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Pourquoi les sportifs crachent-ils autant sur les terrains?

J'adore l'Open d'Australie [...] Une fois par an les meilleurs joueurs du monde se mettent la tête en bas et donnent la preuve qu'il n'y a pas besoin de cracher pour faire du sport.
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J'adore l'Open d'Australie. Pas pour le tennis, pas pour le spectacle, mais pour le fait qu'une fois par an les meilleurs joueurs du monde se mettent la tête en bas et donnent la preuve qu'il n'y a pas besoin de cracher pour faire du sport.

Cracher est devenu synonyme de pratiquer certains sports. Les joueurs de foot driblent autant avec leurs bouches qu'avec leurs pieds (NdT : en anglais, «to dribble» veut dire à la fois «dribler» et «cracher»). Et le football australien, le rugby, le baseball et même le cricket font monter l'eau à la bouche pour de mauvaises raisons.

Depuis l'avènement de la TV HD, le crachat n'avait jamais été diffusé avec des détails aussi explicites et gluants. J'ai récemment regardé un Arsenal-Chelsea dans mon canapé et j'ai cru que j'allais devoir mettre mes habits à laver.

Après avoir vu ce match de Premier League, je suis convaincu qu'il est physiquement impossible à un joueur de tirer au but, de se faire remplacer ou de tirer un corner s'il n'a pas d'abord éjecté un projectile liquide. Ça semble aussi vital pour le jeu que le ballon ou les cages. La FIFA devrait installer des crachoirs près des poteaux de corner.

Dans certains cas, le crachat a un objectif. Quand il tient le champ, le capitaine de l'équipe d'Australie de cricket, Steve Smith, crache dans ses mains pour favoriser la prise, dans l'éventualité où la balle viendrait de son côté. Et il faut l'admettre, en général ça marche. Mais ensuite ce même capitaine australien serre la main de son adversaire à la fin du match. Rien d'étonnant à ce que les batteurs mettent des gants.

Les lanceurs sont tout aussi peu raffinés, à cracher sur la balle pour la faire reluire ensuite en la frottant sur leur entrejambe. S'ils ne pratiquaient pas notre sport national, ils seraient sans doute arrêtés pour attentat à la pudeur.

«Tu peux me rappeler pourquoi tu fais ça, AB ?»

En d'autres circonstances, le crachat exprime la frustration d'un joueur. Lorsqu'un batteur se fait sortir, sur le parcours qui le ramène au pavillon, il lui arrive souvent d'émettre un crachat - que ce soit de la salive ou son chewing-gum - à travers la grille de son casque, crachat qu'il éloigne ensuite d'un coup de batte. Ce coup est souvent mieux ajusté que celui qui lui a valu sa sortie.

À de rares occasions, cracher est le sport lui-même. Il existe un record du monde du cracher de noyau de cerise, et si vous êtes allergiques aux cerises, alors votre truc est peut-être le cracher de criquet. Quand je dis «criquet» je ne parle pas de ce passe-temps britannique, mais bien de l'insecte à six pattes, qu'il faut mâcher puis expulser. Il existe apparemment aussi des championnats du monde de cracher de crottin d'antilopes. Aucune idée de ce à quoi ressemble le crottin de grand koudou, mais si j'avais à choisir j'opterais plutôt pour les criquets.

En dehors des exceptions ci-dessus, le cracher est dans la plupart des cas l'expulsion gratuite de mucus, et une habitude détestable qui est devenue la norme. À tel point qu'il y a quelques années, Sony a diffusé une publicité mettant en scène des gamins jouant au foot, où l'un d'eux lâchait un beau molard. Une soixantaine de personnes se sont plaintes de ce spot, mais le bureau de vérification de la publicité a rendu un avis favorable à Sony, avançant qu'il s'agissait simplement de la «brève mise en scène d'une habitude bien ancrée, qui s'affichait entre les matchs de Coupe du monde, où les joueurs étaient souvent montrés en train de cracher».

Ah, ben tout va bien, alors! Les procracheurs diront que courir et se dépenser physiquement accroît la production de salive dans la bouche et qu'ils ne font que se débarrasser d'un excès encombrant. Je crache sur cette explication. Les joueurs de tennis se dépensent autant si ce n'est plus que les footballeurs, et vraiment beaucoup plus que les gardiens de but. Ils jouent en été plutôt qu'en hiver. Et le tennis étant un sport individuel et non collectif, les joueurs ne peuvent pas se cacher derrière leurs partenaires ou demander à être remplacés s'ils sont fatigués. Et pourtant ils arrivent à se retenir de décorer le court de leur bave.

Roger Federer ne crache pas. Roger Federer ne transpire même pas ! Ici, après un match en cinq sets disputés.

Les golfeurs aussi arrivent à contenir leur excès de glaire. À l'exception de Tiger Woods, qui a craché sur green lors du Dubai Desert Classic de 2011 et a reçu une amende pour avoir enfreint le code de bonne conduite. J'ai trouvé ça hypocrite au plus haut point de la part des instances dirigeantes du golf. Non, mais c'est vrai: ils se complaisent dans les bogeys (NdT : à la fois terme technique de golf et «crotte de nez»), mais ils interdisent de cracher?

Parmi tous les comportements sportifs, c'est dans le foot que le cracher se manifeste le plus. Je détesterais être à côté d'une équipe de foot sur un vol long-courrier. Je sais, ça fait partie du jeu. Je sais, ça fait des années que c'est comme ça. Mais c'est des bêtises de dire qu'on ne peut pas y mettre de l'ordre.

Non seulement il est possible de faire en sorte que les joueurs arrêtent de cracher, mais il est aussi possible de résoudre les autres fléaux qui affligent le foot - comme les joueurs qui plongent et qui simulent une blessure ou essaient d'obtenir une pénalité. Si la FIFA comptait le nombre moyen de fois où un joueur crache qu'elle le multipliait par le nombre de joueurs sur le terrain et par le nombre de minutes dans un match, et en déduisait enfin le nombre de piscines que toute cette salive permettrait de remplir, vous pouvez être certains que les footballeurs du monde entier resteraient bien debout sur leurs pieds. Oui, même les Italiens.

Même si je déteste voir les athlètes cracher, la scène sportive donne à voir des pratiques encore plus répugnantes. L'expulsion nasale, également appelée «mouchoir d'Adam», ferait passer le crachat pour un acte distingué. De même que les agissements de la marathonienne Paula Radcliffe, qui pendant le marathon de Londres s'est arrêtée pour uriner sur la chaussée.

Au risque de paraître prude, je ne vois qu'un seul moment où cracher est acceptable, c'est lorsque le dentiste le demande. Et peut-être aussi quand vous voyez sa facture.

Cet article, initialement publié sur le Huffington Post Australie, a été traduit de l'anglais par Mathieu Bouquet.

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