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La saga de la Résidence de Londres

21 Novembre 2012. Alors au cabinet du ministre des Relations internationales, je recevais une note de la direction de l'administration recommandant la vente de la Résidence de Londres.
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21 Novembre 2012. Alors au cabinet du ministre des Relations internationales, je recevais une note de la direction de l'administration recommandant la vente de la Résidence de Londres. La note datait de l'époque de Mme Monique Gagnon-Tremblay, et avait été validée par le précédent gouvernement. Fait rare, la note avait d'abord été remise au ministre. Ce dernier, n'ayant aucune raison de douter de l'exactitude de l'information transmise par ses fonctionnaires, y trouva une solution « toute prête» pour répondre aux compressions de près de 20 millions $ exigées par le Trésor. Le jour même, il annonçait la vente de la Résidence à Londres. Ébahi, je le regardais, à la caméra, reprendre les arguments de la note évoquant la « distance entre la résidence et les bureaux» et son caractère « excentré de Londres» ce qui nuisait, supposément, à la tenue de diners et de réceptions. Il était dans son rôle... seulement il avait été résolument mal informé.

Fait ayant échappé à l'administration, je connaissais parfaitement les spécificités de la résidence pour y avoir vécu 5 ans, alors que je suivais mon père, délégué général de 1995-2000. Ainsi, il ne fallut que quelques minutes pour démonter l'argumentaire farfelu contenu dans cette note :

Loin de la Délégation, dites-vous ? La résidence est à 6 km, soit environ 13-25 minutes en voiture selon le trafic. Excentrée, dites-vous ? Elle est également à 6 km du Palais de Buckingham, du 10 Downing Street ou encore du Foreign Office. De fait, elle est en plein centre de Londres dans le quartier de Kensington & Chelsea. La distance nuirait à la tenue de diners et de réceptions, dites-vous ? On compte au moins vingt résidences d'ambassadeurs à moins de 2km (sur la très sélecte Kensington Palace Gardens), dont celles de France, de Russie, d'Inde, du Japon, de la Norvège et de la Finlande. À cela s'ajoute un nombre important d'ambassades, toujours dans le même quartier. Je ne les entends pas se plaindre de l'achalandage. Alors on rétorque en me présentant un tableau qui indique le nombre d'événements organisés à Londres versus Paris (qui compte trois fois le budget de fonctionnement et le personnel). La blague. Revenez me voir avec les chiffres de 1995-2000, vous verrez que l'adresse n'est pas le problème.

Encore plus inaptes furent les scénarios de relocalisation. Nous avons trouvé une résidence mieux située et pour moins cher, claironne-t-on. Ah bon ? Vérifications faites, ce n'était pas le cas. Et que diriez-vous d'un appartement comme à New York, mais dans Mayfair ? C'est le même prix ou presque, sur ce on passe à un deux pièces. Absurde, d'autant que contrairement à Paris et à New York, les Anglais ne pratiquent pas la « diplomatie d'appartements ». Sur cette question les experts sont unanimes: pour compter à Londres, il faut une adresse. Sans surprise... aucun des scénarios ne fut retenu. La première ministre, lors de sa mission à Londres fut à même d'apprécier « The reality of things » - et mis définitivement un terme à cette histoire.

Au demeurant, le fonctionnaire responsable de cette note, le même, je soupçonne, qui fut à l'origine d'une autre note recommandant de louer pour 10 ans la moitié du rez-de-chaussée de la Délégation générale de Londres à un magasin de kodaks - ne fut pas écarté, bien au contraire. Le présent gouvernement lui donna même une promotion à la Francophonie.

Cette anecdote est d'actualité. En effet, la ministre Christine St-Pierre annonçait le 19 mars dernier un Repositionnement du réseau du Québec à l'étranger, intitulé : être aux bons endroits, au bon moment. Au-delà des maladresses habituelles : fermeture de l'antenne de Milan alors que la ville est l'hôte, cette année, de l'Exposition universelle (vive le rayonnement !) - on y annonce, comme une bonne affaire (un gain net!), la vente des résidences officielles de Bruxelles, Munich, Londres et Mexico. La ministre, qui jadis, à l'étude des crédits de mars 2013, s'était insurgée contre la vente de la Résidence à Londres opte dorénavant pour une liquidation de feu de notre patrimoine diplomatique. Beau revirement.

À en juger par le communiqué de presse, elle semble avoir cédé aux mêmes arguments farfelus du cas de Londres : «L'acquisition de nouveaux appartements de fonction visera à rapprocher la résidence officielle des bureaux de la délégation, à générer des économies en frais d'entretien et à permettre aux délégués généraux de disposer d'un endroit pour tenir des activités de représentation diplomatique et de mise en valeur du Québec ». Je doute que ces lignes proviennent de son cabinet. Ses conseillers ont-ils même vérifié ces affirmations ?À défaut d'avoir visité les résidences...

Pire, on lui a bêtement soufflé l'exemple de la France et du Canada qui, contrairement aux Britanniques, ont maladroitement décidé de liquider eux aussi leur patrimoine diplomatique. Voilà ! La faute est excusée, d'autres «pays occidentaux» - peut-on lire - le font ! La ministre sera cependant désolée d'apprendre que l'actuel ambassadeur de France à l'ONU, nommé en juillet 2014 et dont l'appartement fut mis en vente avant sa nomination, est toujours à l'hôtel. J'espère que les conseillers de la ministre St-Pierre veilleront à ce que de telles situations ne se produisent pas !

En définitive, on peut douter que ces économies de bouts de chandelle profitent réellement à la prospérité du Québec. Il est cependant certain que la liquidation de ce patrimoine et l'abolition annoncée de postes à l'étranger causeront un dommage irréparable à nos relations internationales. Et cela ne se rachète pas.

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