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De quelle manière s'est illustré René Angélil? N'est-ce pas un peu triste que, dans le Québec de 2016, avoir marqué la vie culturelle ou sociale du Québec se résume à avoir réussi un plan d'affaires sur la carrière d'une fillette de 12 ans?
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Lorsque le gouvernement offre des funérailles nationales à la famille d'une personnalité publique, c'est pour souligner l'apport exceptionnel de cette personne à la société, et pour permettre au plus grand nombre de gens de venir lui rendre hommage. Les funérailles nationales, selon le Ministère des Relations internationales et de la Francophonie, «sont réservées aux personnalités qui ont marqué la vie politique, culturelle ou sociale du Québec».

De quelle manière s'est illustré René Angélil? A-t-il mis sur pied une Fondation, comme André et Lucie Chagnon de Vidéotron? A-t-il contribué à soutenir financièrement de nombreuses recherches en sciences humaines, comme l'empire Bombardier? A-t-il financé des hôpitaux, des facultés universitaires, des organismes communautaires, comme le Groupe Jean Coutu?

Il a bien accepté de donner son nom à la chaire dédiée à la recherche des cancers oto-rhino-laryngologique, financée par le CHUM, Quebecor et le Groupe Jean Coutu.

N'est-ce pas un peu triste que, dans le Québec de 2016, avoir marqué la vie culturelle ou sociale du Québec se résume à avoir réussi un plan d'affaires sur la carrière d'une fillette de 12 ans?

N'est-ce pas ce qu'on célèbre, par ces funérailles nationales: cette idée que sans lui, elle ne serait rien?

Détour par un fait divers

À peu près au même moment, Nathalie Petrowski pète une coche parce que Marie-Mai a omis de lui donner les détails de sa rupture professionnelle avec Fred St-Gelais. «Depuis 11 ans, écrit Petrowski, Marie-Mai n'a cessé de nous rabattre les oreilles avec le fait que sans Fred St-Gelais, elle n'existerait pas, que musicalement et professionnellement, elle lui devait tout, et qu'elle ne serait rien de rien, sans lui.»

Et elle s'étonne que Marie-Mai ait besoin d'un silence radio pour vivre cette rupture, trouvant normal de s'étonner de ce «changement de cap aussi subit que brutal».

Ce qui n'est pas normal, selon moi, c'est qu'on accepte sans se poser de questions qu'une jeune femme bourrée de talent attribue son succès (ad nauseam, écrit Petrowski) à sa relation amoureuse et professionnelle avec un homme, s'excusant de briller par cette phrase en apparence amoureuse : «Sans lui, je ne serais rien.»

Pendant que les vautours demandent toujours plus de croustillant, il me semble qu'il est au contraire temps de faire silence. Peut-être que ce dont Marie-Mai se remet doucement, c'est de cette violence qu'elle s'est faite à elle-même pendant 11 ans; peut-être qu'il lui faut effectivement prendre un peu de recul, pour mieux se libérer du mythe de Pygmalion et Galatée.

Mythe tenace s'il en est, celui-ci raconte l'histoire d'un sculpteur tombé amoureux de sa statue, qui se serait animée par la force de son amour. Sans lui, elle serait donc restée matière sans forme, comme la princesse du conte de fées qui serait restée dans sa misère sans le prince charmant venu la sauver.

Pourquoi oublie-t-on que c'est le pouvoir divin d'Aphrodite, archétype féminin, qui a donné le souffle de vie à Galatée?

À l'inverse, on nous a assez répété que «derrière chaque grand homme il y a une femme». Par contre, il ne serait jamais venu à l'idée de quiconque de lui offrir des funérailles nationales, à elle.

Retour à la question qui tue

Sans René Angélil, que serait devenue Céline Dion?

Le conte de fées, diront plusieurs, s'achève comme il se doit. Aphrodite a récompensé Pygmalion de l'amour qu'il a porté à sa création en partageant un peu de sa divinité avec elle. Ils vécurent heureux et eurent trois beaux enfants, jusqu'à ce que la mort les sépare.

Le mérite de René Angélil, c'est d'avoir aimé Céline Dion, à partir du premier jour où elle lui est apparue, et d'avoir travaillé d'arrache-pied pour que le souffle divin que sa voix porte soit révélé à tous. D'accord.

Cependant, ce n'est pas impossible d'imaginer qu'un autre agent aurait su voir le talent de Dion et la guider à travers les sacrifices auxquels elle a consenti pour atteindre la notoriété spectaculaire dont elle jouit aujourd'hui. Cette femme, reconnue par tous ceux qui l'ont côtoyée comme une véritable bête de travail, serait parvenue à ses fins, j'en suis persuadée. Peut-être pas exactement de la même façon, sans aucun doute; mais il y a fort à parier que le Québec rayonnerait tout autant si René Angélil n'avait pas fait partie de l'équation.

À moins que le couple, qui a su préserver sa vie privée de façon admirable, n'ait eu l'humilité de garder secrètes les contributions particulières d'Angélil à la vie sociale du Québec, nous sommes bien obligés de poser la question qui tue: que célèbrera-t-on, exactement, par ces funérailles nationales?

Parce que si c'est autre chose que l'absence de scrupules d'un homme de 36 ans qui a su sauter sur la bonne affaire avant les autres, il serait plus que temps qu'on nous le dise.

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