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L'hypocondrie: à qui la faute!

On me dit que je suis hypocondriaque. Si c'est vrai alors j'accuse les médias, la société, les pouvoirs publics et les laboratoires pharmaceutiques de me maintenir la tête sous l'eau.
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beautiful woman suffering from...
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Le Coronavirus m'attend. Je le sais, je le sens. C'est une question de jours, peut-être de semaines, mais la chose est entendue : la pandémie me réclame et je vais finir en titre dans les JT du soir.

Le cancer, j'ai eu. Le sida, j'ai connu. Parkinson m'a fait trembler, la mucoviscidose m'a étouffé, Alzheimer m'a vidé et la méningite m'a foudroyé. Non, je ne suis pas un défi lancé à la médecine moderne et "Man of steel" c'est Superman, pas moi. On me dit que je suis hypocondriaque, un malade imaginaire, de ceux qui encombrent les urgences et grèvent le budget de la Sécu. Si c'est vrai alors j'accuse les médias, la société, les pouvoirs publics et les laboratoires pharmaceutiques de me maintenir la tête sous l'eau.

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Les médias parce qu'en quelques années la santé est passée du 12e rang des rubriques des JT à la 4e. Entre 1996 et 2001, près de 1400 sujets ont été consacrés à la vache folle sur les chaînes principales. Rien qu'en 2009, la grippe H1N1 a eu droit à plus de 700 reportages. Les journalistes sont payés du salaire de la peur, la télé me deale ma dose d'angoisse journalière pour m'empêcher de décrocher.

Je mets aussi la société sur le banc des accusés. Entre le CO2 qui pollue l'atmosphère de nos villes et les pesticides qui empoisonnent celle de nos campagnes, où reprendre son souffle ? L'air est vicié et l'eau contient des nitrates. Le revêtement anti adhésif des poêles peut rendre stérile, il y a du BHA dans les chewing-gums et de l'aluminium dans les déodorants. "Ton alimentation sera ta meilleure médecine" disait Hippocrate. Il ne connaissait pas l'huile de palme ou de coprah, les exhausteurs de goût et autres agents de synthèse, dont nous gavent les industriels du secteur quand ils n'essaient pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, c'est-à-dire du cheval pour du bœuf. Passons sur les matières grasses hydrogénées qui font ressembler nos artères au tunnel de Fourvière un 31 juillet.

Que font les pouvoirs publics pendant que nos organismes fragiles sont livrés en pâture aux puissances de l'argent ? Rien ou si peu. Ils nous recommandent de manger 5 fruits et légumes par jour, nous voilà sauvés ! Peu importe qu'une pomme ayant reçu en moyenne 27 traitements phytosanitaires successifs soit une grenade dégoupillée au milieu de la supérette. Quant aux campagnes de vaccination lancées en grandes pompes - voir le calamiteux exemple de la grippe A, elles encouragent la psychose collective - et ma névrose personnelle - avant de faire pschiiiiiit.

Médicament, mon ami. A toi non plus je ne peux plus faire confiance. De faux sachets d'aspirine sont en vente sur internet, les diurétiques nous envoient ad patres et le Médiator a tué plus de gens que Francis Heaulme et Guy Georges réunis. En cause, les laboratoires pharmaceutiques qui oeuvrent dans l'ombre, au mieux de leurs intérêts et au détriment des nôtres. Ils lancent des hordes de visiteurs médicaux à l'assaut des hôpitaux et de la médecine de ville. Leur mission : hypnotiser les généralistes pour que neuf consultations sur dix se terminent par une ordonnance - pour fabriquer le papier des miennes, on a probablement abattu plus d'arbres que ne l'a fait la tempête de 1999. Les labos, encore eux, inventent des maladies, modifient les normes - cholestérol, tension artérielle ou glycémie - pour transformer des bien-portants en malades. Certains médicaments sont présentés comme des nouveautés alors qu'ils ne sont que des copies, d'autres sont retirés du marché, faute de rentabilité, alors qu'ils sont efficaces. Ah les bandits, qui engrangent des profits colossaux pendant que dans mon corps s'entrechoquent gélules, comprimés et pilules.

Comment garder sa raison dans pareil environnement ? Comment échapper au burn out ? Il ne se passe pas un jour sans qu'une nouvelle mine ne nous explose sous les pieds. L'hypocondrie a de beaux jours devant elle, elle va se répandre dans nos contrées comme une épidémie, se propager comme une maladie contagieuse. Chaque soir, après le 20H, de nouvelles recrues viennent grossir nos rangs, les yeux écarquillés et la mine affolée. Les futurs leaders d'opinion ne s'appellent pas Marine Le Pen ni Mark Zuckerberg mais Michel Drucker et Woody Allen. Nous voulions être heureux. Raté, nous serons peureux.

Christophe Ruaults est l'auteur de "Confession d'un hypocondriaque" (Michalon)

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