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Pourquoi il faut préférer les déodorants aux antisudorifiques

Pour lutter contre les odeurs corporelles, plusieurs catégories de cosmétiques sont disponibles. Produits d'hygiène d'une part, déodorants et antisudorifiques de l'autre. Alors, lequel choisir?
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C'est par la célèbre expression «Doukipudonktan» que Raymond Queneau accueille, en 1959, le lecteur de son roman Zazie dans le métro. C'est sur le quai d'une gare, dans la promiscuité d'une foule en attente, que Gabriel, l'oncle de Zazie, se morfond sur les effluves divers émanant de ses voisins les plus proches. Cette situation, nous l'avons tous vécue, un jour ou l'autre, comprimé dans un bus ou dans un ascenseur... et nous avons tous eu la même idée en tête : les déodorants, c'est pas fait pour les chiens!

Déodorant ou antisudorifique?

Pour lutter contre les odeurs corporelles, plusieurs catégories de cosmétiques sont disponibles. Produits d'hygiène (savons, gels douche, laits nettoyants, etc.) d'une part, déodorants et antisudorifiques de l'autre. Alors déodorant ou antisudorifique? La question relative à ces cosmétiques se pose puisque l'on doit être en mesure de pouvoir choisir l'un ou l'autre des modes d'action.

Mais ce n'est pas ce qui se produit : depuis bien longtemps déjà on mélange allègrement les deux notions. On voit ainsi sur le marché nombre de déodorants contenant des sels d'aluminium à propriétés antitranspirantes. La confusion la plus grande règne dans les esprits et sur le marché. On assiste également à une surenchère des allégations avec des produits présentés comme efficaces pendant 24, 48 ou même 96 heures. Sans commentaire!

De multiples ingrédients

Pour comprendre la différence entre ces deux catégories de cosmétiques, il faut se pencher sur les listes de leurs ingrédients. Un déodorant peut être composé d'antiseptiques qui limitent la prolifération des microorganismes cutanés, d'actifs désodorisants ou séquestrants qui se lient chimiquement avec les molécules malodorantes afin de les neutraliser, d'antioxydants qui ont pour but d'éviter le rancissement des corps gras ou bien encore de parfums qui masquent tant bien que mal les odeurs corporelles...

Un antisudorifique, quant à lui, est généralement formulé à base de sels d'aluminium, le chlorhydrate d'aluminium étant l'ingrédient phare des préparations du commerce. Tous les sels d'aluminium agissent selon le même mécanisme d'action. Molécules irritantes, elles créent une inflammation au niveau de la zone d'application. Celle-ci engendre immanquablement un épaississement cutané. Le pore des glandes sudoripares est progressivement obturé du fait de la multiplication des cellules cornées. On utilise, pour désigner ce phénomène, une expression parlante : c'est la «théorie du bouchon».

Comme on peut le constater, les deux mécanismes sont bien distincts : dans un cas on agit en amont de la production des odeurs en s'opposant à l'évacuation de la sueur au niveau de la surface cutanée, dans l'autre cas on prévient la formation des odeurs en utilisant des ingrédients qui réagissent chimiquement avec les petites bombes olfactives (acides gras, ammoniacs...) contenues dans la sueur.

Les actifs à la loupe

En ce qui concerne les déodorants, certains actifs exercent une action spécifique ciblée sur les composants de l'une des deux sueurs (sueur eccrine et sueur apocrine), d'autres actifs exercent une action plus générale. En associant judicieusement les actifs les uns avec les autres, il sera possible de lutter contre les mauvaises odeurs, et ce quelle qu'en soit leur origine.

Les antiseptiques constituent la catégorie d'ingrédients la plus largement utilisée dans ce type de cosmétiques. Certaines formules très simples ne renferment en effet que cette classe d'actifs associés le plus souvent à un parfum jouant le rôle d'agent masquant. Depuis quelques années, ces antiseptiques font l'objet d'attaques, et ce, pour diverses raisons. Prenons le cas du triclosan. Depuis 2012, il fait l'objet d'une surveillance particulière. Autorité de santé française et Commission européenne ont lancé une réflexion sur les risques liés à l'utilisation à grande échelle de cet antiseptique. Il entre en effet dans la composition de produits d'hygiène buccodentaire, de produits déodorants... Deux choses lui sont reprochées.

Certaines études alarmistes ont, en effet, montré, chez l'animal (souris et larves de poissons), un effet sur la contraction musculaire. Ceci a laissé craindre chez l'homme des effets de type cardiovasculaires incompatibles avec le maintien de son utilisation pour un usage cosmétique. Des études, chez l'homme, viennent contredire ces premiers résultats en démontrant que cet ingrédient est sûr et ne provoque pas d'effets indésirables, même en cas d'utilisation quotidienne pendant de longues périodes (quatre à cinq ans), et ce, tant au niveau cardiovasculaire que thyroïdien.

On s'est également interrogé sur les risques de développement de résistance bactérienne. Il apparaît qu'un usage à court terme (14 jours) ne provoque pas l'émergence de bactéries résistantes au niveau de la cavité buccale (l'étude mentionnée concernant le domaine buccodentaire). En revanche, des mécanismes de résistance mis en place par certaines bactéries (type Staphylococcus haemolyticus) sont bien connus. Le triclosan ne serait donc pas préoccupant d'un point de vue toxicologique, mais bien plutôt du point de vue de l'émergence de germes résistants qui, par définition, sont difficiles à éradiquer. Soulignons tout de même que ce type de phénomène n'est pas spécifique du triclosan. Il peut être observé, plus généralement, dans le cadre de l'emploi de la plupart des antiseptiques.

Incontournable sel d'aluminium

En ce qui concerne les antisudorifiques, ils contiennent quasi systématiquement un sel d'aluminium. Ces sels d'aluminium sont très nombreux et ne sont pas réglementés (on peut donc en incorporer à volonté dans les cosmétiques). Le sel le plus efficace, mais également le plus irritant, est le chlorure d'aluminium (AlCl³). Boudé par l'industrie cosmétique qui n'y a plus recours, c'est l'actif phare des laboratoires Etiaxil qui ont créé à son intention une catégorie de produits dénommés «détranspirants». Cette catégorie n'a aucune légitimité réglementaire. Notons que le sel double d'aluminium et de zirconium est, contrairement aux autres sels, réglementé. Du fait de sa toxicité pulmonaire, il est interdit pour une présentation sous forme d'aérosols.

Le chlorhydrate d'aluminium est certainement le sel le mieux représenté dans les cosmétiques antitranspirants. On le retrouve également fréquemment dans des cosmétiques affichant la mention «déodorant», ce que l'on ne peut que déplorer. Ces sels d'aluminium sont également présents dans les «déodorants» antistress (innovation Nivea) permettant de lutter contre la sueur de stress particulièrement odorante. Ceux-ci, contrairement à ce que l'on pourrait croire, possèdent des formules copier-coller des antisudorifiques classiques...

Quant à la pierre d'alun, proposée dans le cadre des cosmétiques biologiques, c'est un sel d'aluminium comme les autres. D'un point de vue chimique, il s'agit d'un sel double d'aluminium et de potassium (KAl(SO⁴)²). D'un point de vue toxicologique, tous ces sels, c'est bonnet blanc et blanc bonnet!

L'aspect toxicologique

Côté déodorant, rien à redire. Côté antisudorifique, il n'en est pas de même. Des inquiétudes (de la part du consommateur) existent, ce qui explique pourquoi un grand nombre de formules contenant des sels d'aluminium sont baptisés pudiquement du nom d'«antisudorifiques». L'utilisation d' antisudorifiques est-elle à mettre en lien avec le risque accru de cancer du sein (le quadrant supéro-externe est la zone la plus touchée et également la plus proche de l'aisselle, zone d'application des cosmétiques permettant d'atténuer les odeurs corporelles) ou une maladie neurodégénérative telle que la maladie d'Alzheimer (l'aluminium est un élément susceptible d'entraîner la dégénérescence de certaines zones du cerveau telle que l'hippocampe)?

Les éléments en faveur de ces allégations sont les suivantes : l'aluminium est considéré comme un perturbateur endocrinien par certains chercheurs (ce n'est pas le seul, à en croire certains auteurs TOUT revêt un caractère de «perturbateur endocrinien»), la sueur est la voie majeure d'excrétion de l'aluminium systémique (en diminuant le volume de sueur émise, on perturbe le processus naturel de détoxification de l'organisme, d'où des conséquences pour la santé), la sueur est une voie d'excrétion de phéromones à noyau androstène (en bloquant la sécrétion, on évite la libération de ces molécules très odorantes qui restent dans l'organisme, augmentant ainsi le taux d'«hormones» circulantes). Les éléments en défaveur de ces allégations sont un passage transcutané de l'aluminium extrêmement faible dans le cas d'une peau non lésée, l'implication de nombreux facteurs dans le développement des cancers et celui des maladies dégénératives. Rappelons enfin que l'aluminium n'est pas exclusivement présent dans les cosmétiques, mais qu'on en retrouve également dans l'eau de boisson, dans l'environnement, dans la fumée de cigarette...

Si l'on ne souhaite pas trancher définitivement la question, on peut toutefois considérer que par son mode même d'action (blocage d'une fonction physiologique) l'antisudorifique n'est pas le cosmétique idéal. On insistera donc sur la nécessité d'informer le consommateur en indiquant, en toute transparence, à quelle catégorie de produit il a affaire.

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