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Vers un accord historique avec l'Iran?

Le groupe des « 5+1 » et l'Iran se sont mis d'accord jeudi 2 avril sur un accord-cadre « historique » au sujet du nucléaire iranien.
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Le groupe des « 5+1 » (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) et l'Iran se sont mis d'accord jeudi 2 avril sur un accord-cadre « historique » au sujet du nucléaire iranien. L'ancien porte-parole de François Mitterrand, secrétaire général de l'Élysée et ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac (sous Lionel Jospin), Hubert Védrine, nous livre son analyse.

Q1. Peut-on qualifier à raison cet accord-cadre « d'historique » ou est-ce une façon élégante de se donner rendez-vous en juin?

Il sera historique s'il est conclu en juin, mais c'est déjà un pas considérable. C'est l'événement potentiellement le plus important et le plus positif dans les relations internationales actuelles (mis à part la création d'un état palestinien, nécessaire, mais bloquée pour le moment).

Q2. Est-ce trop tôt pour différencier les gagnants des perdants ? Est-ce un accord « gagnant-gagnant » ?

À l'arrivée cela sera gagnant/gagnant. Pour le moment, cela montre déjà que le Congrès américain (républicain, anti Obama), les durs en Iran (pasdarans, services), Nétanyahou qui pensait avoir, via le Congrès, une sorte de droit de veto sur la politique étrangère américaine, et l'Arabie, coalition improbable, n'ont pas été capables de bloquer Obama ni de paralyser Rohani. Nul doute qu'ils vont mener jusqu'au 30 juin une guérilla de tous les instants pour essayer de torpiller l'accord... Pas sûr qu'ils y parviennent...

Q3. Cet accord-cadre comporte-t-il, selon vous, suffisamment de sauvegardes afin d'empêcher l'Iran d'obtenir la bombe nucléaire ?

Si cela n'était pas le cas, les Occidentaux, et spécialement, Laurent Fabius, particulièrement vigilant, n'auraient pas endossé cet accord d'étape. Mais ils ont bien précisé qu'il y avait encore beaucoup à préciser.

Q4. Vous évoquez une stratégie dynamique de la part de l'administration Obama : Le retour de l'Iran dans le jeu international condamnerait, en définitive, le régime ? C'est du moins le calcul américain, quel est le calcul iranien ?

C'est apparemment ce que pensent les durs à Téhéran. La levée progressive des sanctions, quand elle commencera, va doper ce pays, déjà plus moderne qu'on ne le croit, et placer le régime sur la défensive. En Iran il y a deux lignes, et deux calculs : préserver le régime grâce aux sanctions et à la fermeture ; l'obliger à changer et remettre l'Iran dans le jeu grâce à un accord. Pour le moment la deuxième ligne tient la corde.

Q5. Depuis 1979, les tensions entre l'Iran et l'Occident ont joué sur les perceptions de chacun. L'Iran : République islamiste ou état moderne ? Pourrions-nous voir un jour l'Iran dans le G20 ?

Oui, on le verra, quand l'Iran sera réinséré et ne sera plus une puissance révolutionnaire déstabilisatrice, mais à nouveau un grand pays.

Q6. Victoire personnelle du Président Obama lorsque l'on considère les penchants du Sénat américain ? Cela sera déterminant sur le bilan de sa présidence ?

Oui, s'il y parvient cela éclairera de façon marquante toute sa présidence y compris aux yeux de ceux qui l'avaient adulé, puis avaient été déçus.

Q7. Plus largement, le retour de l'Iran dans le jeu international mènerait à une redistribution des cartes au Moyen-Orient ? Voilà qui devrait déplaire à l'Arabie Saoudite...

Bien sûr elle le redoute, et cherche à le retarder. Quand ce sera inéluctable, elle s'adaptera et cherchera un accord avec l'Iran

Q8. Comment jugez-vous l'apport de la Russie à ces négociations ?

Positif, me semble-t-il.

Q9. Et celui de la France ?

Par ses exigences particulières et ostensibles, elle peut rassurer sur l'accord ceux qui s'en étaient inquiétés de bonne foi.

Q10. L'attention devrait maintenant se tourner sur la lutte contre l'État islamique (DAESH) et la guerre civile en Syrie ? Quels autres enjeux majeurs domineront, selon vous, l'agenda global ?

Il n'y a pas d'agenda vraiment "global", mais des priorités diverses. Au Moyen-Orient, il ne suffit pas d'endiguer DAESH, il faut l'éradiquer. Mais ce n'est pas faisable sans une solution politique pérenne en Irak, donc une coopération avec l'Iran. Et en Syrie, ce qui signifie que la chute d'Assad, de toute façon impossible à obtenir par des "démocrates" ne soit plus la priorité du moment. Oser retravailler avec les Russes aiderait....

Hubert Védrine est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages dont le dernier "La France au Défi" est paru aux éditions Fayard (2014).

Propos recueillis par Christophe Fortier Guay.

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