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Santé mentale: d’abord éviter de nuire en stigmatisant?

La communication répétée de cette affirmation dans les médias, voulant que les enfants aient de 15 à 20 fois plus de chances de développer la même maladie que leur parent, pourrait avoir plusieurs conséquences négatives.
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Elva Etienne via Getty Images

Un article publié dans La Presse par le Dr Maziade pose problème, notamment par sa remise en question du concept de «santé mentale» et par le risque de stigmatiser des personnes ayant ou à risque d'avoir des problèmes de santé mentale.

Rappelons que le Dr Maziade est le directeur scientifique du projet HoPE du CIUSSS de la Capitale-Nationale et que la Fondation de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec a reçu en 2016 un don de 1 million de dollars de Bell Cause pour la cause pour ses recherches sur l'électrorétinographie, une technologie soulevant des enjeux éthiques.

Tout d'abord, le Dr Maziade affirme que le concept de santé mentale, utilisé comme prétexte pour «déstigmatiser» la maladie, «a empêché de prioriser et a favorisé la stagnation ainsi que l'atonie dans la recherche et le traitement des maladies psychiatriques majeures comme la schizophrénie, la maladie bipolaire et la dépression majeure récidivante. Écarter le nom des maladies a conduit à la gênante constatation que le traitement de ces maladies du cerveau a peu évolué depuis 40 ans, toujours en absence de traitement curatif».

Cette affirmation semble vouloir réduire la santé mentale à ces trois maladies, alors que cette liste est plus étendue. L'anxiété en est un bon exemple. D'après l'Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2016-2017, la proportion de jeunes ayant reçu un diagnostic de trouble anxieux a augmenté de 9% en 2010-2011 à 17% en 2016-2017.

Le Dr Maziade affirme (ainsi qu'ici et ici) que les enfants nés de parents affectés par l'une de ces trois maladies psychiatriques «sont de 15 à 20 fois plus à risque de développer à l'âge adulte la maladie de leur parent». Cette estimation du risque semble excessive si on la compare à celle d'une méta-analyse ayant considéré les données de 33 études, regroupant 3863 enfants de parents ayant une «maladie mentale» et 3158 enfants-témoins. Selon cette méta-analyse, le risque relatif de développer la même maladie mentale que son parent —chez les enfants de parents ayant un diagnostic de schizophrénie, de trouble bipolaire, ou de dépression — est en moyenne de 3,59 comparé aux enfants témoins. De plus, ces valeurs masquent la variabilité du risque entre ces trois maladies mentales (de 2,38 pour la dépression à 7,54 pour la schizophrénie).

La communication répétée de cette affirmation dans les médias, voulant que les enfants aient de 15 à 20 fois plus de chances de développer la même maladie que leur parent, pourrait avoir plusieurs conséquences négatives. Elle pourrait accentuer la peur chez les parents que leurs enfants «héritent» de leur maladie mentale et causer chez les enfants une anxiété pouvant nuire à leur image de soi et à leur développement. Cette peur pourrait aussi décourager des adultes, ayant reçu l'un de ces diagnostics, d'avoir des enfants.

Cette affirmation risque par ailleurs de stigmatiser davantage les parents ayant des problèmes de santé mentale, ce qui pourrait les amener à cacher leurs problèmes et donc à ne pas en parler à leurs enfants. Elle risque aussi de stigmatiser ces enfants, notamment à l'école, compromettant ainsi leurs efforts tant pour paraître «normal» que pour éviter d'être étiquettés en raison des problèmes de santé mentale de leurs parents. Ceci peut aussi les amener à vouloir cacher encore plus le fait d'avoir un parent avec des problèmes de santé mentale.

Au lieu de rappeler à répétition que ces enfants sont à risque, peut-être vaudrait-il mieux souligner la résilience dont la plupart font preuve, et dont les médias ont récemment rapporté plusieurs témoignages, tels que ceux de l'humoriste François Bellefeuille, de l'animateur Jean-Philippe Dion, et de Maude Choinière-Vallée.

Pour conclure, on peut se demander si la vision prônée par le Dr Maziade ne risque pas de nuire davantage à ces enfants en les stigmatisant, en limitant leurs espoirs et leurs perspectives d'avenir, plutôt que de les aider. Par ailleurs, cette vision semble aller à l'encontre de celle du Plan d'action en santé mentale 2015-2020, notamment concernant le respect de la primauté de la personne dont «la promotion, le respect et la protection des droits en constituent des aspects fondamentaux.»

À ce sujet, le Plan d'action indique qu'une attention continue doit être accordée, entre autres, «au respect des droits et à la lutte contre la stigmatisation et la discrimination» par les établissements offrant des soins et services en santé mentale, une attention dont le Dr Maziade pense apparemment pouvoir s'abstenir.

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