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Un flic du centre-ville dans Westmount (la suite)

Pour la période estivale, je reviens à mes premiers amours : Flic et confidences. De petites histoires de police.
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Comme je suis un peu trouble-fête, j’ai apporté un tout petit drapeau du Québec que je mets sur mon bureau quand je travaille. Ça fait suer certains officiers.
jnnault via Getty Images
Comme je suis un peu trouble-fête, j’ai apporté un tout petit drapeau du Québec que je mets sur mon bureau quand je travaille. Ça fait suer certains officiers.

Je suis en plein travail à mon bureau, quand le lieutenant de la relève précédente m'approche avec beaucoup de tact.

-J'aiméraiss avoir un petit conversassion avec vos !

-Bien sûr, pourquoi pas !

-J'ai rémarqué lé drapeu du Québéc sur votre bureau et ici nous ne faisons pas de politique.

Il faut dire que nous sommes en plein référendum et que les jeunes policiers francophones commencent à trouver pénible, les montées du drapeau cruciforme au son de God save the Queen. Alors, comme je suis un peu trouble-fête, j'ai apporté un tout petit drapeau du Québec que je mets sur mon bureau quand je travaille. Ça fait suer certains officiers.

-Ben... je ne fais pas de politique lieutenant, je fais juste remettre les choses dans leur contexte. Je suis au Québec, j'apporte un petit drapeau pour me souvenir où je suis et je vous laisse l'union Jack et l'érable rouge.

-Oui... bien soure, mais, des gens ici n'aiment pas beaucoup.

-Ils viendront me le dire.

Il faut dire que tout le monde attendait avec impatience le moment ou un officier viendrait enfin m'affronter sur le sujet.

Il faut dire que tout le monde attendait avec impatience le moment ou un officier viendrait enfin m'affronter sur le sujet. Le lieutenant retourne sans laisser paraître sa colère, ce sont des gentlemen ces officiers-là, pas comme nous les Latins. Alors on laissera trôner mon drapeau sans que personne ne vienne plus en parler. Mais par prudence, on me met dans les pattes, l'enquêteur de la relève, le détective Ross D., un homme superbe, d'une gentillesse incroyable, un pur produit de Westmount. C'est lui qui doit veiller à mon éducation. Alors tout en roulant dans le secteur, il m'instruit sur les mœurs et coutumes.

-Tu sais Claude, quand j'ai commencé ici, on devait aller dans le boisé de la montagne et avec une sac de moulée, nourrir les faisans. C'était dans nos tâches de policiers. On ne discutait pas les ordres.

Il y a comme un message dans cette phrase. Ross n'aurait jamais osé, et même aujourd'hui, discuter un ordre. C'était dans sa nature. Notre conversation est interrompue par un appel, un homme qui rapporte le viol de sa fille.

-On va y aller ensemble, ça va te donner une idée.

Nous voilà partis, c'est drôle, l'adresse me dit quelque chose. Bien oui, c'est la même maison souffrant du harcèlement par l'acheteur au camion de la Brink's.

-Il n'y a qu'eux dans cette ville?

-Je ne comprends pas Claude...

Le temps de stationner, je lui explique l'affaire en quelques mots. Nous arrivons à la porte qui cette fois s'ouvre facilement. Bien sûr, c'est la bonne qui a ouvert. La jeune femme nous fait signe d'attendre dans le vestibule.

-Monsieur ne peut pas vous recevoir tout de suite, il termine quelque chose.

-Ha oui ?

Je m'étire le cou juste assez pour voir un homme qui dans une petite pièce, lit un journal devant une tasse de café. Alors, au grand dam de mon ami Ross, je pars en direction du bonhomme et m'installe devant lui. L'homme me regarde avec surprise, pendant que Ross tout essoufflé accourt. Mais trop tard.

-Vous avez demandé la police ?

L'homme tout à fait décontenancé me dévisage comme s'il était face à un intrus sans manières.

-Heu... Oui.

-Alors, la simple politesse est de laisser tomber ce putain de journal et venir à notre rencontre. On est des flics, pas des larbins. Quand vous serez prêt, vous rappellerez.

Sur ce, je tourne les talons. Le pauvre Ross est au bord de l'apoplexie et je sais qu'il doit regretter de m'avoir permis d'entrer.

-Heu... C'est ok, je suis prêt. Désolé !

Je me retourne et attends qu'il se passe quelque chose, à mes côtés, Ross est maintenant tétanisé. L'homme finit par nous montrer une bouteille, trônant sur une petite table Louis xv.

-Voulez-vous quelque chose ?

-Oui, que vous me racontiez pourquoi vous avez appelé, c'est tout.

L'homme est probablement pour la première fois de sa vie, face à quelqu'un qui n'a rien à foutre de la fortune qu'il possède et du pouvoir qui vient avec. Alors, d'un air qui se veut encore autoritaire, il ne faut quand même pas perdre la face, il me lance :

-Ma fille sort avec un noir et hier, il a couché avec elle.

-Et, elle a quel âge, cette petite?

-Dix-huit ans.

Je le regarde avec un certain sourire. Je sais que ce qui déplait à ce bonhomme, c'est que sa fille sorte avec un noir. C'est juste et simplement ça. Il doit se faire un sang d'encre. Et si elle tombait enceinte?

-Je lui ai déjà défendu de sortir avec ma fille et là, il l'a forcé à coucher avec lui.

-Forcé? Je peux parler à votre fille?

-Elle se repose dans sa chambre... Elle ne peut pas vous parler.

Cette fois, j'en ai assez. Je regarde Ross qui ne sait plus que faire, bien sûr, il aurait été beaucoup plus diplomate que moi, mais on ne se refait pas.

-Bon... Quand elle voudra nous parler, comme elle a dix-huit ans, elle n'aura pas besoin de papa comme porte-parole. En attendant, nous on a des trucs à faire, comme travailler.

Sur ces belles paroles, je tourne les talons suivi de mon ami Ross, qui sans le laisser paraître est assez content d'être là pour avoir vu ça.

Une fois bien assis au volant de l'auto, il me lance avec un sourire non feint.

-Il ne sera pas très heureux de notre visite , Mais je vais arranger ça avec le L/D.

Je hausse les épaules d'indifférence. Je ne crois pas que je vais rester ici très longtemps. Les officiers sont probablement déjà en train de préparer mes valises.

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Avril 2018

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