Stationnement de tricycles à La Havane
Un peu partout dans le sud de la planète, on retrouve le tricycle taxi, carburant à l'énergie humaine. Les opérateurs décharnés aux allures anémiques sollicitent les clients potentiels aux inclinaisons coloniales au coin des rues ou en pédalant mollement. Le vol du tricycle serait un drame important pour le propriétaire.
Wilmert, gardien d'un stationnement de tricycles taxis dans Centro Havana, se voit rémunérer mensuellement d'un gros 225 pesos cubains (monnaie cubaine pour les Cubains servant à confondre le touriste béat) ce qui correspond à environ 9$ CUC (monnaie touristique indispensable à la confusion des touristes). Avec un tel salaire, malgré l'aide mensuelle gouvernementale pour certains aliments de base, l'objectif de survivre le mois suivant est ardu, même pour un célibataire anorexique. Wilmert échappe à l'indigence extrême et à l'anorexie avec les pourboires qu'il reçoit des propriétaires de tricycles qui, eux, en reçoivent des touristes qu'ils baladent.
Les défis familiaux des Rodriguez
Les femmes-socles existent. Olivia-mère, 54 ans, est l'âme du foyer. Ce n'est pas une simple éructation paternaliste des années 60-70 que j'exprime, mais bien un fait pesant et indéniable. Sans Olivia-mère, la famille Rodriguez ne serait qu'une épave à la dérive rejoignant le grand vide sidéral des athées. Mes excuses auprès des cœurs sensibles pour ces précisions et celles à venir.
Sa fille portant le même prénom, reste en retrait, les yeux hagards des abus d'une vie pénible. Enceinte à 17 ans, sa petite fille de trois ans vit à Guantanamo sous la responsabilité de son ex, au grand désespoir d'Olivia-fille.
Le mari d'Olivia-mère, Wilson, queue-de-veau, regard éthylique, de 11 ans son cadet, essaie en dilettante de contribuer à l'essor de la famille. Vendeur ambulant illégal de chapelure de pain (eh oui!), il travaille en discontinu entre le jeu du chat et de la souris avec des policiers désœuvrés du quartier, la saisie de son chariot de chapelure, du produit des ventes, le tout agrémenté habituellement d'une amende sucrée et d'un court séjour au poste de police.
Extrait de l'entrevue d'Alicia-mère
— Est-ce la première fois que vous parlez comme ça avec un étranger comme moi?
— Oui. Les étrangers ont peur de nous. Ils pensent que nous allons les voler, les attaquer... Ils ont peur... Et nous, on a peur des étrangers! On a peur qu'ils nous jugent parce qu'on est pauvre... nos vêtements... et qu'on ait des problèmes avec les autorités si on leur parle... (soupir) La majorité de nous, on n'est pas méchant... Jamais un étranger n'était entré dans notre appartement, notre édifice, jamais... On a peur, ils ont peur... C'est pas bien.
Olivia-mère fait le ménage dans un édifice abritant un organisme gouvernemental. En plus, tous les matins avant d'aller travailler, elle vend chez elle des gorgées de café et des cigarettes à l'unité. Le midi, elle réchauffe la nourriture préparée la veille au soir, après son travail, pour l'offrir pour quelques pesos à des Jos Bleau cubains de passage. Les quelques restaurants du coin sont souvent beaucoup trop chers pour le Cubain moyen. L'après-midi, Olivia-mère retourne gaiement à son travail, pour un salaire d'environ 7 $ CUC par mois (équivalent approximatif du dollar états-unien) qui l'oblige à cette hyperactivité, malgré son diabète et ses problèmes cardiaques, pour maintenir sa famille à flot. Je vous l'ai dit, les femmes-socles existent et il y en a à Cuba!