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VIH: rémission, guérison? Est-ce possible?

SANTÉ - C'est une belle histoire, mais qui reste tout à fait unique et qui encourage les chercheurs à inventer des stratégies d'optimisation du contrôle viral par l'hôte et par les traitements. La recherche doit donc continuer...
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SANTÉ - L'info qui fait le buzz depuis quelques jours concerne une communication au Congrès mondial du Sida, qui s'est tenu à Vancouver au Canada du 21 au 24/7/2015, à propos d' une jeune fille française contaminée par transmission de la mère à l'enfant à l'accouchement et qu'on dit "en rémission" de son infection par le VIH.

Qu'est-ce que cette histoire a donc d'exceptionnel? L'infection par le VIH est une infection à rétrovirus, un virus qui s'intègre dès les premiers jours suivant la contamination dans le patrimoine génétique de cellules sanguines indispensable à notre survie et d'où on ne peut le déloger. C'est pourquoi à ce jour le seul malade depuis plus de 30 ans d'existence de cette épidémie qu'on dit «guéri» de cette maladie est le «patient de Berlin», patient qui, suite à une maladie cancéreuse, a du bénéficier d'un traitement agressif incluant une greffe de moelle osseuse très particulière.

A défaut d'éradication du virus, le traitement médical actuel que l'on appelle traitement antirétroviral (anciennement «trithérapie») permet d'empêcher la réplication du virus et donc d'empêcher que le virus ne se dissémine dans l'organisme, s'attaque aux défenses immunitaires de l'individu, ou se transmette à autrui notamment de la mère à l'enfant ou lors de rapports sexuels. On peut vérifier que ce blocage de réplication virale est bien obtenu par une prise de sang mesurant la charge virale plasmatique. Une personne qui prend bien ses traitements doit avoir une charge virale indétectable, ce qui ne signifie pas qu'elle est guérie, mais que le virus est à l'état dormant dans les cellules réservoirs. Aujourd'hui un tel résultat est obtenu chez plus de 90% des patients traités.

Mais que se passe-t-il si l'on interrompt le traitement, même après des années de contrôle virologique permanent ? Le virus, après quelques jours, se réveille et se remultiplie, créant parfois un tableau clinique analogue à une primo-infection, réensemençant de nouvelles cellules, de nouveaux tissus. On peut perdre en quelques semaines des bénéfices qui ont été engrangés par des années de prise optimale des traitements. C'est ainsi que tous les essais thérapeutiques d'interruption des traitements antirétroviraux ont constaté aussi bien chez l'adulte que chez l'enfant une dégradation de l'état immunitaire et une augmentation de la charge virale et éventuellement d'autres complications cliniques ou biologiques. Après la reprise du traitement il faut parfois plusieurs années pour retrouver un état comparable à l'état de santé dont on était parti. De ce fait personne ne recommande plus aujourd'hui d'interrompre un traitement antirétroviral mais la réflexion actuelle est plutôt d'essayer de simplifier le traitement, de l'alléger au fil du temps suivant diverses modalités faisant l'objet d'études cliniques.

Il y a plusieurs années une étude de patients adultes traités rapidement lors d'une primoinfection documentée et chez qui le traitement avait secondairement été arrêté avait permis d'observer qu'un très petit nombre de patients avait montré une capacité à conserver de façon très prolongée une charge virale plasmatique indétectable ou très faible, on les appelle les patients "Visconti", du nom de l'étude en question ; ces patients sont très rares et font l'objet d'investigations approfondies.

Revenons aux 2 cas pédiatriques qui ont fait la une des journaux ces dernières années.

Le «Mississipi baby» est un enfant américain, contaminé dès la naissance, traité très précocement par antirétroviraux, qui avait obtenu un excellent contrôle de son infection sous traitement. Cet enfant avait été perdu de vue plusieurs mois, avait interrompu son traitement, et pourtant, quand il est revenu voir les médecins, la charge virale était indétectable. On l'a cru guéri, il a été surveillé régulièrement, et puis, petit à petit, la réplication virale a repris et après 27 mois sans traitement, il a fallu reprendre, faux espoir ! Toutes les équipes pédiatriques du monde ont alors recherché des cas analogues, en vain ; parmi tous les patients sud-africains de l'étude CHER (traitement précoce des nourrissons avant l'âge de 3 mois puis essai de suspension du traitement après 1 ou 2 ans de traitement) tous ont réévolué. De même, tous les patients qui au décours de l'effet d'annonce du Mississipi baby ont essayé d'interrompre le traitement ont vu la charge virale du VIH remonter... Et puis, au sein de la cohorte nationale française ANRS-EPF CO10, une patiente avec une histoire comparable a pu être identifiée. Cette enfant chez qui le traitement avait été initié à l'âge de 3 mois, au diagnostic de son infection par multithérapie, avait été bien traitée pendant 6 ans puis perdue de vue. Le traitement antirétroviral a alors été interrompu, et pourtant chez elle, lors des bilans ultérieurs et alors qu'aucun traitement n'a plus jamais été repris, la charge virale est restée presque constamment indétectable sur une durée non pas de 27 mois mais de 12 ans, et ses défenses immunitaires sont restées conservées. On parle donc prudemment non pas de guérison, mais de rémission prolongée, car bien que l'on ne détecte pas de virus circulant avec les examens usuels, il reste du virus détectable à faible concentration dans certaines de ses cellules.

Quelles conclusions en tirer? C'est une belle histoire, mais qui reste tout à fait unique et qui encourage les chercheurs à inventer des stratégies d'optimisation du contrôle viral par l'hôte et par les traitements. La recherche doit donc continuer...

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