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Les effets de la vie dans l'espace pourraient aboutir à une nouvelle espèce humaine

Imaginons que des colons reviennent sur Terre dans plusieurs millénaires et après des centaines de générations. Leur langue est incompréhensible, et leur culture méconnaissable. Ils sont grands et filiformes, ils ont le teint blafard, de petites dents et n'ont pas de poils.
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Et si un jour nous rencontrions des extra-terrestres qui soient nos descendants ?

Les sociétés extra-terrestres semblent être un concept de science-fiction. Nous passons nos vies scotchés sur notre planète. En un demi-siècle de vols spatiaux habités, moins de 600 personnes ont voyagé de la Terre vers une orbite basse, et seules 12 ont posé le pied sur la surface d'un autre monde. Le coût et la difficulté de soustraire les hommes à l'emprise de la gravité semblent avoir mis sous cloche nos rêves de voyage spatial.

Mais ceci pourrait bien changer. Des entrepreneurs comme Elon Musk et Jeff Bezos développent actuellement des fusées réutilisables qui pourraient transporter plus facilement les gens en orbite. Richard Branson espère qu'il existe un modèle économique viable du voyage spatial fondé sur les loisirs et le tourisme. L'hôtelier Robert Bigelow veut s'assurer qu'il existera encore au moins une destination de rêve dans 10 ans. En parallèle, les États redoublent d'efforts pour envoyer des explorateurs sur la Lune et sur Mars. La NASA vise à envoyer des astronautes sur Mars pour 2035, et les Chinois veulent avoir une station spatiale orbitale et une colonie lunaire au même horizon.

Ces programmes sont alimentés par les innovations technologiques. De nouveaux matériaux permettront de lancer des fusées plus légères, plus solides et moins chères. Les composants seront fabriqués par des imprimantes 3D dans la Station spatiale internationale. La Lune et Mars sont des univers lointains et hostiles, mais il est relativement facile d'utiliser leurs sols comme matériaux de construction et d'y chercher de l'eau à boire et de l'oxygène à respirer.

«Les vaisseaux capillaires et le système cardiovasculaire des astronautes s'adapteront, et leur masse musculaire fondra.»

Il pourrait même être possible de construire un ascenseur spatial vers la Lune : un câble ultra-résistant qui serait déployé dans le ciel, suspendu grâce à son propre poids et par la rotation de la Lune, permettant de transporter des matériaux sur des monte-charges à gravité nulle. Un tel ascenseur spatial pourrait susciter de nouvelles activités économiques et favoriser une exploration plus poussée du système solaire. Un équipage courageux s'embarquera peut-être dans cette attraction suspendue pour s'aventurer sur une arche interstellaire à la recherche d'un monde habitable immaculé.

Supposons que tout ceci arrive dans les 50 prochaines années. On peut imaginer le premier bébé à naître hors de la Terre, une évolution aussi marquante que notre sortie d'Afrique, il y a 60 000 ans. Comment la vie extra-terrestre nous transformera-t-elle ?

Plusieurs astronautes ont passé plus d'un an dans une gravité nulle, et ils ont subi perte musculaire, fragilité osseuse et problèmes de vue. Une station spatiale pourrait être conçue pour remédier à ces problèmes. Et pour les colons de la Lune et de Mars, la gravité sera réduite, pas totalement absente. Leurs vaisseaux capillaires et leur système cardiovasculaire s'adapteront, et leur masse musculaire fondra.

Peu d'entre nous goûteraient une vie à l'isolement, dans le confinement d'une bulle habitable loin de chez soi. L'absence d'un environnement naturel varié provoquera sans doute un affaiblissement des systèmes immunitaires. Mais les colons innoveront dans leurs activités sportives et sexuelles. Leurs habits spatiaux seront taillés dans des matériaux souples, gainants et moulants, et nous pourrions bien leur envier leur capacité à bondir et à faire des galipettes sans effort à la surface de leurs nouveaux mondes.

«Dans l'environnement fondamentalement différent et contrôlé qu'est l'espace, la spéciation pourrait se dérouler bien plus rapidement que sur la Terre.»

Si les premières colonies sont réapprovisionnées en nouvelles recrues terriennes, les évolutions physiologiques resteront limitées. Mais les vagues suivantes de colons couperont peut-être le cordon ombilical ; ils feront peut-être dissidence, ou seront animés par des idéaux utopiques. Étant donné qu'ils vivront et mourront loin de la Terre, leur psychologie sera façonnée par leur nouvel environnement. Sur le plan biologique, ils formeront un nouvel embranchement de l'arbre de l'humanité.

Combien de temps tout cela prendra-t-il, et que seront-ils, lorsqu'ils ne seront plus «nous»?

La taille minimale d'une colonie viable, qui puisse éviter de trop nombreuses anomalies génétiques et une consanguinité excessive, est d'environ 160 individus. Les colons seront soumis à deux phénomènes bien connus au sein des petites communautés isolées sur Terre : l'effet fondateur et la dérive génétique. Un patrimoine génétique restreint a pour effet contre-intuitif d'accélérer l'évolution. L'évolution sera également stimulée par un taux de mutations plus élevé, dans la mesure où les rayons cosmiques ne seront pas filtrés par l'épaisseur de l'atmosphère. Avec une moins grande diversité génétique vient aussi l'inconvénient d'une plus faible capacité à faire face à de nouvelles agressions sélectives. Les colons seront vulnérables à de nouveaux agents pathogènes qui pourraient les anéantir.

Mais on peut parier qu'ils prendront le contrôle de leur destinée. Les technologies d'ingénierie génétique et de « modification » de l'AND progressent rapidement. Les colons optimiseront donc leur constitution génétique, et court-circuiteront le mécanisme darwinien de sélection naturelle. Les technologies médicales de pointe et l'optimisation du régime alimentaire garantiront que tout le monde survivra jusqu'à un âge avancé, et que cette perspective ne sera pas réservée aux plus forts.

«Les colons optimiseront leur constitution génétique, et court-circuiteront le mécanisme darwinien de sélection naturelle.»

Les colons extra-terrestres ne seraient citoyens d'aucun pays, et pourront donc mettre en place leurs propres règles légales et éthiques. On peut penser qu'ils adopteront sans limites aucune les technologies qui permettent d'allonger radicalement la durée de la vie ou celles qui permettent de remplacer des parties du corps par des équivalents mécaniques. La fusion de l'homme et de la machine relève de la dystopie pour de nombreuses personnes, mais l'adoption des technologies cyborg offrira aux colons la possibilité de surmonter leurs limites physiques. Ceci multipliera de fait le nombre d'environnements extra-terrestres « habitables » par des colons. La dernière « frontière » de ce scénario pourrait être la technologie qui permettrait de télécharger un cerveau dans un ordinateur et ainsi supprimer toute dépendance à un corps physique.

Certaines populations d'Australie et de Nouvelle-Guinée ont été isolées des Européens pendant 30 000 ans, mais n'ont pas évolué pour former de nouvelles espèces. Dans l'environnement fondamentalement différent et contrôlé qu'est l'espace, la spéciation pourrait se dérouler bien plus rapidement que sur la Terre.

Imaginons que des colons reviennent sur Terre dans plusieurs millénaires et après des centaines de générations. Leur langue est incompréhensible, et leur culture méconnaissable. Ils sont grands et filiformes, ils ont le teint blafard, de petites dents et n'ont pas de poils. Ce sera perturbant à la fois pour eux et pour nous, comme de regarder un angoissant miroir déformant.

Ce blogue publié sur le HuffPost US a été traduit par Mathieu Bouquet.

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