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C'est Noël, et comme toutes les années, je suis volontaire pour la distribution des cadeaux à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Nous sommes plusieurs policiers à donner un peu de temps et à tenter de faire sourire des enfants passant Noël cloués dans un lit d'hôpital.
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C'est Noël, et comme toutes les années, je suis volontaire pour la distribution des cadeaux à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Nous sommes plusieurs policiers à donner un peu de temps et à tenter de faire sourire des enfants passant Noël cloués dans un lit d'hôpital.

Le nouveau poste 20, ancien poste 25, jadis le poste 10 (bien oui, faut bien changer les chiffres, ça crée des jobs...) Je disais donc, le poste est rempli de dizaines de volontaires, se déguisant en Donald ou Mickey et même en ballerines. Tout ce beau monde se prépare fébrilement, entre quelques joueurs de guitare et notre vénérable violoniste de 75 ans, toujours fidèle au poste.

- Hey, Claude, tu ne te déguises pas cette année?

- Non Georges je fais partie des donneurs de cadeaux. Je suis le bodyguard du père Noël!

Tout comme moi, Georges est un ex-flic. Ce bedonnant vétéran vient remplir sa mission avec beaucoup de cœur. Pierre fait partie des trois pères Noël de service. Il y a quand même sept étages dans cet hôpital et souvent plus de deux cents jeunes clients, sans compter une urgence toujours bien remplie.

- Tout le monde sait ce qu'il doit faire?

Celui-là, c'est Gilles le grand sergent, celui qui doit prendre en charge toute l'affaire. Alors il faut le comprendre, il est un peu nerveux.

- Encore là cette année, toi aussi?

- Oui, c'est tellement beau ce truc!

Tiens, Marty qui arrive. Lui aussi vient faire un tour presque tous les ans, tout comme les scouts de mon ami Paul et les volontaires du vieux Henri. Finalement, tout le monde se rassemble pour la photo de groupe.

- Ok... aux autobus!

Tout le monde s'entasse dans un bordel incroyable. Les gars chantent tellement fort, personne ne peut s'entendre parler. Je me demande même, comment nous pouvons faire pour nous organiser.

À l'hôpital, tout ce qui semblait bordélique il y a quelques minutes se place automatiquement. Les pères Noël s'engouffrent dans les ascenseurs, en faisant bien attention de ne pas être vus ensemble. Faudrait quand même pas révéler le secret. Tout le monde sait bien que les pères Noël sont en fait plusieurs! Tout le monde, sauf les enfants.

- Ok Claude, tu prends le troisième et quatrième étage.

Je regarde mon équipe de joyeux lurons, qui se bouscule partout. Ils ont déjà la guitare et la gueule qui fonctionnent à plein régime et c'est au son de «Ma p'tite vache» que nous arrivons à l'étage. Les infirmières nous attendent déjà avec impatience, elles aussi sont dans le coup! Ce sont elles qui ouvrent la marche dans les couloirs.

Chambre 302, deux filles quatre et six ans, un bébé de treize mois.

Compris!

Nous fouillons dans les sacs pour y retracer des cadeaux étiquetés aux âges et sexes correspondants. À partir de ce moment, le père Noël entre dans un Ho! Ho! Ho! que tout le monde connaît. Ici, pas de différence de religion, de couleur ou d'idéologie. Un couple tamoul ne comprenant pas trop ce qui se passe, nous regarde avec une stupeur non feinte, remettre une jolie poupée à leur petite fille qui, nous répond par le plus merveilleux des sourires.

- Tank you sir!

Les parents nous serrent la main. Ils ne comprennent pas trop, mais imaginent sans doute une coutume locale. La coutume du gros bonhomme rouge qui donne des cadeaux!

Nous allons comme ça de chambre en chambre, jusqu'au moment où j'entre avec le père Noël dans une chambre privée. Un couple y est assis près d'un enfant famélique. Nous percevons, dans leurs yeux, la tristesse et le désarroi. Le papa au dos voûté se lève, comme pour nous barrer le chemin. Geste instinctif d'un homme qui aimerait être seul. Nous demeurons là, sans bouger, sans dire un mot. Le père Noël tient maladroitement une petite poupée dans les mains. Nous avons l'air grotesques, patauds et déplacés. Le père s'approche de nous et murmure d'une voix éteinte.

- Ils ont dit qu'elle ne passera pas la nuit.

Sous le regard de la mère serrant tendrement la main de la petite, Georges, le Père Noël, s'approche doucement de l'enfant et dépose la poupée en susurrant quelques mots que je ne peux entendre. Puis, se retournant rapidement, sans dire un mot, il met sa grande main sur l'épaule de l'homme. Nous sortons le plus dignement possible et, pour la première fois de ma vie, je vois un père Noël pleurer. En fait, nous sommes deux à essuyer une larme qui s'entête à ne pas rester à l'intérieur de l'œil.

Nous passons aux autres chambres, mais je ne sais pas pourquoi, Georges et moi, on a comme cassé un ressort. Pour quelques longues minutes, nos gestes deviennent plus mécaniques. Il faut pourtant continuer à divertir les enfants qui attendent avec impatience, la venue du vrai et seul père Noël.

À notre retour, Georges et moi passons quelques minutes côte à côte, sans nous dire un seul mot. Nous n'avons rien à ajouter.

- Hey Claude... Il y a un buffet ! Viens manger!

- On vous rejoint les gars!

C'est drôle, nous les vieux soudards ayant tout vu, on reste là, à ne pas trop parler, juste se sourire... on n'a pas très faim. Drôle de Noël.

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