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Flic et confidences: hommage au capitaine Cinq-Mars

Le 27 novembre, Jacques Cinq-Mars est mort à l'âge de 96 ans. Le capitaine détective, héros de Dieppe, policier sans peur et sans reproche s'est éteint après un long parcours rempli d'aventures. Je connais l'homme d'action qu'il était et j'aimerais partager une toute petite histoire avec vous.
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Le 27 novembre 2016, Jacques Cinq-Mars est mort à l'âge de 96 ans. Le capitaine détective, héros de Dieppe, policier sans peur et sans reproche s'est éteint après un long parcours rempli d'aventures. Je connais l'homme d'action qu'il était et j'aimerais partager une toute petite histoire avec vous.

À l'automne 1980, après 15 ans de service, j'étais sergent au centre-ville. J'y avais passé tout ce temps et c'était mon terrain. Jacques Cinq-Mars était déjà capitaine depuis un bail. Nous nous étions liés d'amitié, il m'appelait «ti-cul Aubin» avec un sourire en coin dont il ne se départissait jamais. Je connaissais son passé militaire et ses exploits policiers. Alors, me faire appeler ti-cul par cet homme, c'était un compliment personnel. Il connaissait ma fougue et surtout ma langue incisive. J'avais eu quelques belles engueulades avec certains de ses enquêteurs de la « patrouille de nuit » qui, parfois, coupaient les coins ronds. Jacques plissait les yeux, s'asseyait pas très loin de moi et prenait des notes mentalement. Je savais qu'il n'allait pas les savonner devant moi, ça ne se faisait pas, mais j'en entendais des échos et certains enquêteurs me boudaient un peu.

En 80, un soir de septembre, nous étions donc à la recherche d'un dangereux évadé.Tout indiquait qu'il se trouvait au centre-ville et nous allions le trouver. Mes 30 flics de la relève étaient à la chasse entre les appels.

Finalement, vers deux heures du matin, le répartiteur d'appels nous avise que notre homme est en fuite sur la rue Sherbrooke, près de Saint-Denis. Il n'en fallait pas plus à ma meute de flics pour encercler le quadrilatère. J'allais entrer seul dans une des petites ruelles, quand j'entends un cri derrière moi.

- Attends-moi Ti-cul.

Armé d'un fusil automatique M1, Jacques me rejoignait au pas de course. Il n'allait pas rater l'occasion de tâter le macadam. À partir de ce moment, tous les deux ne disant mot, communiquant par gestes, nous fouillons tous les fonds de cours, les hangars, les réduits et tout ce qui peut servir de cachette. Je n'ai pas eu à m'inquiéter, Jacques était là, le visage crispé, mais sourire en coin. Il en avait vu d'autres.

S'arrêtant sec, il me chuchote à l'oreille.

- Il ne doit être loin.

- Faut bien qu'il soit à quelque part.

Tout à coup, bondissant d'un talus, notre évadé pique une course vers la rue Sherbrooke. Nous repartons en chasse derrière lui. Jacques traîne un peu, la soixantaine commence à peser. De mon côté, je crie ma position dans le walkie-talkie, tout en tentant de suivre le lièvre. Par chance, quelques policiers se ruent derrière et Denis, mon lieutenant habituellement pas très dégourdi, sort de nulle part en voiture et lui barre le chemin. Le jeune est plaqué au sol sans ménagement.

Jacques arrive le souffle court, lance son arme de travers sur son épaule, geste qu'il avait du faire tant et tant de fois. Puis me gratifiant d'un bon coup de coude dans les côtes :

- J'te l'avais dit qu'il était pas loin!

Puis, imperméable flottant au vent, il retourne vers sa voiture. Jacques venait d'exécuter un de ses derniers faits d'armes. Il prit sa retraite quelques semaines plus tard.

Ce capitaine de police était, pour tous ceux qui le connaissaient, le mentor, le phare et l'exemple à suivre. Il sera malheureusement remplacé, comme plusieurs autres, par des arrivistes et des carriéristes.

Merci Jacques, et repose-toi bien là-haut.

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