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Ai-je ruiné ma vie en ayant/adoptant ces enfants ?

Cela nous arrive à tous, parfois, de regretter le temps où nous étions célibataires, sans enfants. On a le droit de le dire. Cela ne veut pas dire que vous n'aimez pas vos enfants plus que tout au monde.
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Aujourd'hui, j'ai rendu visite à une amie, N. qui a des jumeaux âgés de 8 semaines. Elle a également un enfant de 1 an. Trois bébés en bonne santé, une bénédiction que souhaiteraient recevoir des millions de personnes. Mais avec ces trois beaux bébés, elle et son mari ont aussi gagné une maison chaotique, des problèmes financiers qui s'accumulent, et ils ne peuvent plus dormir, ni sortir de chez eux.

"J'ai l'impression que je ne peux pas dire cela à beaucoup de monde, parce qu'on ne connaît jamais vraiment la vie des gens et que s'ils sont justement en train d'essayer d'avoir un enfant, ils ne comprendraient pas : mais à l'arrivée des bébés à la maison, j'ai pleuré toute la semaine qui a suivi. Je pensais : "Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai imposé à mon aîné et à moi-même ? Bref, je n'ai pas arrêté de pleurer."

Avant de juger N, prenez ça en compte : elle avait du mal à tomber enceinte, et après avoir pris un traitement pour la fertilité, elle et son mari ont conçu des jumeaux il y a trois ans et demi. Mais pour d'obscures raisons, N a accouché prématurément et en moins d'une semaine, son fils et sa fille nouveau-nés sont décédés.

Un an plus tard, encore avec l'aide de traitements pour la fertilité, elle a donné naissance à terme à un bébé en pleine santé. Encore un an de plus, toujours aidée, elle a accouché d'un nouveau fils et d'une nouvelle fille.

N connaît la douleur, la souffrance, le chagrin, et la perte. Elle sait ce que signifie vouloir à tout prix un enfant et ne pas en avoir.

Il y a un secret bien gardé parmi ceux d'entre nous qui adoptent ou connaissent des difficultés à construire une famille - nous avons l'impression que nous devrions être reconnaissant pour chaque seconde de chaque minute de chaque heure passée avec nos enfants, comme si nous n'avions jamais le droit de nous sentir dépassés par le devoir parental.

Nous nous sentons coupables de vouloir du temps pour nous, bien plus que les autres parents, parce que nous nous rappelons de l'époque où avoir un bébé à la maison était notre plus cher désir. Nous nous autorisons à peine à éprouver des ressentiments pourtant bien normaux envers les exigences de la parentalité, et encore moins à les exprimer.

Tandis que je discutais avec N ce soir, lui confiant que je m'étais sentie dépassée de la même façon quand notre dernière fille était née, j'ai repensé à l'une de mes très bonnes amies, G. Après des années sans réussir à concevoir, G et son mari ont adopté un bébé. Ils étaient au septième ciel. Un an plus tard, ils en ont adopté un autre. Ils étaient au septième ciel. Un an plus tard, ils en ont adopté un troisième. Ils ont été submergés. "Mais dans quoi me suis-je lancée ?" m'avait murmuré cette amie au téléphone.

G m'avait confié qu'elle avait l'impression qu'elle n'avait pas le droit d'engager une baby-sitter et de prendre du temps pour elle, en raison de son long combat pour adopter. On avait alors réfléchi au fait que les parents qui adoptent sont exactement comme les autres et qu'il n'y avait pas de raison justifiant que G se sente coupable d'engager une baby-sitter une à deux fois par semaine pour pouvoir sortir de la maison.

J'ai dit à N ce soir : "Ce n'est pas grave. Ça ira mieux, tu verras. Mais actuellement, c'est assez dur, et tu as le droit de l'avouer."

Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave de se sentir très reconnaissant pour vos enfants, ravi du miracle que leur présence constitue dans votre vie, et d'avoir aussi l'impression que vous avez gâché votre existence en les ayant. Parce qu'évidemment, c'est le cas. Il est impossible d'avoir un enfant sans ruiner la vie qu'on avait autrefois, celle où l'on ne s'occupait que de soi.

Mais une fois surmontés ces premiers mois sans sommeil, pleins de couches, de maison en désordre, et de tonnes de lessives, vous vous rendez compte qu'à partir des ruines de votre vie, vous avez construit quelque chose de bien plus précieux. Vous avez atteint une nouvelle façon de vivre.

Cela nous arrive à tous, parfois, de regretter le temps où nous étions célibataires, sans enfants. On a le droit de le dire. Cela ne veut pas dire que vous n'aimez pas vos enfants plus que tout au monde. Cela ne signifie pas que vous êtes des parents ingrats qui ne méritent pas leurs enfants.

Il y a des fois où je regarde mes filles et où je veux hurler parce qu'elles sont en train de se battre ou de chouiner et que je regrette le temps où je pouvais passer un samedi matin à dormir, lire le journal, faire du sport et prendre une douche tranquille.

Et puis, il y a des fois où je regarde mes filles et où je ressens un tel amour pour elles que je dois arrêter de faire ce que je fais, me lever et aller embrasser leurs jolis petits minois.

Heureusement, l'amour l'emporte largement sur tout le reste. Mais avec cet amour viennent un réveil à 5.30, une pile de journaux pas lus, un abonnement à la gym devenu pratiquement une donation au club parce que je n'arrive jamais à y aller et une courte douche tous les deux jours avec trois jolis minois me regardant derrière le rideau de douche et me pressent de me dépêcher pour que je puisse me consacrer à leurs besoins.

Mais je ne changerais rien.

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