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Des motards qui font peur

-Je regarde François avec étonnement, n'ayant pas l'air d'être Hercule. Je ne vais quand même pas me payer 50 motards à moi tout seul ?
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1974.

- Content que tu arrives de bonne heure, on a quelque chose d'urgent pour toi.

Le grand François, le sergent de relève, n'a même pas attendu que j'aille me chercher un café.

- Les gars du club 321 viennent d'appeler, ils ont une cinquantaine de motards dans la place et ils ne savent pas comment s'en débarrasser.

Je regarde François avec étonnement, n'ayant pas l'air d'être Hercule. Je ne vais quand même pas me payer 50 motards à moi tout seul ? En fait, ce n'est pas vrai. Il y a Gilles, le grand Gilles, mon partenaire. Ce grand bonhomme aurait dû faire dans la diplomatie ou le protocole, mais pour la bagarre, on repassera.

- Écoute, tu vas aller rencontrer le gérant et tu nous fais un retour là-dessus.

- Et?

- On verra!

L'idée est de gagner du temps. Si d'aventure une bagarre se prépare, François aimerait bien recevoir l'aide des postes limitrophes, mais comme c'est l'été, qu'il y a les vacances, on est au minimum partout. Puisque mon job est de rencontrer les gens de bars, François m'envoyant en éclaireur, je pourrais mieux évaluer la situation. Tout à coup que ce ne serait pas si grave!

- Le gérant parle de cinquante motards, peut être qu'il pousse un peu.

- Lucien n'est pas un peureux François, pis... S'il dit qu'il y a une grosse gang de motards, c'est qu'ils sont là.

Les gars de l'auto 4-3 arrivent en vitesse et nous confirment que sur la Catherine, il y a bien plus d'une trentaine de motos stationnées devant le club 321. François me regarde avec insistance.

- Bon, on va aller voir.

- Va pas les sortir tout seul Aubin!

Je regarde François d'un air découragé, il me prend pour un abruti ce type. Je sais bien que je ne vais pas partir une guerre, ce n'est pas mon genre. Du moins, pas si je ne peux pas la gagner. Tout à coup, il me vient une idée géniale.

- François, fais une chose pour moi. Fais passer toutes les voitures devant le club. Dis leur de faire le tour et de passer et repasser, tant que je ne serai pas sorti de la place.

On a quand même huit voitures et deux ambulances, ça risque d'impressionner. Je me dis que ça va sûrement servir. Gilles me regarde avec au coin de l'œil une petite appréhension. On verra bien si ça fonctionne...

Et nous voilà devant le chic 321. Effectivement, il y a du monde. Une fois à l'intérieur, je rencontre un Lucien vert de peur. C'est bien la première fois que je vois ce bonhomme au bord de la panique. Tous les motards devant nous ont, au minimum, une tête de plus que Gilles qui fait un mètre quatre-vingt-cinq.

Lucien, tout essoufflé, vient juste de sortir un poivrot qui allait baver les membres du groupe. L'imbécile de 50 kilos avait décidé qu'il n'aimait pas les motards.

- Criss que j'suis content que t'arrives, ou sont les autres?

- C'est nous les autres.

Lucien, dont le visage s'allonge, se voit probablement déjà à l'hôpital ou même pire. Pendant ce temps, un gros, non, un énorme bonhomme se place devant moi. Il a le haut de la tête qui touche le plafond du club. Je le pousse un peu et lui fait ce petit sourire baveux que j'aime prendre quand je décide qu'on ne me fera pas chier. Le monstre regarde ce nain qui le pousse avec un air ahuri.

- Where is your leader ?

Sans me presser, je montre négligemment ma plaque. L'autre me regarde quelques instants et me montre un homme à peine plus petit que lui. Je pousse le mastodonte et me dirige vers le chef.

Immédiatement, trois gars m'entourent. Je fais semblant de ne pas les voir. De son côté, Lucien tente de ne pas avoir l'air paniqué et Gilles s'appuie au bar, comme s'il ne me connaissait pas.

Le chef et moi, nous nous toisons, comme si on s'apprêtait à une bataille. Finalement, je me présente avec ma plaque bien en vue, on verra bien! Je lui explique le plus calmement possible que j'ai plus d'une trentaine de voitures qui attendent l'ordre d'attaque si ça se passe mal. C'est un pieux mensonge, mais il ne le sait pas.

- Va regarder dehors, tu verras un tas de voitures de police qui passent.

Effectivement, un des Américains revient avec l'information. Selon lui, des tas de flics sont tout autour, il en voit partout. Les gars font du beau boulot, ce qui fait réfléchir le chef. Pendant ce temps, un des motards un peu ivres tente de s'en prendre à Gilles. Sans réfléchir une seule seconde, je passe en mode attaque et je repousse le monstre d'un coup de coude bien appuyé.

- Don't you ever touch my partner, man !

Le monstre me dévisage avec colère. Nous sommes sur le fil de la lame. Cette fois, tout peut arriver. Le chef, lui, fait signe de ne pas bouger. Par chance, car là, j'aurais dû faire un carnage. Gilles, qui est toujours aussi doux, tente avec des gestes apaisants de minimiser l'affaire.

- Ta gueule Gilles.

Le chef vient me retrouver et m'assure qu'ils vont partir immédiatement. Je n'en crois pas mes oreilles. Hé bien oui, tout ce beau monde se lève lentement pour reprendre les motos et la route. J'en suis sur le cul.

Plus tard dans la nuit, ces mêmes bonshommes livreront une bagarre monstre dans le nord de la ville avec une bande rivale. Il y aura des dizaines d'arrestations, des blessés par balle et par couteaux. Ceux qui ne seront pas en cellules se feront expulser vers les É-U.

Comme quoi, j'ai été béni des dieux.

C'était ça aussi la police.

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