau?

À suivre les travaux de la commission Charbonneau au quotidien, on en retient l'impression que le crime organisé s'est fixé pour objectif non seulement de contrôler le secteur de la construction comme une fin en soi, mais aussi de corrompre au passage des politiciens qui n'attendraient que ça. Vraie ou fausse, peu importe, c'est l'impression du commun des mortels. Malheureusement, les arbres de la forêt cachent le sentier qui mène à la caverne d'Ali-baba. La présidente de la Commission est limitée par son mandat, vrai! Mais l'examen des faits pourrait l'amener ailleurs.
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À suivre les travaux de la commission Charbonneau au quotidien, on en retient l'impression que le crime organisé, si crime organisé il y a, s'est fixé pour objectif non seulement de contrôler le secteur de la construction comme une fin en soi, mais aussi de corrompre au passage des politiciens qui n'attendraient que ça.

Vraie ou fausse, peu importe, c'est l'impression du commun des mortels. Malheureusement, les arbres de la forêt cachent le sentier qui mène à la caverne d'Ali-baba. La présidente de la Commission est limitée par son mandat, vrai! Mais l'examen des faits pourrait l'amener ailleurs.

Présupposée l'implication du crime organisé dans un secteur économique aussi important que celui des contrats publics dans la construction, peut en effet mener à bien des ailleurs, comme disent les poètes. Et un de ces ailleurs pourrait ramener sur la sellette la mission première du crime organisé: le crime! Or, la construction n'est pas un crime mais elle est souvent présentée, aux États-Unis par exemple, comme un territoire fertile pour des crimes possiblement plus graves que les malversations évoquées devant la Commission. Jusqu'à présent, il n'a pas été question de meurtres ou de trafic de drogue. On évoque surtout la collusion et à la corruption comme facilitateur.

Au Québec, le crime organisé se serait-il recyclé dans les ligues mineures?

En fait, peut-on sérieusement aborder de façon accessoire ou collatérale l'infiltration du crime organisé dans la construction sans que l'accessoire devienne le principal? La Commission d'enquête sur le crime organisé des années 70 visait le crime organisé au premier chef et des secteurs économiques dont l'alimentation et la restauration, par exemple, de manière collatérale.

D'où cette question : peut-on seulement effleurer le crime organisé sans ouvrir d'ores et déjà une boite de pandore révélant des crimes majeurs?

Pour mieux comprendre l'enjeu de la démarche, revenons à la question première. Quelle est la mission première du crime organisé? Le crime! Se poser la question c'est y répondre. Il n'est donc pas question de faire de nos caïds, des maçons, des menuisiers ou des entrepreneurs. Mais alors pourquoi se livrent-ils à cet exercice d'une «vie normale vouée au travail»?

Les activités criminelles privilégiées de nos caïds sont le trafic de substance illicites, le proxénétisme, le trafic d'armes, le jeu, la protection, etc. Alors pourquoi faire des fausses factures et déplacer des briques? Et pourquoi Montréal?

Nous pensons qu'il s'agit au premier chef de se rapprocher des donneurs d'ouvrage public, les politiciens, de les coller, de les étouffer de façon à ce qu'ils n'aient plus le choix, une fois «le bras dans le tordeur». La construction devient donc un moyen de provoquer ce rapprochement en créant des occasions. Et ça marche, ça court, semble-t-il. Pourtant, et jusqu'à présent, aucun crime majeur n'a été invoqué: nous nageons littéralement dans la criminalité de «cols blancs».

Mais il y a cette autre question à partir d'un constat alarmant : pourquoi les organisations concentrent-elles toutes leurs efforts sur Montréal? Le point faible de tous les trafics et des transports de biens volés ou de l'argent du crime, c'est la logistique, car il faut bien se mondialiser, entendons devenir global. Dès lors, on peut mieux comprendre l'intérêt pour Montréal et son port. La prise de contrôle d'une porte d'entrée et de sortie sur le continent nord-américain tel que le port de Montréal, et plus précisément de son important mouvement de containers, devient un élément charnière d'une activité criminelle à dimension internationale.

Le maire et le patron de son port vont donc attirer l'attention du milieu criminel. On peut donc raisonnablement penser que le milieu voudra se prononcer sur le choix d'éventuels prétendants à ces postes prestigieux sinon «le business, le vrai, va planter!».

Mais d'emblée, il faut les approcher et les faire saliver: la construction devient donc un véhicule de luxe, imprenable et efficace. Les contrats publics de construction comportent tellement de postes comptables et de procédures pouvant servir à masquer la fraude, la collusion et la corruption, que les chances d'être pris les mains dans le sac sont minimes d'autant plus que le coût des enquêtes pour y arriver est exorbitant.

En s'assurant les contrôle du trafic des containers dans le port de Montréal, autrement dit en maintenant au degré zéro la vérification, la surveillance et le contrôle des contenus, on garde ouverte une porte d'entrée vers les États-Unis pour tous les trafics imaginables, et en sens inverse, pour toutes les sorties d'argent et de bien volés. Ne perdons jamais de vue que nos trafiquants de substances illicites ne visent pas le marché de Joliette, Saint-Lin ou Brossard. On vise plus gros: Chicago, New York, etc. On peut se consoler en disant que l'épée de Damoclès de l'extradition pèse sur leurs têtes.

Mais en attendant, la commission Charbonneau risque de faire chou blanc de l'essentiel puisque le port de Montréal est en dehors de son mandat, ce qui reviendrait à enquêter sur le fédéral!

Tony Accurso

La commission Charbonneau en bref

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