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En alliant durant toute sa vie publique humilité et envergure, Jacques Parizeau nous aura, collectivement, rendus meilleurs.
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Ces temps-ci, il est de bon ton dans certains milieux «bobos» de questionner son propre rapport à l'idée d'indépendance du Québec pour en venir grosso-modo à la conclusion que «vous savez, moi, Madame, je suis un citoyen du monde et je ne vois pas pourquoi il faudrait s'embarrasser de nouvelles frontières».

Puis, ajoutent ces poseurs du dimanche en ne se rendant pas compte de leur précieuse ridiculité: «Et, après tout, qu'ai-je à voir, moi, avec les ploucs de St-Ceci ou les demeurés de St-Cela?»

Ce sont les mêmes qui partageaient sur les réseaux sociaux les extraits loufoques du couple Pineau-Caron pendant le débat sur la Charte de la laïcité pour bien faire comprendre qu'eux, ils ne font partie de cette engeance.

Parfois, à peine plus subtils, ils écrivent des statuts sur Facebook affirmant: «Au Québec, on ne peut jamais dire ceci ou penser cela.»

Façon plutôt prétentieuse de s'autoproclamer hors de la masse en ramenant toujours en avant leur propension à l'autodénigrement du collectif. Mais en agitant ainsi leur frilosité, ces personnes nous prouvent qu'elles ne connaissent rien du monde.

Car, voyez-vous, il y a des «beaufs» en France, en Allemagne, à Alger et à Dublin.

Partout sur la planète, des gens regardent des téléromans ringards adaptés à la sauce du pays et, partout, on applaudit des chanteuses à paillettes et des «mononcles» sur le retour.

Puis, il y a l'élite...

Les gens qui la composent, cette élite - je ne parle pas des nouveaux riches mais de ceux qui en sont issu -, connaissent généralement le raffinement, la culture et les codes sociaux inhérents au fric.

Ils et elles ont fréquenté les grandes écoles et se transmettent de génération en génération leur petite cuillère argentée, en se tenant toujours très près des cénacles du pouvoir, ce privilège qu'ils ne remettent généralement jamais en question.

Jacques Parizeau appartenait à cette élite. Et il était pourvu d'une intelligence de haut vol. Comme bien d'autres (je pense à Pierre Elliot Trudeau, par exemple, et ses descendants qui s'ignorent), il aurait pu regarder de haut ce «petit peuple».

Il aurait pu choisir son confort particulier, la vie de grand luxe, les voyages en jet et les croisières en paquebot de l'amicale néolibérale.

Mais, sous ses apparences bourgeoises, incarnées par ses complets trois pièces, «Monsieur» était un véritable social-démocrate dans l'âme.

Empathique, il avait à cœur les intérêts des gens et refusait de faire le jeu des agitateurs de spectres qui, tel le bonhomme Sept Heures, nous brandissent encore et toujours la menace de la dette publique pour mieux justifier leur politique de privatisation du profit et de collectivisation des coûts.

Jacques Parizeau n'a jamais voulu jouer dans ce film-là. Doctorat de la London School of Economics en poche, il a renoncé à une vie de magnat de la finance internationale au nom d'une envergure qu'il souhaitait, consciemment ou non, partager avec le plus grand nombre.

Jamais il n'a regardé les gens d'en haut et, tout au long de sa vie de haut fonctionnaire ou d'homme politique, il a tenté, consciemment ou non, de nous aspirer vers lui, vers cette envergure qui s'incarne aussi par l'affranchissement et l'autodétermination de soi-même.

Façon sans doute - bien au-delà des intérêts de classe, puisqu'il avait en quelque sorte trahie la sienne, la petite bourgeoisie - de nous extirper avec ses compagnons de route d'un sempiternel complexe de colonisé.

Il n'y a qu'un endroit au monde que vous pouvez appeler «chez-moi», disait-il, bien loin de ces poseurs qui prétendent aujourd'hui comme hier défendre le peuple ou parler en son nom mais qui, au fond, le méprisent et nous parlent d'internationalisme pour s'en cacher.

Ce mot, internationalisme, Jacques Parizeau en était lui-même une des plus belles incarnations et cela jusque dans son accent british lorsqu'il parlait dans la langue de John Maynard Keynes, son mentor économiste.

Au-delà du style imagé, (ah! cette superbe formule qu'était l'«autopelurdebananisation»!), de la finesse de la répartie et de la gymnastique des chiffres, Parizeau savait que pour véritablement s'ouvrir à l'international, «il faut partir du particulier», comme l'analysait déjà le grand sociologue Fernand Dumont.

Jacques Parizeau savait cela.

Et en alliant durant toute sa vie publique humilité et envergure il nous aura, collectivement, rendus meilleurs.

Puisse un jour cette nation s'élever enfin à la hauteur de «Monsieur».

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