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La Saint-Jean-Baptiste de 1968: l'émeute qui marqua l'imaginaire

Un homme voulant se faire élire était venu démontrer sa fougue et son arrogance, d'autres voulant un pays étaient venus lui déclarer leur colère.
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La Presse canadienne

Je vous parle d'un temps que beaucoup ne peuvent connaître, 1968... La Saint-Jean-Baptiste de l'émeute, celle qui marquera l'imaginaire pour des décennies et qui maintenant sombre dans l'oubli.

L'histoire d'une soirée et d'une nuit horrible où l'homme tire le pire de lui-même. Je ne veux blâmer personne ici, je blâme les circonstances, la non préparation et l'incompréhension.

Un homme voulant se faire élire était venu démontrer sa fougue et son arrogance, d'autres voulant un pays étaient venus lui déclarer leur colère et leur détermination. Finalement la loi Murphy se concrétisait, «ce qui devait arriver arriva».

Les chevaliers de l'indépendance, pancartes à la main et avec leurs cris de ralliement, décidèrent de fendre la foule, traverser les fanfares et bien démontrer leur présence. Il y aura d'abord un moment de stupeur, suivi d'un ordre de dispersion, puis l'affrontement. Et quand mon ami Reggie Chartrand lancera au visage de mon autre ami Julien Tanguay un jet de gaz Mace. produit totalement dangereux, un pas était franchi. Une parade festive se transformait en émeute, en capharnaüm, en maelström sans nom.

Les pavés, les rocs, les bâtons, les bouteilles et même des ampoules remplies de peinture se mirent à pleuvoir. Des incendies jaillirent de partout dans le parc La Fontaine. Des voitures de police furent renversées et brûlées. Des policiers furent blessés, des manifestants tout autant. Le sang appelle le sang.

Pendant les heures qui suivront, il n'y aura plus ou peu d'humanité. La foule, soudainement devenue un monstre pour une police non préparée et non outillée, attaquera ou semblera attaquer les hommes en bleu. Ceux-ci, se sentant trahis par une populace devenue hostile, répondront par un brasse-camarade rempli de frustration. Oui, au poste Reggie en mangera toute une. Julien deviendra presque aveugle et en gardera des séquelles. Oui, des hommes ont été battus au poste 4, ils ont payé le prix cher. Il faut comprendre que lorsque tu vois tes confrères le visage en sang transportés inconscients, que toi-même tu te retrouves attaqué par des manifestants, tu te crois en zone de guerre.

Du côté flics, personne n'était préparé à tout cela. Pas de bâtons, pas de casques, pas de directives, pas de leaders. De l'autre côté, des jeunes sans ordres, des chefs sans poigne ou arrêtés dès le début. En fait, deux groupes laissés à eux-mêmes. Je ne reviendrai pas sur les événements de la nuit, ils sont déjà abondamment illustrés dans mon livre «La nuit des désillusions».

Quelques images de la St-Jean-Baptiste de 1968

Au petit matin, ceux qui avaient participé à ce chaos réalisèrent que rien ne serait plus pareil. J'ai souvent comparé cette nuit à un combat au Vietnam, des hommes errants les yeux vides tentant d'effacer des images imprégnées pour toujours, dans un subconscient fidèle.

Il y aura par la suite les multiples bombes, la crise d'Octobre, le Parti québécois, les référendums et la morosité.

Un fossé s'est créé entre les agents de la paix et la future population du «Peace and Love», apportant un manteau de méfiance qui encore aujourd'hui transparaît chez nos soixante-huitards.

Bien sûr, nous sommes de moins en moins nombreux à garder en nous ce souvenir presque indécent. Dans quelques années, ce souvenir s'éteindra comme tous les autres souvenirs, c'est le lot des événements même historiques. Nous les protagonistes partirons nous disputer dans un univers éthéré. Je pourrai expliquer à mon ami Reggie comment un jeune flic de vingt ans n'a pu le protéger de la colère de ses confrères. Aux autres pourquoi et comment tout aura commencé.

Je suis heureux et honoré d'avoir participé au documentaire de Jules Falardeau sur ces événements, 50 ans de la St-Jean de la matraque. Celui-ci, comme «Taire des hommes» de Pierre Harel et Pascal Gélinas. Les livres: le Lundi de la matraque, vu par les manifestants et La nuit des désillusions, par un jeune flic de vingt ans, sont autant de témoignages d'un temps où tout pouvait arriver, le meilleur comme le pire.

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