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11 ans de la vie d'une femme française en Arabie Saoudite

Je suis une femme, mère et journaliste, et je vis depuis onze ans à Riyad en Arabie Saoudite. J'ai atterri dans ce royaume où les femmes ne sont même pas «Reines». J'ai dû mettre le «voile» sur mes principes, acquis de longue lutte par nos grands-mères et mères dans mon pays d'origine, la France.
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Je suis une femme, mère et journaliste, et je vis depuis onze ans à Riyad en Arabie Saoudite. J'ai atterri dans ce royaume où les femmes ne sont même pas "Reines". C'est pour des raisons de mutation professionnelle que je me suis retrouvée dans ce pays austère à suivre mon mari. Pas vraiment le choix! C'était partir ou être au chômage. Vous connaissez le dicton: "Entre deux maux, on choisit le moindre".

De plus, en 2005, mes enfants étaient petits. Devoir de mère oblige! J'ai par conséquent mis entre parenthèses mon activité journalistique. J'avoue que j'ai beaucoup hésité avant d'opter pour cette destination. J'avais lu, je m'étais documentée sur la vie des femmes en Arabie Saoudite, je n'y voyais aucun attrait, aucun intérêt. Mes amis les plus proches me dissuadaient de prendre une telle décision. Me connaissant, ils estimaient que je m'embarquais dans une aventure risquée et aliénante; moi, Française, libre de penser de m'exprimer et de me vêtir...

Femme, journaliste, double peine!

Il faut savoir qu'il y a onze ans, les Saoudiennes, mais aussi les femmes occidentales n'étaient pas légion à travailler. Elles occupaient des postes subalternes, essentiellement dans les domaines de l'enseignement et du médical. Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus actives dans cette société corsetée et patriarcale. Malgré les contraintes, les règles chariatiques imposées, d'aucunes essaient de vivre ou survivre. Elles avancent à leur rythme, à pas comptés, mais elles avancent dans ce que je nommerais "une marche silencieuse".

"Les Saoudiennes revendiquent actuellement sur les réseaux sociaux le droit de se débarrasser du droit du tutorat masculin. Elles avancent à leur rythme, à pas comptés, mais elles avancent dans ce que je nommerais "une marche silencieuse.""

Dans ce contexte hostile à la femme, j'ai dû mettre le "voile" sur mes principes, acquis de longue lutte par nos grands-mères et mères dans mon pays d'origine, la France. Accepter d'être inféodée à mon mari, mon "tuteur". Je n'ai en effet aucune existence légale, à l'instar des Saoudiennes qui revendiquent actuellement sur les réseaux sociaux le droit de se débarrasser du droit du tutorat masculin.

Accepter de ne pas conduire, de rester sagement assise sur la banquette arrière du véhicule. À regarder défiler derrière la vitre fumée le paysage d'une ville, Riyad, en perpétuelle construction. Obligée de faire appel aux sociétés de chauffeurs privés. Onéreux et contraignant.

Je me souviendrai longtemps de notre arrestation avec mon amie Madeha (militante pour le droit des femmes de conduire) et de ces quatre longues heures passées au poste de police à "Olaya". Nous avons été interrogées telles des délinquantes. Notre crime? Madeha conduisait pendant que je l'interviewais pour mon documentaire de 52 minutes "Arabie Saoudite, paroles de femmes". Bref, l'enfer! Cet épisode douloureux, je le raconte dans mon livre "Révolution sous le voile", aux éditions First.

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J'ai dû aussi accepter de porter l'abaya en public. Cette robe longue, noire et austère, que je me permets d'agrémenter d'un collier ou d'une étole colorée; une façon de préserver sinon un peu de féminité du moins un peu d'élégance. À défaut de porter le voile, je porte un chapeau. C'est la seule entorse à la tenue vestimentaire que je m'autorise. Sans doute parce que j'ai la tête couverte. Je n'ai, en revanche, jamais fait l'objet de réflexion désobligeante de la part de Saoudiens ou Saoudiennes concernant mon couvre-chef.

Finies les discussions avec des amis, des hommes à la terrasse d'un café. Interdiction de se retrouver seule avec un autre homme que son mari. Au début, lors des premiers mois, j'ai eu l'occasion d'interviewer des hommes pour des reportages radio ou télévisés, transgressant involontairement la règle de la non-mixité. J'oubliais tout simplement que c'était interdit. J'ai compris quelques années après que j'avais pris un risque inconsidéré. Un ami Saoudien m'a expliqué que j'aurais pu être arrêtée par la Mottawa, ou police religieuse, et être considérée comme une prostituée, et l'homme interviewé, un proxénète. Sanctions? Direction case prison et expulsion du pays. Cela a beau faire sourire mes amis aujourd'hui, il n'empêche que sur le moment, ce n'était pas très drôle!

"Finies les discussions avec des amis, des hommes à la terrasse d'un café. Interdiction de se retrouver seule avec un autre homme que son mari."

Pas question non plus de me baigner en maillot deux pièces à la mer. Expérience vécue près de Dammam, à l'est du royaume; le gardien de la plage s'est adressé à mon mari (ici on ne s'adresse jamais directement à la femme, considérée comme une mineure) pour lui signifier ma tenue indécente. J'ai dû obtempérer et me rhabiller sans éclat de voix. J'étais, ce jour-là, atteinte dans ma dignité, mais je me devais de respecter le règlement.

"Pas question de me baigner en maillot deux pièces à la mer. Expérience vécue; le gardien de la plage s'est adressé à mon mari (ici on ne s'adresse jamais directement à la femme, considérée comme une mineure) pour lui signifier ma tenue indécente."

La liste des vexations essuyées ces dernières années est longue. Sachant qu'au royaume des mille et une interdictions et contraintes, une femme, étrangère de surcroît, se doit de respecter les us et coutumes.

Un exemple d'illustration de la différence entre la tenue portée en privé...

...et la tenue portée en public:

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