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Dur d'être policier

On peut toujours critiquer le travail des policiers, quelques fois avec raison, mais qui passerait sa vie à louvoyer dans le négatif?
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Il m'arrive souvent d'être critique de mon ancien département de police, mais plusieurs personnes s'en donnent à cœur joie, dans le ''police bashing'' : Faudrait couper leurs pensions, faudrait les mettre dehors, faudrait qu'il n'y ait plus de police, ce sont des brutes, etc. Ils battent le monde dans les manifs.

Cette semaine alors que je discutais avec un voisin, il m'est revenu quelques trucs en tête. Un policier verra en moyenne plus de 200 cadavres dans sa vie. Des accidentés, des meurtres, des suicides, des morts décomposés, des femmes, des enfants, des confrères et dans mon cas, de la famille. Pour ma part, le décompte s'élève à plus de 300. Vous me direz qu'on est payé pour ça. Oui, payé, mais peut-être pas préparé. On ne vous prépare pas à marcher dans de la cervelle répandue sur la chaussée, on ne vous prépare pas non plus à regarder un corps grand ouvert du bas ventre au cou, pas plus qu'on vous prépare à regarder le saut de l'ange à partir du pont Jacques-Cartier, pour atterrir en contrebas sur la rue Tansley.

Pas de préparation non plus pour le ramassage des membres sectionnés sous des rails du métro ou de corps sans tête. Je ne parle même pas des pendus ou des gars qui se tirent au fusil de chasse. Oui, la plupart des flics voient ça plus de 200 fois dans leur vie de flic.

Juste pour en raconter une petite: En 1979 un vendredi de nuit, le propriétaire du restaurant le Louvre se fait tirer une balle qui fracasse ses lunettes, pénètre dans l'œil et ressort de l'autre côté. Mon partenaire et moi devons à la fois empêcher les témoins de partir, protéger la scène de crime, rencontrer les enquêteurs et tout ça sans piler dans le sang qui se répand. Le lendemain de nuit, on se retrouve sur la rue Panet, un jeune homme poignardé à mort, est étendu sur le plancher. Nous sommes les premiers arrivés, donc pas le temps de s'apitoyer, il faut chercher des indices tout en attendant les enquêteurs. La nuit suivante, une prostituée est retrouvée morte étouffée par son bas nylon, dans un hôtel de passe. Il faut que quelqu'un s'en occupe, ce quelqu'un c'est un flic. Préparé pour ça, pas du tout. Tu te blindes ou tu craques.

Ça, c'est une partie de l'emploi. Il y a tout aussi stressant : Se faire pointer par une arme à feu. Pigeant dans mes souvenirs, j'ai retracé facilement huit occasions ou ça m'est arrivé, les couteaux je ne les compte même pas.

On peut toujours critiquer le travail des policiers, quelques fois avec raison, mais qui passerait sa vie à louvoyer dans le négatif? Les chicanes de ménage, les bagarres d'ivrognes, les courses folles, les vidéos amateurs et les insultes. Payés oui... Préparés pas sûr. Rien ne nous prépare à ça.

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