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Une police incompétente dans un système incompétent?

Si des procureurs participent volontairement à ce simulacre de justice, ils sont tout aussi coupables.
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Combien coûtent ces bavures aux contribuables? La réponse, des dizaines voire des centaines de millions de dollars.
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Combien coûtent ces bavures aux contribuables? La réponse, des dizaines voire des centaines de millions de dollars.

Depuis quelques années, nous assistons avec beaucoup de frustration aux déconvenues devant la cour de nos sections spécialisées et des procureurs qui les assistent. Comment se fait-il que des spécialistes de l'enquête, des hommes choisis avec soins, soutenus par d'autres tout aussi sélectionnés pour leurs aptitudes, se fassent bêtement déculotter par le système de justice? Serions-nous en présence d'incompétents incapables d'enquêtes bien ficelées? Examinons donc les dernières années des sections dites spécialisées.

Comment ne pas penser à SHARQ sans constater la décevante finale. L'affaire BCIA, une fraude de 19 millions impliquant des membres du PLQ. L'affaire Guy Ouellette se terminant en queue de poisson. Les affaires Mario Lambert et André Thibodeau où les policiers enquêteurs ont pour le moins bâclé leurs enquêtes, sans parler des menaces et des faussetés diffusées aux médias.

Notons au passage l'affaire Lagacé où les enquêteurs racontent comment ils obtiennent des mandats, ils trouvent même le moyen de se contredire les uns les autres. Parlons du caïd Scoppa s'en tirant sans accusations pour l'importation de 100 kilos de cocaïne et le pseudo-prédateur sexuel Jonathan Bettez acquitté, dû à la mauvaise façon de travailler des enquêteurs.

Dans toutes ces affaires il y aura soit vice de forme, soit des délais trop importants.

Dans toutes ces affaires il y aura soit vice de forme, soit des délais trop importants. Dans au moins trois de ces dossiers, Lambert, Thibodeau et Lagacé, il y aura mensonges d'officiers de police à différents niveaux. Des mensonges ou des omissions pour obtenir des mandats d'écoute ou de saisie. Des mensonges et des omissions dans le but de protéger et couvrir certains officiers enquêteurs.

Dans d'autres cas, nous assistons à de véritables voyages de pêche menant à des mandats signés par des procureurs pas trop rigoureux. Quand, dans une seule cause, nous avons 120 mandats dits «Scellés» et qu'après des mois, à la lecture de ces mandats, la couronne avoue ne pas avoir de preuve à offrir, il y a forcément malaise.

La défense connaît la tactique maintenant, mais si tu n'as pas l'argent pour te défendre, tu vas plaider coupable.

Voici une partie de la déclaration du sergent Normand Borduas, le 19 mai 2017. D'abord, il a affirmé que des policiers du SPVM induisaient volontairement des juges en erreur. Je le cite: «Certains policiers connaissent les failles du système [...]. Si le dossier n'aboutit pas à la cour ou qu'il n'y a pas de requête pour faire ouvrir votre mandat, jamais personne ne va savoir que l'information que j'ai donnée à la cour n'est pas exacte, erronée, qu'elle n'existe pas du tout».

La défense connaît la tactique maintenant, mais si tu n'as pas l'argent pour te défendre, tu vas plaider coupable. Les grosses organisations ont l'argent nécessaire pour faire tomber ces enquêteurs supposément choisis parmi l'élite et leurs avocats du DPCP. Je sais que dans un cas précis, un client a dû débourser plus de 58 000$ pour l'obtention et la lecture d'une partie des mandats. Puis, surprise, le procureur d'abord hautain finit par se dégonfler et admettre qu'il n'a pas de preuve à offrir.

C'est drôle, parce que la tactique des mandats et des rapports à la tonne étaient quelque chose que la GRC faisait avec brio dans les années 1990/2000. Les greffiers transportaient les boîtes de documentation avec des diables. On appelle ça l'«effet de toge» et ça impressionne la galerie. Des milliers de photos, des milliers de rapports souvent en double, des procureurs n'ayant pas toujours lu l'entièreté du dossier et assurés de gagner. Ce fut pour un temps une méthode efficace, puis il y aura les déconvenues.

Combien coûtent ces bavures aux contribuables? La réponse, des dizaines voire des centaines de millions de dollars.

Maintenant, combien coûtent ces bavures aux contribuables? La réponse, des dizaines voire des centaines de millions de dollars. Des filatures, de l'écoute, des perquisitions, des arrestations, des déclarations, des incarcérations, des procès, de la paperasse. Puis, des saisies illégales où l'on doit remettre les effets, des mois de déplacement à la cour, des témoignages parfois difficiles. Puis, à la toute fin, des moments embarrassants pour le groupe d'enquête. Embarrassants certes, mais qui s'en soucie.

C'est bien d'aller à la pêche, comme divertissement, mais pas dans le travail policier. Sur les 200 mandats que j'ai pu faire signer par des juges, jamais on aurait pu m'accuser d'aller à la pêche. La justice ne l'exige pas et ta conscience ne peut te le permettre. Et si des procureurs participent volontairement à ce simulacre de justice, ils sont tout aussi coupables. Je disais à l'époque, «si tu n'as pas assez d'éléments pour accuser, sois patient. S'il fait un faux pas, tu n'auras pas attendu en vain. Mentir n'est pas la solution».

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