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Saisine de la Cour pénale internationale par la Palestine: une lueur d'espoir pour les victimes de crimes?

La CPI permettrait l'accès à la justice internationale des victimes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, commis par quelque partie que ce soit, sur le territoire palestinien ou à partir de celui-ci.
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Le 8 juillet, Israël lançait l'opération «Bordure protectrice», qui visait à détruire tous les passages souterrains du Hamas reliant les territoires palestinien et israélien. Au terme de pratiquement un mois de frappes intensives menées par Israël dans la bande de Gaza, une trêve de 72h permet une fragile accalmie.

Tandis que l'armée israélienne se retire progressivement de l'enclave palestinienne, l'émotion suscitée par les tirs meurtriers de ces dernières semaines ne retombe pas. Plusieurs personnalités - dont le président américain, le président français et le Secrétaire général des Nations Unies - ont pris la parole pour dénoncer les violences ayant touché principalement des civils, notamment dans des écoles de l'ONU et dans des hôpitaux.

C'est dans ce contexte qu'a été annoncé le dépôt d'une plainte devant la Cour pénale internationale (CPI). Le 25 juillet, le ministre palestinien de la Justice et le procureur général de Gaza ont, en effet, mandaté un cabinet d'avocats français, afin de déposer une plainte devant la CPI pour les crimes de guerre récemment commis. La voie choisie est l'une de celles ouvertes par le Statut de la Cour, lequel prévoit également la saisine par le Conseil de sécurité ou par le Procureur agissant de sa propre initiative.

Sur les huit situations actuellement jugées devant la CPI, deux d'entre elles ont été déférées par la voie d'une résolution du Conseil de sécurité: la région du Darfour, au Soudan, et la Libye. Bien que ces deux États ne soient pas parties au statut de la CPI, un examen des renseignements en sa possession a conduit le procureur de l'époque à ouvrir des enquêtes concernant ces situations.

Cette voie ne semble guère praticable ici. Sur les quinze membres du Conseil, elle exigerait qu'aucun des cinq membres permanents ne fasse usage de son droit de veto. Certes, les membres du Conseil sont parvenus à adopter à l'unanimité, le 28 juillet, une déclaration présidentielle dans laquelle ils exprimaient leur vive préoccupation face à la détérioration de la situation à Gaza et appelaient à un cessez-le-feu immédiat et sans condition. Toutefois, ils demeurent divisés dans le dossier israélo-palestinien, tandis que persiste la menace d'un usage du veto par les États-Unis, lesquels ont récemment réapprovisionné en armes leur allié israélien.

Une autre voie est celle d'une autosaisine par le Procureur. Ce dernier peut décider l'ouverture d'une enquête concernant une situation s'il vient à recevoir des renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour. Cette procédure a été suivie dans les cas du Kenya et de la Côte d'Ivoire. Elle est toutefois uniquement possible pour les États parties au statut de la CPI. Or, ni Israël ni la Palestine n'ont adhéré à ce traité.

Une troisième voie est néanmoins possible avec la saisine de la CPI à la demande d'un État: qu'il s'agisse d'un État ayant ratifié son statut, comme dans les cas de l'Ouganda, de la République Démocratique du Congo, de la République centrafricaine et du Mali dont les situations sont actuellement jugées ; ou qu'il s'agisse d'un État ayant déposé une déclaration d'acceptation de la compétence de la Cour, à l'instar de la démarche entreprise par l'Ukraine en février 2014.

Le gouvernement palestinien a déposé une telle déclaration en janvier 2009, afin de faire aboutir une plainte après l'opération israélienne «Plomb durci», dont les faits sont assez semblables aux événements actuels. Le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU avait alors commandité un rapport, qui avait incriminé Israël pour la disproportion entre l'avantage militaire recherché par les attaques militaires et les dommages collatéraux, sans toutefois ignorer les tirs indiscriminés du Hamas.

À l'époque, le Procureur de la CPI n'avait pas donné suite à cette déclaration, en raison de l'incertitude du statut de l'entité palestinienne. Sa reconnaissance comme État observateur non membre de l'ONU par l'Assemblée générale, en novembre 2012, a désormais clarifié la question: la Palestine est bel et bien un État. En cette qualité, elle a donc compétence pour adhérer au statut de la CPI, même s'il semblerait que la poursuite, en vain, de négociations diplomatiques entre Israël et la Palestine ait différé les démarches de cette dernière en ce sens.

Quoi qu'il soit, selon l'argumentaire de la plainte déposée, par sa déclaration qu'elle n'a pas retirée, la Palestine rendrait la Cour compétente. En dépit de la non-adhésion d'Israël au traité fondateur de la CPI, celle-ci pourra théoriquement exercer sa compétence dès lors que l'État sur le territoire duquel l'acte a été commis a accepté sa compétence.

Cependant, l'acceptation de la compétence de la CPI ne déclenche pas automatiquement une enquête. En fonction des informations à sa disposition, il appartiendra à l'actuelle Procureure de décider si elle sollicite l'autorisation des juges pour ouvrir une enquête. À cet égard, les conclusions de la Commission d'enquête internationale indépendante créée par le Conseil des droits de l'Homme le 23 juillet pourraient, parmi d'autres sources, lui fournir une base sérieuse pour déclencher une enquête.

Dans l'hypothèse de l'ouverture d'une telle enquête, ce sera encore à la Procureure de décider si elle demande aux juges de délivrer des mandats d'arrêt ou des citations à comparaître à l'encontre des personnes suspectées d'avoir commis des crimes relevant de la compétence de la CPI. La Cour, qui n'est pas compétente pour juger des États, mais exclusivement les individus responsables des crimes constatés, pourrait d'ailleurs élargir les poursuites aux combattants du Hamas, notamment pour des tirs de roquettes indiscriminés contre Israël. Ce sont donc des individus des deux camps qui pourraient être jugés et, éventuellement, condamnés à des peines de prison.

Il faut reconnaître que la tenue d'un procès s'annonce difficile. Il est probable que la procédure sera longue et que les pressions politiques seront fortes, en particulier au sein du Conseil de sécurité qui a le pouvoir de suspendre une enquête ou des poursuites pour une durée de douze mois renouvelables. De plus, la CPI n'a pas compétence pour juger en l'absence des personnes inculpées. Le cas du président soudanais, Omar el-Béchir, qui est visé par deux mandats d'arrêt internationaux, est symptomatique des limites de la juridiction.

Pourtant, la CPI trouverait ici une affaire qui lui permettrait de renforcer sa crédibilité en démentant les critiques de sa focalisation exclusive sur le continent africain. Elle offrirait une occasion unique d'enclencher une pacification par la voie juridictionnelle, là où la voie diplomatique a échoué. Enfin, elle permettrait l'accès à la justice internationale des victimes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, commis par quelque partie que ce soit, sur le territoire palestinien ou à partir de celui-ci.

Dans ces circonstances, on ne peut que rester dubitatif devant le communiqué de la CPI du 5 août selon lequel, étrangement, la Cour n'aurait reçu de la Palestine aucun document officiel faisant état de l'acceptation de sa compétence ou lui demandant l'ouverture d'une enquête.

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