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La difficile approche des agressions sexuelles

L'agression durera quelques heures, la jeune femme se faisant uriner dessus et bien pire. «Je suis un bol de toilette», voilà ce qu'elle finira par me dire à la fin de son récit.
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Nous sommes en 2016, des jeunes femmes sont toujours victimes d'agressions sexuelles. Nous avons tous eu vent récemment des agressions à l'Université Laval. Des allégations concernant Gerry Sklavounos. Des initiations un peu trop explicites sur les campus. Des étudiants en dentisterie en Nouvelle-Écosse. Des problèmes à l'université d'Ottawa. Nous parlons tout de même ici de nos futures élites et il se trouve encore un gars pour dire: «Elle l'a bien cherché».

Dans ma carrière de flic, comme policier en uniforme ou comme enquêteur, j'ai été confronté à la dure réalité des agressions sexuelles et des préjugés de la part de confrères, de parents d'accusés, tout autant que du système judiciaire. Pour les parents et conjoints d'accusés, je peux comprendre, sans la cautionner, l'attitude de ceux-ci. Mais policiers, avocats et magistrats, rien n'est moins sûr.

Je me souviens d'un cas en particulier. Une jeune femme abordée sur une terrasse de la rue Saint-Denis par un jeune homme tout à fait correct. Il était bel homme, poli, prévenant. Il raconta la mort de son père, la peine qu'il éprouvait, la fortune qu'il lui laissait. Vers la fin de la soirée, le couple s'était entendu pour prendre un denier verre et comme le jeune homme avait un peu bu, il prétendit ne pas vouloir conduire la rutilante Lincoln blanche située plus loin. Quel garçon responsable! En chemin, il lui montra un building faisant partie du legs, mais, comme tout était en rénovation, ils se rendirent au sous-sol d'un logement miteux. La jeune femme, comprenant que quelque chose clochait, voulut partir, mais l'autre était maintenant nu comme un ver. L'agression durera quelques heures, la jeune femme se faisant uriner dessus et bien pire. «Je suis un bol de toilette», voilà ce qu'elle finira par me dire à la fin de son récit.

Des phrases de juges comme : «Vous étiez un peu consentante»; «Je ne peux pas prendre de décision, votre employeur dit que c'est vous qui le harceliez».

Au procès, un juge lui dira : «Vous pensiez qu'il était riche et maintenant vous vous vengez». Oui, ceci sortait de la bouche d'un magistrat, un homme impartial décidant de ce qui va changer votre vie. J'avais pris quelques mois pour rebâtir une confiance avec la jeune femme et lui, dans une phrase assassine, il rasait sans même sourciller le peu d'estime qu'elle avait d'elle-même.

Une jeune Philippine étudiante à Concordia fut agressée par un étudiant bosniaque. Celui-ci s'enfuit quelques mois pour revenir avec femme et enfant. Le juge conclut donc à sa bonne foi de sa part. Selon lui, la faute incombait en partie à la jeune étudiante qui n'avait pas été assez claire dans son refus. Cette jeune femme m'avait fait confiance et je sentais l'avoir déçue.

Vous croyez à des cas isolés? Détrompez-vous. Je pourrais vous raconter des histoires aussi tristes, car des causes d'agressions j'en ai eu mon lot. Des phrases de juges comme : «Vous étiez un peu consentante»; «Je ne peux pas prendre de décision, votre employeur dit que c'est vous qui le harceliez». Par un enquêteur : «Ben... tu vois, t'as juste à t'habiller correctement». Par un avocat de la défense: «Le gars s'est poussé en Colombie, il ne reviendra pas, tes plaignantes vont avoir la paix». J'ai même eu droit l'an passé à la mère d'un pédophile disant aux journalistes «Il ne les a pas violés, il a juste pris des photos.»

Quand il faut mettre des gardiens de sécurité dans les dortoirs des universités et que les recteurs pensent à la réputation de l'établissement avant la vérité. Quand la GRC doit payer des millions de dollars pour des causes à caractère sexuel. Quand l'armée doit elle aussi faire enquête dans ses rangs. Je ne suis pas sûr que nous avons évolué tant que ça. Pensons à l'affaire Aubut, tout le monde savait depuis des lustres, pourtant...

Notre monde «Net», érotisant les jeunes filles et désensibilisant les garçons, y joue maintenant aussi un rôle important. Qui, parmi les jeunes, ne suit pas la famille Kardashian? Ou qui ne voit pas les stars de la chanson à demi- nues. Comment les plus jeunes peuvent-ils concevoir les relations amoureuses autrement que par le sexe, même sans un consentement explicite. Comme me le disait un jeune agresseur : «Elle aimait ça». Bien sûr, boisson, GHB ou ecstasy aidant, tout le monde est consentant. Mais il y a un après.

Et si c'était notre sœur, notre fille, notre nièce, aurions-nous les mêmes réactions?

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