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Les supercondensateurs, révolutionnaires pour le stockage de l'énergie?

La question de l'énergie constitue aujourd'hui un enjeu économique et sociétal majeur. La diminution des réserves en énergie fossile et les problèmes posés par l'utilisation de l'énergie nucléaire obligent à rechercher de nouvelles sources d'énergie.
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Ce billet est publié dans le cadre de l'opération Têtes Chercheuses, qui permet à des étudiants ou chercheurs de grandes écoles, d'universités ou de centres de recherche partenaires de promouvoir des projets innovants en les rendant accessibles, et ainsi participer au débat public.

La question de l'énergie constitue aujourd'hui un enjeu économique et sociétal majeur. La diminution des réserves en énergie fossile et les problèmes posés par l'utilisation de l'énergie nucléaire obligent à rechercher de nouvelles sources d'énergie. La transition énergétique se tourne en particulier vers les énergies renouvelables: océans, solaire, éolien, géothermie, biomasse, hydraulique.

Le problème majeur de ces énergies est leur disponibilité inégale à la surface de la Terre et dans le temps. Pour assurer le développement de leur utilisation, il est donc nécessaire de bien maîtriser le stockage de l'énergie. Pour cela, différents systèmes ont déjà été mis au point: par exemple, le stockage de type mécanique avec le déplacement de grandes masses d'eau en altitude; ou le stockage de type chimique, avec principalement les batteries et les supercondensateurs. Les systèmes de stockage chimique présentent l'avantage d'avoir des rendements proches de 100%. Dans ma thèse, je m'intéresse à un système de stockage de type électrochimique, le supercondensateur.

Les batteries sont davantage connues que les supercondensateurs. En effet, à l'heure actuelle, bien que coûteuses, elles sont plus performantes et peuvent stocker une grande quantité d'énergie. Cependant, leur durée de vie est très limitée: un millier de cycles environ, c'est-à-dire trois ans pour une batterie de téléphone portable. De plus, leur puissance est faible: leur vitesse de charge (et de décharge) est très lente (plusieurs heures sont nécessaires afin de charger un téléphone portable) [1].

Les supercondensateurs présentent l'avantage d'avoir une durée de vie bien plus importante que celle des batteries (plusieurs millions de cycles) et d'être bien plus puissants (temps de charge de quelques secondes uniquement). Ces deux propriétés découlent du fait que les supercondensateurs ne mettent pas en jeu de réaction chimique pour stocker l'énergie, contrairement aux batteries. Le problème à résoudre aujourd'hui est celui de la quantité d'énergie que les supercondensateurs sont capables de stocker, encore trop faible. Les recherches actuelles sont tournées vers l'amélioration de cette caractéristique.

Pour l'instant, le supercondensateur n'est pas apte à remplacer la batterie ; les deux systèmes sont complémentaires. Les batteries peuvent être utilisées pour des applications qui demandent beaucoup d'énergie et peu de puissance et l'inverse pour les supercondensateurs. Ceux-ci sont déjà utilisés à l'échelle industrielle dans le domaine des transports: voitures, tramway, bus, camions-poubelle. Lors du freinage, l'excès d'énergie est stocké par le supercondensateur (étape de charge) qui le redélivre au démarrage (étape de décharge). Cela permet une importante réduction de la consommation d'énergie (de 15 à 20%).

L'amélioration de la performance des supercondensateurs est conditionnée par la compréhension de leur fonctionnement. Un supercondensateur est un système principalement constitué d'un électrolyte liquide entouré de deux électrodes. Un électrolyte liquide contient des molécules chargées et mobiles. Les électrodes sont des matériaux solides constitués d'un assemblage d'atomes de carbone organisés en nid d'abeille. Elles ressemblent à des éponges dont les trous sont appelés pores. Le stockage de l'énergie se fait par l'entrée des molécules chargées de l'électrolyte dans les pores des électrodes de carbone. Dans un premier temps, les chercheurs pensaient que les pores des électrodes devaient être de taille supérieure à celle des molécules chargées, afin de ne pas gêner leur transport. On pensait que si les pores étaient grands, un nombre important de molécules chargées allaient y entrer pour être en contact avec les atomes de carbone.

En 2006, deux équipes réalisant des expériences sur les supercondensateurs (celle de Patrice Simon de l'Université de Toulouse en collaboration avec celle de Yury Gogotsi de l'Université de Drexel aux États-Unis) ont fait une observation à l'origine d'une petite révolution dans le monde des supercondensateurs. Contre toute attente, dans les électrodes comportant de tout petits pores - c'est-à-dire de taille inférieure à 1 nanomètre, taille comparable à la taille des molécules chargées de l'électrolyte - le stockage de l'énergie est quand même possible. Il est même bien plus efficace que dans les électrodes à grands pores ! En effet, la capacité (dans le sens électrique du terme) des électrodes à petits pores est supérieure de plus de 100% à la capacité des électrodes à grands pores. La découverte a été publiée dans la célèbre revue Science [2].

Il s'agissait dès lors de comprendre ce phénomène. En 2006, les expériences ont été réalisées en laboratoire sur des systèmes réels, à l'échelle dite macroscopique. Bien souvent, afin de comprendre les phénomènes de l'échelle macroscopique, il est nécessaire de comprendre les phénomènes à l'échelle microscopique, c'est-à-dire l'échelle moléculaire. Ces phénomènes sont impossibles d'accès à l'oeil nu. Une des techniques d'investigation de l'échelle moléculaire est la simulation numérique: la réalité est modélisée à l'aide d'ordinateurs. C'est pourquoi l'expérimentateur Patrice Simon a décidé d'entamer une collaboration avec des scientifiques de l'UPMC, Mathieu Salanne et Benjamin Rotenberg, mes encadrants sur ce projet doctoral de modélisation des supercondensateurs.

Le modèle pour l'ordinateur de supercondensateur aux petits pores est constitué d'un électrolyte liquide entouré de deux électrodes de carbone [3]. C'est un modèle simplifié qui ne prend en compte que les éléments qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du supercondensateur. Chaque molécule de l'électrode ou de l'électrolyte est représentée par ses coordonnées x, y et z dans l'espace à trois dimensions. Des forces d'interaction sont définies entre les différentes molécules en fonction de leur taille et de leur charge. L'application des équations du mouvement de Newton permet d'obtenir, en fonction des forces d'interaction, des trajectoires pour les molécules mobiles de l'électrolyte, représentatives de la charge et de la décharge des supercondensateurs.

Pour produire ces trajectoires, ce sont des ordinateurs bien particuliers qui effectuent les calculs des équations du mouvement. Les supercondensateurs simulés sont composés d'environ 10 000 atomes. Ce nombre est gigantesque pour être géré par des ordinateurs classiques. Pour réaliser cette thèse, un supercalculateur a donc été utilisé. C'est un ordinateur de taille très importante, comportant un très grand nombre de processeurs reliés entre eux. Nos calculs ont duré 16 millions d'heures ! Si nous les avions réalisés sur un ordinateur composé d'un seul processeur, il nous aurait fallu attendre un peu plus de 18 siècles avant d'examiner les résultats...

Nous avons montré que les supercondensateurs que nous simulons ont un comportement tout à fait similaire aux supercondensateurs réels, beaucoup plus grands (100 micromètres d'épaisseur contre 4 nanomètres pour les supercondensateurs simulés). Notre modèle est donc fiable pour expliquer les résultats expérimentaux [4].

Au final, en simulant les comportements de supercondensateurs dont les électrodes ont des pores plus ou moins grands, nous étudions les différentes trajectoires des espèces mobiles. Nous pouvons définir dans quel cas le stockage de charge est le plus rapide et le plus efficace. Des pores de petite taille permettent d'obtenir de grande capacité, car la séparation des molécules chargées de l'électrolyte y est optimale [5]. En revanche, des pores vraiment trop petits empêchent aux ions d'accéder aux électrodes. Pour chaque type de molécule de l'électrolyte choisi, il y a une taille optimale de pore correspondante. Nous pouvons donc tirer des conclusions sur la relation entre les caractéristiques des systèmes et leur performance et proposer des structures optimisées d'électrodes aux expérimentateurs [6].

A l'heure actuelle, ces supercondensateurs aux petits pores ne sont pas encore utilisés à l'échelle industrielle, car ils sont très coûteux. La start-up américaine Y-carbon les produit à échelle réduite, pour les besoins de la recherche fondamentale. Quand toutes leurs caractéristiques seront maîtrisées, il est certain que des entreprises investiront dans cette technologie extrêmement prometteuse. Libre à nous d'imaginer alors comment serait le monde dans quelques années s'ils étaient partout. Nous ne serions pas réveillés à l'aube par des camions poubelles devenus silencieux, nous rechargerions nos téléphones en quelques secondes avant d'aller au travail en transport en commun écologique fonctionnant exclusivement aux supercondensateurs!"

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Une électrode de carbone (bleu clair). La taille de pore moyenne pour cette électrode est de 0.9 nm, ce qui correspond à une taille de pore moyenne optimale pour un grand nombre d'électrolytes. Cependant, si l'on observe l'électrode plus en détail, tous les pores ne sont pas tous de la même taille. Les sites colorés indiquent les sites sur lesquels les espèces chargées de l'électrolyte peuvent venir se positionner pour le stockage de l'énergie. De gauche à droite, les pores de plus en plus petits sont mis en évidence.

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[1] J. R. Miller et P. Simon: Electrochemical Capacitors for Energy Management. Science, 321:651-652, 2008

[2] J. Chmiola, G. Yushin, Y. Gogotsi, C. Portet, P. Simon et P.-L. Taberna: Anomalous increase in carbon capacitance at pore sizes less than 1 nanometer. Science, 313:1760- 1763, 2006

[3] C. Merlet, B. Rotenberg, P. A. Madden, P.-L. Taberna, P. Simon, Y. Gogotsi et M. Salanne: On the molecular origin of supercapacitance in nanoporous carbon electrodes. Nature Materials, 11:306-310, 2012

[4] C. Péan, C. Merlet, B. Rotenberg, P. A. Madden, P.-L. Taberna, B. Daffos, M. Salanne et P. Simon: On the Dynamics of Charging in Nanoporous Carbon-Based Supercapacitors, ACS Nano, 8:1576-1583, 2014

[5] C. Merlet, C. Pean, B. Rotenberg, P. A. Madden, B. Daffos, P.-L. Taberna, P. Simon et M. Salanne: Highly confined ions store charge more efficiently in supercapacitors, Nature Communications, 4 :2701, 2013

[6] C. Péan, B. Daffos, C. Merlet, B. Rotenberg, P.-L. Taberna, P. Simon et M. Salanne: Single electrode capacitances of porous carbons in neat ionic liquid electrolyte at 100 ̊C: a combined experimental and modeling approach, Journal of the Electrochemical Society, 162:A5091-A5095, 2015

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L'UPMC est le plus grand complexe scientifique et médical universitaire français: 8200 chercheurs; 32 000 étudiants et 120 laboratoires. Toutes les grandes disciplines scientifiques et médicales y sont enseignées.

La Sorbonne et le climat

2000 enseignants-chercheurs, chercheurs, doctorants, et ingénieurs travaillent dans le domaine de l'environnement et du climat à Sorbonne Universités. Destinée au grand public comme aux scientifiques, Demain le climat est une plateforme qui témoigne de l'engagement citoyen et scientifique de l'UPMC et Sorbonne Universités. Créé en mai 2015 pour tout comprendre sur le climat en quelques clics, le site rassemble tous les événements, publications et débats organisés par SU. La plateforme présente aussi des portraits et des recherches de scientifiques travaillant sur le climat. SU et l'UPMC préparent ainsi à leur manière la COP21.

Le sondeur IASI surveille aussi bien les pics de pollution au-dessus de l'Île-de-France que les panaches de gaz qui s'échappent de Chine, les grands feux estivaux ou les émissions d'ammoniac associées à l'agriculture intensive. Et c'est en partie grâce à Cathy Clerbaux, directrice de recherche CNRS. Avec son équipe elle a mis au point les outils indispensables pour déduire les concentrations en gaz et particules à partir des mesures infrarouges effectuées depuis l'espace. On connaît ainsi deux fois par jour en tout point du globe la concentration d'une vingtaine de composés atmosphériques.

Au sein du pôle de modélisation du climat de l'Institut Pierre-Simon Laplace, Sébastien Denvil dirige l'équipe Prodiguer. Il est également Ingénieur en développement et déploiement d'applications. Son rôle: gérer et distribuer les résultats des modèles de climat au sein de l'infrastructure ESGF (Earth system grid federation), qui accueille la plus grande base de données de modélisation du climat au monde et les met à disposition des chercheurs de tous pays. Au quotidien, il décide des contraintes auxquelles doivent répondre les données pour être incluses dans l'infrastructure, mais aussi des développements de logiciels et des ordres de priorité pour traiter les données.

La modélisation du climat engendre d'énormes quantités de données, qu'il faut mettre à la disposition de la communauté scientifique française et internationale pour une recherche efficace. C'est là qu'intervient Nicolas Carenton-Madiec, Ingénieur en développement et déploiement d'applications CNRS. Il assure l'infrastructure logicielle permettant l'accès, le partage et la distribution des données issues des modèles de climat au sein de l'Institut Pierre-Simon Laplace fédérant six laboratoires. Il ne se contente pas d'entretenir ces logiciels, mais conçoit de nouveaux outils pour améliorer ce partage.

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