Quelle déception d'entendre la ministre Christine St-Pierre, une femme que je respectais pourtant, ânonner la même grotesque et perfide équation entre carré rouge et intimidation-violence! Le carré rouge signifie avant tout « Non à la hausse des frais de scolarité ». Depuis que le mouvement est devenu une crise sociale, le carré rouge est un symbole de protestation contre le gouvernement Charest et aussi, de façon plus générale, contre le système mondial prédominant du néolibéralisme. Prendre position ne veut évidemment pas dire être adepte de la violence et du terrorisme.
Mais on n'a pas fini de l'entendre, cette assimilation abusive, reprise ad nauseam par tous les ministres (dont Raymond Bachand trois jours plus tard), et aussi plusieurs chroniqueurs pro-régime. C'est à croire que Jean Charest a tenu à ses troupes ce discours précampagne : « Si vous voulez être réélu, ne dites rien d'autre que ça, c'est le slogan, et cela fait aussi office de programme. Ne parlez pas d'autre chose, concentrez l'attention des gens sur le conflit étudiant, le seul sujet où on peut marquer des points. Répétez cette équation sur toutes les tribunes. Comme cela, ça finira par entrer dans la tête des électeurs, surtout ceux dans les régions (notre base électorale) qui ne se sont pas encore fait une idée. »
Bien sûr, pour que les gens y croient un peu et embarquent dans le scénario, il faut qu'il y ait quelques exemples de scènes violentes pour alimenter les nouvelles télévisées. Les policiers se chargent très bien de cette commande. On les a vus à l'œuvre durant la fin de semaine du Grand Prix. Surmenés, excédés, mais aussi encouragés par leurs patrons, ils pètent facilement leur coche et procèdent à des arrestations arbitraires, certaines d'une brutalité inouïe, particulièrement à l'égard de jeunes femmes. Le seul fait d'arborer le signe honni suffit désormais à se faire soupçonner, menacer, arrêter et maltraiter par les « forces de l'ordre ».
J'avais écrit il y a un mois un texte intitulé Comme une étoile jaune à Varsovie, que certains avaient trouvé exagéré. On en est pourtant là. On dirait que tout est concerté pour faire monter la pression, attiser la colère et l'exaspération des opposants au régime afin de les amener à multiplier des gestes répréhensibles. Il ne faut pourtant pas tomber dans le panneau, mais plutôt s'armer de patience et informer nos concitoyens, en dénonçant sans relâche cette stratégie délétère concoctée par le parti au pouvoir.