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La St-Jean Baptiste de 1968: la nuit des désillusions (4/4)

Je crois que le service de police de la ville de Montréal a dû malheureusement s'adapter sur le tas. Les vieux ayant été poussé à la retraite, tout comme celle de 1968, cette nouvelle génération de flics a dû recommencer à zéro. Alors : bavures, arrestations sans motif, brassages, hargne, confusion, fatigue morale et physique, tel est le lot de la désorganisation.
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Souvenirs de la Saint-Jean-Baptiste de 1968 se veut une chronique sans prétention, en quatre épisodes: les préparatifs ou l'art de ne pas être prêt; l'éclatement et la stupeur; la répression et les détentions; et, finalement, les conséquences à court et long termes.

Ce qui en reste...

Finalement, quand toute la poussière retombera, peu de manifestants seront poursuivis. La crise d'octobre, les bombes des années 70 et les manifestations houleuses auront en partie été une résultante de cette nuit d'horreur. Ceux dont l'idée n'était pas faite commencèrent à pencher, sinon vers l'indépendance, du moins pour une radicalisation marquée. Pour plusieurs d'une nouvelle génération, le policier n'était plus l'ami de jadis, l'homme vous renseignant avec un sourire, celui à qui on envoyait la main en passant ou sirotant un café tout en écoutant les doléances. Il devenait l'homme casqué et armé à qui vous iriez vous frotter lors des manifestations à venir. Le flic sur qui vous pouviez à vos risques et périls, cracher dessus.

Pour le département de police de Montréal, l'adaptation fut douloureuse. Ce département monta en vitesse et sans jugement des groupes d'interventions disparates. Ce fut l'achat de casques, bâtons et boucliers* plus ou moins adaptés. Ces achats furent suivis par quelques rares heures d'entraînements inadaptés, mal encadrés et presque inutiles pour tous les policiers, surtout ceux partant à la retraite. Pour des hommes mûrs et sans entraînement, faire grimper en uniforme le Mont Royal au pas de course n'était peut-être pas l'idéal. Finalement après beaucoup de tâtonnements, il en résultera une section spécialisée devenant pour un temps, de plus en plus efficace.

Il fallait maintenant admettre que la société québécoise venait de changer. Dans les années qui suivront, les policiers auront droit à : la deuxième Saint-Jean et sa statue en papier mâché, McGill français, le Bill 69, la crise d'octobre, les manifestations maoïstes, Sir Georges Williams, la grève de La Presse, les marches «Rouge» du premier mai, les fêtes de la Reine Victoria et la dernière Saint-Jean dans le Vieux-Montréal en 1974. J'allais oublier la Saint-Jean de 1972, ou un énorme pétard explosera, déclenchant ainsi une opération de nettoyage plutôt musclée. La police entrait de plain-pied dans l'ère de la contestation et de son pendant, la répression.

Entre 1968 et 1974, ce département de police connut cinq directeurs, autant d'état major et de changements de cap. Pour le reste, rien n'a changé, les sergents et lieutenants ont continué à faire le sale travail : celui d'être les responsables du terrain et prendre rapidement les décisions qui s'imposent.**

Il y aura après 1976, une accalmie certaine, elle ne sera ébranlée que par les deux «Coupes Stanley» et quelques manifestations de peu d'envergure. Malheureusement, ce ne sont plus les hommes aguerris de 1970 qui y feront face.

Tout est recommencement, nous nous sommes dotés d'une nouvelle police, plus scolarisée, plus intellectuelle, plus féminisée, moins musculaire, plus habituée au «judo mental» qu'à la force physique. Il y a les coupes budgétaires, la baisse d'embauche, la police dite «de quartier», la réforme du travail basée sur une rentrée d'argent accrue dans les coffres. Ce qui nous amène au «printemps érable».

Ce département de police découvre encore une fois avec stupeur, son manque d'adaptation aux situations exceptionnelles. Pourtant, les dirigeants auraient dû s'en douter un peu. Quelque temps auparavant, les policiers avaient pour le moins fait piètre figure, lors de la mini émeute de Montréal Nord ayant suivi l'affaire Villanueva.

Le billet se poursuit après la galerie

Quelques images de la St-Jean-Baptiste de 1968

Ayant participé à titre de policier à presque toutes les manifestations des années 70 et assisté en tant que chroniqueur, aux manifestations du printemps 2012, je suis à même de faire un certain parallèle.

Je crois que le service de police de la ville de Montréal a dû malheureusement s'adapter sur le tas. Les vieux ayant été poussé à la retraite, tout comme celle de 1968, cette nouvelle génération de flics a dû recommencer à zéro. Alors : bavures, arrestations sans motif, brassages, hargne, confusion, fatigue morale et physique, tel est le lot de la désorganisation.

* Après l'achat de plusieurs centaines de boucliers, le département de police s'aperçut qu'ils brûlaient très bien lorsqu'ils recevaient des cocktails Molotov. Ces boucliers finirent dans la poussière d'un garage municipal.

** En 2000, lors de la marche contre Une île une Ville, malgré un centre de commandement tout neuf et ses trois officiers supérieurs, ce fut un sergent qui prit l'heureuse décision de fermer la rue St-Catherine aux voitures, ceci à l'encontre des ordres qu'il recevait.

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